Renouvelable wallon: trois fois plus d’emploi d’ici 2030 (si l’on cesse de bloquer les permis)

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Le secteur des énergies renouvelables en Wallonie c’est aujourd’hui plus de 8.000 emplois. Il pourrait passer à 23.326 emplois d’ici 2030, selon une étude. Mais ces prévisions ne se concrétiseront que si la Wallonie atteint ses objectifs du Plan Air Climat Energie. Et c’est là que le bât blesse.

Rien qu’en 2022, ce secteur a déjà généré près d’un demi-milliard d’euros de valeur ajoutée (490 millions d’euros) et représente 8.111 emplois équivalents temps plein. Soit autant de richesse directement injectée dans l’économie wallonne. Mieux, cette progression devrait encore s’accentuer à l’avenir puisqu’elle pourrait grimper à 1.755 milliards par an en valeur ajoutée d’ici 2030. Grâce au développement des énergies renouvelables, ce seraient ainsi 12,2 milliards d’euros de valeur ajoutée supplémentaire sur la période 2023-2030.

C’est du moins ce qui ressort d’une étude sur l’impact socio-économique des filières d’énergies renouvelables en Wallonie commandée par Edora, la fédération des énergies renouvelables, au bureau Deplasse & Associés, spécialisé dans la performance énergétique des bâtiments et la transition énergétique.

Créations d’emploi pérenne

Le développement des énergies renouvelables, rappelle encore l’étude, n’a pas qu’un impact écologique ou sur la dépendance énergétique. Ce secteur a aussi un réel impact socio-économiques et donc sur l’économie wallonne.

Il est très difficile de déterminer le nombre d’emplois exact que génère le secteur, car ces derniers sont éparpillés, souvent indirects, pour ne pas dire diffus. L’étude estime cependant que le secteur compte pas moins de 8.000 ETP, soit autant d’emplois que le secteur de l’industrie chimique

Toujours selon l’étude, les emplois liés à ce secteur devraient passer de 1.492 ETP en 2022 à 3.255 en 2030 dans l’éolien, de 1.975 à 3.914 dans le photovoltaïque et de 1.691 à 3.762 dans la biomasse chaleur. Les pompes à chaleur devraient, elles aussi, être source d’emploi. Elles devraient ainsi fournir 2.531 emplois en 2030, soit près de six fois plus qu’en 2022. En 2030, ce ne serait donc pas moins de 23.326 équivalents temps plein qui seraient issus des filières du renouvelable en Wallonie, dont 43,5% d’emplois directs, 44,9% d’emplois indirects et 11,6% d’emplois induits.

Quid de la balance commerciale ?

Si actuellement, la Région wallonne importe 2,6 fois plus de biens et services liés aux secteurs renouvelables qu’elle n’en exporte, cela ne devrait pas impacter durablement la balance commerciale. Suite à une prévisible baisse des importations de gaz et de mazout, le solde commercial total du secteur renouvelable sera positif à l’horizon 2030 (selon les scénarios entre +5 milliards et + 21,8 milliards € de balance commerciale sur la période étudiée (2023-2030)).

Plus encourageant encore, 40% des emplois générés grâce aux énergies renouvelables en Wallonie sont considéré comme pérenne et non délocalisable. Et ils le seront d’autant plus s’ils bénéficient d’un cadre et de mesures adéquates. Notamment en matière de capacités des raccordements aux réseaux, d’octroi permis ou encore de sécurité juridique.

Le PACE

Mais ces prévisions tablent sur le fait que les objectifs wallons du Plan Air Climat Energie (PACE) 2030 seront atteints. Ce plan a été adopté définitivement en mars par le gouvernement wallon et affiche comme objectif une augmentation de 150% la production d’électricité verte d’ici 2030 et de 80% la production de chaleur renouvelable. Et c’est aussi là que cette étude place un bémol puisque l’atteinte de ces objectifs est réaliste, mais n’a rien d’une certitude.

Aujourd’hui la capacité installée totale en électricité produite à partir de sources renouvelables est de 5.394 GWh/an. Le but est de passé à 13.548 GWh en 2030. En 2022, les filières photovoltaïque et éolienne représentent 91% des installations renouvelables électriques en Wallonie. Elles produisent 2.502 GWh pour l’éolien et 1.617 GWh pour le photovoltaïque. D’ici 2030, elles devront produire respectivement 5.100 GWh et 6.200 GWh. Or chez Edora, on se demande comment la région compte y parvenir.

Des aides en hausse

Edora estime que les aides octroyées sur la période 2023-2030 par la Région wallonne s’élèveront à 1.337.384.000 € pour les aides à l’investissement. 61% de ces aides seront des primes à l’habitation. Elles passeront ainsi de 19.3 millions en 2022 à 103.9 millions en 2030. Les déductions fiscales ne sont pas en reste puisqu’elles s’élèveront à 2.659.485.876 euros entre 2023 et 2030. Elles passeront de 46 millions en 2022 à 389 millions en 2030.

L’inquiétude est nourrie par le fait que ce n’est pas tant les investissements nécessaires (estimés à 16.159.603.000 euros par Edora) qui risque de plomber l’atteinte des objectifs, qu’un certain manque de volonté politique. Certains partis auraient tendance, à tort, de croire que le secteur ne concerne que l’écologie ou le prix de l’énergie. Le renouvelable a aussi un impact socio-économique. Mais en cette période pré-electoral, on craint que le dossier soit politisé et s’embourbe.

On pense encore trop local

« L’un des gros enjeux de ce plan est en effet ce qu’on appelle dans le jargon le « permiting », soit l’obtention de nouveau permis pour installer des champs éoliens ou photovoltaïques », précise Eric Monami, conseiller en énergie chez Edora. Car vouloir plus d’énergie renouvelable, c’est bien beau, mais où va-t-on le mettre ? « Aujourd’hui si on voit plus de panneaux solaires, ils sont encore loin de couvrir tous les toits. Si ces toits vident représentent un potentiel considérable, pour aller vite et bien on doit aussi augmenter les panneaux voltaïques au sol. Par exemple en développant une réelle politique d’agrivoltaïsme», précise-t-il encore. Soit des espaces agraires qui combineraient élevage et production d’énergie photovoltaïque. Mais aujourd’hui ce genre d’installation est et reste très compliqué, surtout par manque de volonté politique.  «En Wallonie, les politiques semblent très sceptiques sur le sujet » précise pour sa part Fawaz Al Bitar, le directeur général d’Edora.

Que ce soit pour les panneaux voltaïques ou les éoliennes, «on pense encore beaucoup trop local alors qu’il s’agit d’enjeux globaux. Encore trop souvent, un permis est refusé suite à une pression locale. Or, si on ne peut pas accepter partout, on ne peut pas non plus refuser tout le temps. Et il y aura bien toujours un opposant quelque part. Donc à moins de revoir les objectifs, cela passera par des mécontents puisqu’on ne peut satisfaire tout le monde» dit-il encore.

Et cela vaut aussi, voire surtout, pour l’éolien. Malgré l’initiative Pax Eolienica II, soit un paquet de mesures qui vise à apaiser les relations entre les différentes parties concernées, le développement de l’éolien en Wallonie coince encore trop souvent.

Le triple problème de la Wallonie

La Wallonie connaît même un triple problème en ce qui concerne les éoliennes. Le premier est que « contrairement au reste de l’Europe la procédure pour obtenir un permis ne s’est pas simplifiée, mais au contraire a encore gagné en complexité. Ce n’est pas un, mais deux ministres, Tellier et Borsus, qui ont la tutelle sur l’octroiement d’un permis. Pour l’obtenir, il faut qu’il y ait un consensus entre les deux. En sachant que les deux sont issus de différents partis, autant dire que c’est compliqué. Les règles, notamment environnementales, sont aussi devenues plus sévères » précise Fawaz Al Bitar. Elles sont parmi les plus strictes d’Europe. « Elles entraînent vite un avis négatif du Département de la Nature et des Forêts (DNF) et donc souvent un refus de permis. Enfin même si le permis est accordé, il est ensuite quasiment systématiquement attaqué au Conseil d’État. Une procédure qui n’a pas encore de délai de rigueur. Ce qui fait qu’un dossier peut bloquer le permis durant parfois des années », souligne encore Fawaz Al Bitar. 

A cela s’ajoutent encore de trop nombreuses zones où il y a des contraintes aéronautiques ou militaires. Soit trop de zones qui dépendent d’une interdiction fédérale. Des négociations sont cependant en cours et on attend la libération de certaines zones pour cette année. 2023 s’annonce comme une année cruciale en ce qui concerne le durable.

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