Turbulent entend bien fabriquer le moulin à eau du 21e siècle

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Turbulent fabrique de petites centrales hydroélectriques capables de produire de l’électricité dans les régions le plus isolées. Malgré les éloges et les nombreux décrochés par cette société, les deux fondateurs n’ont pas réussi à mettre en place un modèle d’entreprise durable. Mais l’arrivée de Walter Buydens, CEO expérimenté, devrait inverser le cours des choses et ils devraient y parvenir.

Turbulent est une mécanique bien rodée. Dès sa création en 2015, les deux fondateurs, l’ingénieur Geert Slachmuylders et l’analyste financier Jasper Verreydt, se sont tout de suite entendus. Une création rendue possible grâce à l’incubateur d’entreprises Start-Up Chile, qui octroie un capital de départ de 20 millions de pesos (environ 26.000 euros) aux jeunes entreprises. Plus tôt dans l’année, Turbulent, qui représentait la Belgique a remporté un prix au Startup Nations Summit 2015 à Mexico.

Au cours de ces dernières années, Turbulent a continué d’engranger les récompenses, notamment le prix Clean Tech Hero 2022 et, l’année dernière, un double prix aux Trends Impact Awards. En 2022, l’entreprise de technologie verte basée à Louvain a même raflé pour la deuxième fois à une COP, la conférence annuelle où les diplomates du climat et les dirigeants mondiaux examinent dans quelle mesure la communauté internationale est sur la bonne voie pour atteindre les objectifs climatiques de l’Accord de Paris.

À cette date, les deux fondateurs ont passé le flambeau du rôle opérationnel à Walter Buydens, qui occupe le poste de CEO depuis 2021. La pandémie de coronavirus avait été le point de non-retour ; malgré les superlatifs quant à la technologie déployée, à peine une poignée de turbines avaient été vendues à ce moment-là.

Pourtant l’idée de génie,  développée par Geert Slachmuylders et Jasper Verreydt, n’était autre qu’une mini-centrale hydroélectrique fonctionnant grâce au courant des ruisseaux ou des rivières présentant même un faible débit d’eau. La turbine (appelée Vortex) mesure environ deux mètres de haut et ressemble à une grande vis fixée dans un conteneur placé dans une dérivation d’un cours d’eau ou dans un canal. L’eau qui la traverse forme un tourbillon à la surface. Ce tourbillon est utilisé pour produire de l’électricité. 

« Nous avons développé une turbine hydraulique spéciale, Vortex, qui génère de l’électricité de façon stable, sans retombées écologiques ni grands travaux de génie civil, explique l’actuel CEO, Walter Buydens. Notre technologie se montre idéale pour les endroits disposant d’une infrastructure énergétique limitée voire inexistante, en offrant une électricité continue sur de mini- et micro-réseaux. »

Et, le CEO de Turbulent poursuit son explication: “Nous n’avons pas besoin d’un débit important, mais tout de même d’un mètre cube et demi – 1 500 litres – par seconde et d’une chute modeste de 1,5 mètre. Au lieu des anciens moulins à eau qui tournaient verticalement, nos turbines tournent horizontalement. “La machine ne fait pas de bruit, est immergée, n’est pas nocive pour les animaux, nécessite peu d’entretien et n’a pas besoin d’un barrage comme les grandes centrales hydroélectriques. Il s’agit d’une énergie propre et verte qui ne nuit pas à la biodiversité et qui est idéale pour les régions isolées.

Autour du monde

Plusieurs pays avec des zones reculées et sans infrastructure énergétique pourraient être intéressés par cette technologie. C’est pourquoi, en 2017, un projet pilote a été installé chez un agriculteur chilien, avec une turbine suffisamment puissante pour produire de l’électricité pour l’équivalent de 30 familles belges.

Deux ans plus tard, Turbulent a réalisé sa première grande levée de fonds. La start-up a récolté 3,2 millions d’euros. Le programme Horizon2020 de l’Union européenne y a contribué à hauteur de 2,2 millions d’euros, le reste provenant des fonds d’impact belges Inventures II et Victrix. Ce dernier est le family office de Virginie Saverys, de la célèbre famille d’armateurs.

“À un moment donné, il faut aussi gagner de l’argent en travaillant avec les bons clients, qui paient des prix basés sur le marché”, explique Walter Buydens. Et ce n’est pas pour rien que Walter Buydens a le profil idéal pour être CEO de Turbulent. Il est ingénieur hydraulique et possède des années d’expérience en tant que directeur général. “Depuis sa création, Turbulent a beaucoup travaillé avec des subventions. Dans le cadre de projets pilotes, elle a souvent demandé des prix qui ne suffisaient pas à couvrir ses coûts. Le raisonnement des deux fondateurs était que nous avions besoin de projets vitrines pour nous faire connaître”.  Ainsi Buydens parcourt le monde pour faire connaître la technologie de Turbulent, de la Zambie aux Philippines en passant par le Brésil. En Zambie, accompagné de son directeur commercial Imane Benamar, ils ont rencontré pendant deux heures le président Hakainde Hichilema.

Doubler le chiffre d’affaires chaque année

Pour se faire, en 2022, Turbulent a levé 1,8 million d’euros auprès d’Inventures II et de quelques investisseurs familiaux discrets, notamment par le biais de prêts convertibles. “En 2022, notre chiffre d’affaires était de 700 000 euros, l’année dernière il est passé à 1,2 million et, cette année, nous passerons à 2,5 à 3 millions”, calcule Walter Buydens. “Nous sommes passés de 4 à 44 turbines. Nous prévoyons d’atteindre un ebitda positif au premier trimestre 2025. Le plan consiste à doubler le chiffre d’affaires chaque année jusqu’à ce que nous atteignions 25 millions d’euros en 2027. Je viens de faire un rapide calcul avec mon collègue Samuel. Si nous continuons à doubler, bien sûr, nous atteindrons bientôt le milliard. » (rires)

Initialement, M. Buydens devait rester un an et demi à la tête de Turbulent, mais cela fait trois ans qu’il occupe le siège du CEO. Bien que ce sexagénaire puisse théoriquement prendre sa retraite, il n’en est absolument pas question. Buydens se veut à l’image d’un artiste qu’il admire, Bob Dylan, dont il a vu les 28 concerts : “Il se réinvente à chaque disque, tout comme nous devons le faire professionnellement. Bob continue de chanter à 83 ans, j’aimerais aussi jouer un rôle commercial quelque part à cet âge.

Haas

Comment le CEO a-t-il fait progresser le chiffre d’affaires de Turbulent ? “Comme nous avons beaucoup de demandes de projets, nous avons le luxe de pouvoir faire un certain filtrage. Nous avons décidé de ne choisir que des projets où la rivière est suffisamment large pour placer plusieurs turbines côte à côte. De cette manière, nous pouvons les connecter en série. Cela nous a permis d’obtenir des contrats plus importants par projet, notamment parce que nous devons augmenter nos prix. Avec ce nouveau modèle, nous avons remporté des contrats au Kenya, où nous travaillons avec Hydrobox Kenya, mais aussi en Afrique du Sud et récemment aux Philippines”, explique M. Buydens.

“Nous sommes maintenant dans un tour de table de 3 à 5 millions d’euros car nous voulons évoluer vers Hydro as a Service – HaaS”. Ce jeu de mots fait référence au Software as a Service (logiciel en tant que service), un jargon de start-up qui désigne les modèles commerciaux dans lesquels les clients s’abonnent à un logiciel. Un tel modèle convient parfaitement aux revenus récurrents et à une croissance rapide.

“Je veux utiliser l’argent du tour de table pour exploiter les turbines que nous avons mises en place afin de garantir des revenus récurrents”, conclut Walter Buydens.

Bio
– 1958 : né à Brakel, et habite à Schoten
– 1981 : maîtrise en bio-ingénierie (KU Leuven)
– 1983 : ingénieur en hydraulique (IHE Delft)
– 1984 : travaille à Niamey (Niger) pour l’Organisation météorologique mondiale
– 1987-92: conseiller au département de l’environnement de la Banque mondiale à Washington
– 1992 : doctorat en ingénierie civile et environnementale de l’université Cornell aux États-Unis, avec des travaux de recherche en Inde
– 1994 : fondateur et associé gérant de la société de conseil en environnement ERM Belgique, plus tard également pour la France et les Pays-Bas
– 2008 : directeur général pour la Belgique et la France, puis pour le Qatar chez Royal Haskoning DHV
– 2014 : travaille pour le centre de recherche VITO au Moyen-Orient
– 2021 : CEO de Turbulent

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