Belga Solar, des panneaux photovoltaïques 
made in Belgium

Les dirigeants de Belga Solar, Frédéric Conrads et Sébastien Mahieu, dans leur usine à Baillonville. © LIBERT
Olivier Mouton

La société Belga Solar se développe et investit pour installer une énergie ­solaire vertueuse. C’est un symbole pour la réindustrialisation de la Wallonie. Mais la situation du marché n’est pas simple.

Belga Solar est devenue un symbole. Cette entreprise de Baillonville vient d’inaugurer une nouvelle chaîne de production de panneaux photovoltaïques, un investissement d’un million d’euros qui a fait venir du beau monde, fin février: les ministres David Clarinval et Willy Borsus, la “patronne des patrons” wallonne Cécile Neven… Tous n’avaient qu’un mot à la bouche: “réindustrialisation”.

Un symbole, vraiment ? “Si vous le dites, sourit Sébastien Mahieu, directeur général de Belga Solar. Nous essayons de participer à la réindustrialisation de l’Europe, c’est vrai. Notre vision est assez simple: nous croyons à un avenir sans carbone et l’énergie solaire a un rôle important à jouer. La mission qui en découle, c’est de participer à la transition énergétique en créant de l’emploi local et en participant à la création d’une chaîne de valeur européenne.”

Dans le cas de Belga Solar, cela fonctionne plutôt bien: l’entreprise, née en 2007 pour installer des panneaux, a décidé d’en produire cinq ans plus tard, au vu de la qualité souvent médiocre de la production chinoise. Après avoir changé de nom en septembre dernier, elle connaît un coup d’accélérateur: une trentaine de personnes employées, une production de 30.000 panneaux l’an dernier et un horizon fixé à 100.000 avec la nouvelle ligne de production.

Le chiffre d’affaires a doublé en un an, le nombre d’employés également et la transformation informatique a été orchestrée avec Odoo, le tout avec le soutien de Wallonie Entreprendre. “Nous avons une opportunité colossale de reprendre notre avenir et notre souveraineté énergétique en mains, sourit son directeur général. Si on achète nos panneaux à l’étranger, on fera avec le photovoltaïque ce que l’on a fait avec l’énergie fossile: devenir dépendant des autres.”

Un marché et des valeurs

Belga Solar veut situer la Wallonie sur la carte du monde, mais ce n’est pas chose aisée. “Le marché actuel du photovoltaïque est compliqué, reconnaît Sébastien Mahieu. Deux grandes puissances économiques, la Chine et les Etats-Unis, se battent sur cette transition énergétique en prenant des positions fortes. L’Europe, elle, se contente surtout d’émettre des règles.”

Le résultat, c’est une concurrence déloyale avec laquelle un producteur belge doit composer. “Les Chinois investissent depuis des années et sont les leaders mondiaux. Les Américains ont investi plus tardivement avec l’Inflation Reduction Act, subsidié à hauteur de 26 dollars par panneau produit, proposé des crédits d’impôt et mis des barrières à l’entrée sur ces produits. La conséquence de tout cela, c’est que les panneaux chinois sont redirigés vers l’Europe, en faisant fortement chuter les prix. C’est clairement du dumping: c’est interdit, mais on laisse faire.”

Comment réagir? “Ce qui nous distingue, au-delà du simple fait de produire en Europe, c’est que l’on porte des valeurs fortes au sein de l’entreprise, insiste-t-il. C’est un moteur important que je partage avec mon associé, Frédéric Conrads, et avec toutes les équipes. En novembre, nous sommes allés chez le notaire pour changer notre statut et devenir une entreprise à mission, c’est-à-dire que l’on intègre une réflexion sur l’environnement, les clients, le personnel… C’est un vrai engagement. Nous avons aussi commencé le processus de certification B Corp. Nous faisons un bilan carbone et de la compensation carbone avec l’ONG Graines de vie: plus de 120.000 arbres ont été plantés depuis 2019. Pour le packaging, nous travaillons avec Atelier 85, une entreprise de travail adapté.”

Nous avons une opportunité ­colossale de reprendre notre ­avenir et notre souveraineté ­énergétique en mains.

Ce comportement local et vertueux permet, en partie, de justifier un prix plus élevé. “Tout le monde est sensible au fait de placer plutôt un panneau belge qu’un panneau chinois sur son toit, souligne Sébastien Mahieu. Mais si l’on arrive avec un produit qui coûte trois fois le prix, cela ne fonctionnera pas. Par contre, si le prix est 5% à 10% plus cher, le consommateur prendra quelques mois de plus à rentabiliser l’investissement, en assumant son choix. Les panneaux, dans le cadre d’une installation classique pour le résidentiel, représentent environ 20-25% du total. Ce qui coûte cher, c’est le salaire de ceux qui les installent sur le toit. Mais la durée de nos panneaux est de 25 ans contre parfois 10 ou 15 ans. C’est un autre élément important dont il faut tenir compte.”

Production locale

Cela dit, Belga Solar attend davantage des autorités pour soutenir la production locale et cette réindustrialisation, au-delà des mots de circonstance. “C’est une question de choix et de volonté politiques”, dit Sébastien Mahieu.

Le meilleur exemple, c’est le Grand-Duché voisin. Belga Solar y dispose d’une société sœur, qui porte la capacité totale de production à 200.000 panneaux photovoltaïques made in Benelux. “Au Luxembourg, ils ont toujours vu comme une évidence le fait de modifier les cahiers des charges pour favoriser la production locale, dit le directeur général. Cela devrait être le cas chez nous, aussi. Nous devons travailler avec le secteur public pour, a minima, favoriser la production européenne.”

La visite ministérielle, lors de l’inauguration, a-t-elle permis d’engranger du soutien en ce sens? “Il y a eu une oreille attentive, c’est certain. Notre demande, c’est d’obtenir ce cadre plus favorable pour la production européenne. La difficulté, en Belgique, c’est qu’il faut aller frapper à toutes les portes parce que derrière chaque cahier des charges, il y a une personne différente. Mais ce n’est pas grave: nous allons prendre notre bâton de pèlerin pour convaincre.”

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