A.S.Adventure combine profits et durabilité
L’entreprise spécialisée dans les équipements et textiles “outdoor” a décidé de faire de l’économie circulaire son business model. Objectif? Se différencier de ses concurrents et des plateformes en ligne en offrant davantage que des produits.
Pas très loin d’Anvers, se dresse un entrepôt pas comme les autres. Rien de spécial ne le distingue à première vue: il est logé au cœur d’un zoning industriel, s’étale sur une surface imposante et grouille de travailleurs. Mais à l’intérieur, s’accumulent des dizaines de caisses remplies de matériel pour les vacances… de neige. Bottines, skis, snowboards et vestes. “La saison des sports d’hiver est terminée”, explique Bea De Beuckelaer, CEO de Retail Concepts qui appartient au groupe international Yonderland, plus connu sous le nom de A.S.Adventure Group.
Ces objets ont été loués par des clients d’A.S.Adventure qui les ont ramenés dans le magasin le plus proche au terme de leur séjour à la montagne. En 2022, l’entreprise a ainsi délivré plus de 80.000 produits liés à la pratique des sports d’hiver. “Si vous louez du matériel d’A.S.Adventure au lieu de l’acheter, celui-ci est utilisé par plusieurs personnes. Résultat: cela diminue la consommation de matières premières et d’énergie”, analyse la CEO, qui était responsable des achats au sein de l’entreprise avant de prendre la direction de celle-ci.
Le succès de ce service de location, qui existait déjà depuis de nombreuses années, a incité le groupe à l’étendre à d’autres activités outdoor, telle la randonnée. “Le meilleur exemple est sans aucun doute notre porte-bébé, précise Bea De Beuckelaer. C’est un matériel qui coûte assez cher si l’on veut qu’il soit qualitatif et confortable mais on ne l’utilise finalement que très peu de temps.”
Plusieurs raisons expliquent ce succès. D’une part, la location permet de ne pas s’encombrer d’un matériel que l’on utilise qu’une seule fois par an. D’autre part, elle permet de tester des produits que l’on n’est pas certain de vouloir acheter. “La durabilité, c’est avant tout un état d’esprit”, affirme la CEO de Retail Concepts.
Lire aussi | Decathlon: louer du matériel plutôt que le vendre?
Le spécialiste de l’équipement outdoor, qui compte 48 magasins en Belgique, au Luxembourg et en France, a fait de l’économie circulaire son business model. Repenser, réutiliser, réduire, réparer et recycler. Le futur de la chaîne se conjugue avec la durabilité. Objectif? Encourager les consommateurs à conserver leurs équipemets plus longtemps et faire des achats avertis et respectueux de l’environnement.
“Pour se différencier, il faut proposer des services que les géants en ligne ne sont pas capables de fournir.”
L’entreprise mène ce programme dédié à la durabilité depuis trois ans, et ce tant au niveau local qu’à celui du groupe. “Deux niveaux différents mais complémentaires”, souligne Claudia Verswyver, responsable durabilité pour A.S.Adventure Belgique. Il faut non seulement mettre en œuvre les décisions prises au sein de l’Union européenne mais également répondre aux législations de chaque pays, diversement avancées. “Chaque pays a ses spécificités”, ajoute la responsable qui prend comme exemple la différence de gestion des déchets. “Nous sommes très efficaces dans le recyclage en général, mais les Pays-Bas avancent plus rapidement sur le textile.”
En plus de la location d’équipements sportifs, l’entreprise a également initié d’autres services à destination du consommateur. Elle propose ainsi le lavage, la réparation ou l’entretien des chaussures et de vêtements. “L’objectif est d’aider les clients à prendre soin de leur matériel, précise Claudia Verswyver. C’est intéressant pour leur portefeuille et cela permet de réduire le nombre de déchets.”
Des services durables
Tout comme le service de location, l’atelier réparation a été développé en commençant par le matériel de ski, qui exige un type d’entretien bien approprié. “Etendre la vie d’un produit qui a déjà été confectionné est l’un des moyens les plus efficaces de réduire la pression sur les ressources et l’impact négatif sur l’environnement”, poursuit la responsable durabilité.
L’atelier de réparation des chaussures fonctionne un peu de la même manière. Ici, les trois employés se concentrent exclusivement sur les bottines de randonnée aux processus de réparation et d’entretien très spécifiques. Avec des machines ou simplement à l’aide d’une petite aiguille et de ciseaux, Sonia et Nancy raccommodent chaque jour de nombreuses paires. Cuir, textile ou daim: chaque matière réclame un travail adapté.
Sonia, qui a d’abord travaillé dans le service après-vente, a d’ailleurs suivi des formations au sein de l’entreprise allemande Meindl, grand spécialiste de la chaussure de randonnée. La société fournit les pièces de la marque, comme les semelles et crochets de lacets, nécessaires à la réparation. Le service est donc plus rapide – et plus durable – puisque les exemplaires sont réparés en Belgique et ne doivent plus être envoyés en usine pour une semelle abîmée ou une simple couture usée, ce qui améliore la rentabilité et la satisfaction du client. “Tout le monde est gagnant”, résume Bea De Beuckelaer.
Et que dire de la blanchisserie? Alors qu’il a été lancé il y a seulement deux ans, ce service (internalisé, se félicite la CEO) a déjà traité plus de 7.500 articles en 2022. “C’est un service unique en Belgique”, précise Bea De Beuckelaer.
Au total, tous ateliers confondus, plus de 4.900 vêtements ou objets ont été réparés en 2022 et 32.000 chaussures ont été entretenues. Cette multiplication de services aux consommateurs s’inscrit dans une stratégie de différenciation du groupe. “On ne veut pas juste vendre des produits, ça tout le monde peut le faire”, ajoute Bea De Beuckelaer. Le groupe évolue dans un environnement très concurrentiel, surtout depuis l’arrivée des plateformes en ligne qui proposent des prix toujours plus bas.
Un prix juste
“Certes, nous développons aussi notre offre en ligne, mais ce n’est pas un objectif d’être le plus performant”, poursuit la CEO qui estime que ce modèle de vente n’est pas tenable. “On ne peut pas rivaliser face aux géants en ligne. Le seul moyen de se différencier, c’est de proposer des services qu’ils ne sont pas capables de fournir.”
Ayant décidé de vendre ses produits “au prix juste”, il serait d’ailleurs contre-productif pour l’entreprise de se lancer dans une guerre des tarifs. “Nous sommes plus chers que nos concurrents à l’achat, concède Bea De Beuckelaer. Mais pas sur le long terme puisque vous pouvez conserver nos produits plus longtemps.” Une stratégie qui s’est peaufinée peu à peu. Il y a quelques années en effet, les consommateurs se disaient prêt à mettre le prix pour des achats plus respectueux de l’environnement. Mais cette volonté s’était très peu vérifiée en pratique. “Aujourd’hui par contre, les consommateurs achètent moins mais mieux”, explique la CEO qui observe un effet sablier sur le marché: “soit les clients sont sensibles à la qualité et y mettent le prix, soit ils se tournent vers des produits premiers prix”.
“Les consommateurs qui louent le matériel sont quatre ans plus jeunes que nos clients classiques.”
Cette approche n’est-elle pas pas sans risque? L’entreprise pourrait se retrouver à ne contenter qu’un public de niche, à la fois sensible à l’environnement et doté d’un pouvoir d’achat assez élevé… Ce qui n’est pas toujours le cas des plus jeunes. “Même s’ils ont moins de moyens, ce sont les plus sensibilisés”, nuance la CEO qui ajoute que les services de location répondent justement aussi également à leurs besoins.
“En moyenne, les consommateurs qui louent le matériel sont quatre ans plus jeunes que les clients classiques de nos magasins.” L’inflation n’a d’ailleurs pas influencé le comportement d’achat de ces consommateurs qui ont tendance à acheter moins en volume mais pour un prix un peu plus élevé. “Le total de leurs achats est même 3% plus élevé”, poursuit la responsable.
Afin de permettre aux clients de bien comprendre ce qu’ils achètent, l’entreprise a en outre créé le label “Our Planet”, il y a deux ans. Celui-ci met en évidence des produits dont les conditions de production environnementale et sociale ont été partagées par les marques, ce qui offre une garantie aux clients. “Mais on ne dit pas que le produit est plus durable, parce que c’est impossible à quantifier”, précise Claudia Verswyver.
La bonne stratégie?
Réparer plutôt qu’acheter ou pousser les consommateurs à réfléchir à leurs achats, est-ce toutefois bien compatible avec une stratégie d’entreprise qui vise le profit? “Evidemment! s’exclame la CEO. Le paradoxe n’existe que si vous n’avez pas une vision à long terme.” “Le profit n’est pas incompatible avec la durabilité”, complète la responsable durabilité qui rappelle que cette approche incite à développer les innovations. L’entreprise a par exemple investi plus de 1,8 million d’euros afin de changer ses infrastructures et les rendre plus économes en énergie.
“Cette année et les années précédentes, nous n’avons pas reversé de dividendes aux actionnaires mais nous les avons investis dans des technologies qui permettent de réduire les émissions de CO2.” L’entreprise souhaite réduire de 50% ses émissions de CO2 d’ici deux ans et atteindre la neutralité carbone en 2050. “Le consommateur attend de nous que nous soyons exemplaires et nous voulons être un exemple”, conclut Bea De Beuckelaer.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici