Gaza, Ukraine et défi climatique: “Devra-t-on passer par un chaos généralisé avant de réagir?”
Adel El Gammal, professeur de l’ULB et spécialiste de la géopolitique de l’énergie, “pleure” l’impact des guerres et des replis sur soi sur l’agenda climatique. Il craint que la prochaine COP ne soit que le reflet du désastre.
C’est un document de dix pages clôturé le jour-même de l’attaque du Hamas contre Israël. Rédigé par Adel El Gammal, professeur à l’ULB, spécialiste de la géopolitique de l’énergie et secrétaire général de l’European Energy Research Alliance (EERA), il pointe du doigt l’impact désastreux des crises actuelles sur l’agenda climatique. De l’Ukraine au Proche-Orient, la terre s’embrase et se déchire, oubliant au passage cet enjeu commun que constitue le défi climatique.
“C’est à pleurer, nous dit Adel El Gammal. Les efforts de collaboration à l’échelle planétaire qui seraient indispensables sont balayés. Le monde est complètement divisé. Ces drames confirment ce que je pressens depuis un certain temps, déjà: nous allons devoir apprendre par la manière forte. Devra-t-on passer par un chaos généralisé avant de réagir?”.
S’il se rendra une dizaine de jours à la COP28, qui aura lieu aux Emirats arabes unis du 30 novembre au 12 décembre prochain, cet expert ne se fait guère d’illusions: “J’irai davantage pour comprendre les raisons du désastre.”
Une déstabilisation globale préjudiciable
En guise de préambule à ce document, rédigé en vue du 25e Congrès des économistes qui aura lieu le 16 novembre, Adel El Gammal souligne: “En cette période de hautes tensions géopolitiques, une nouvelle guerre dans le Proche-Orient est susceptible d’avoir des conséquences durables et pourrait accélérer la déstabilisation géopolitique globale.” Les termes sont prudents, mais le risque d’un conflit régional est réel.
Le spécialiste de la géopolitique de l’énergie passe en revue le profond bouleversement de l’ordre international qui est en cours depuis le début du millénaire, avec l’attaque contre le tours jumelles à New York, en constante accélération depuis: Syrie, Chine et Xi Jinping, Afghanistan, Ukraine… La compétition économie, singulièrement entre la Chine et les Etats-Unis induit un système dicté par les rivalités et les confrontations. Le monde se fissure entre l’Occident et le Sud Global.
“Herbivores dans un monde de carnivores”
L’Europe tente d’agir pour encourager les démocraties libérales, stimuler la paix ou encourager l’action en faveur du climat. “Les derniers herbivores peuvent-ils survivre dans un monde de carnivores?”, interroge l’auteur. Qui rappelle l’immensité de l’effort à accomplir pour atteindre l’objectif des accords de Paris: il faudrait “une crise du Covid par année jusqu’en 2050”. Lors de l’année du lock down, en 2020, les émissions de CO2 ont diminué de 5,8%, ce qui est nécessaire annuellement sur cette période de temps.
Les premières de ses recommandations à l’échelle mondiale est claire: “restaurer la coopération globale” et “renouveler le leadership, soutenus par des experts”.
Divisions belges
Comme si l’on n’avait pas assez de raisons pour pleurer à l’échelle globale, la Belgique n’est pas en reste avec cette incapacité de s’entendre sur une action climatique concertée entre les différents niveaux de pouvoir. “Les replis identitaires sont motivés par les peurs, partout, alors que nous avons besoin de l’inverse”, insiste Adel El Gammal.
Dans les recommandations émises pour nos dirigeants, il en appelle à “revoir en profondeur la fragmentation régionale” et agir pour renforcer le multilatéralisme sur cette question existentielle. Tout en agissant plus drastiquement en matière énergétique, dans la construction ou dans la recherche.
Les records de chaleur battus continuellement invitent à l’action, ils ne reçoivent comme écho que le bruit des missiles.
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