Comment reconnaître les images créées par une intelligence artificielle ?
Depuis quelques jours circulent des clichés surprenants de Macron dans les manifestations, de Trump arrêté ou encore du pape François affublé d’une grosse doudoune. Mais ne vous y trompez pas, ces images étonnantes de réalisme ont été créées de toutes pièces par l’IA Midjourney. Mais qu’est-ce et comment reconnaître ces fausses photos ? Voici quelques astuces.
Il y a quelques semaines, la version IA de « La Jeune Fille à la perle » exposée dans le Mauritshuis Museum avait suscité sa part de controverse. Julian van Dieken, créateur numérique basé à Berlin, a utilisé l’outil Midjourney – une IA capable de générer des images complexes à l’aide de millions d’images provenant d’Internet – ainsi que Photoshop pour réaliser sa version d’un des chefs-d’œuvre les plus connus de l’histoire de l’art. Depuis quelques jours, ce sont de nombreuses fausses photos de personnalités qui font le buzz sur les réseaux sociaux. Elles aussi ont été créées à l’aide de l’intelligence artificielle Midjourney.
Création d’images à partir d’une requête textuelle
Midjourney est en effet capable de créer des images suite à une simple requête textuelle ou d’une description. Elle le fait via un processus que l’on appelle le “prompt crafting” (pour artisanat de précision). Et au plus la description est précise au plus le cliché sera riche en détails.
Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’engouement suscité par les clichés de Macron et Trump à travers le monde est loin de plaire au développeur de Midjourney. Il a depuis interdit toute génération d’images d’arrestation en bannissant le mot “arrested”. Il existe cependant d’autres IA créatrices d’images comme DALL-E, Craiyon, Stable Diffusion, Imagen ou encore DreamBooth. Soit autant d’IA capables de créativité et surtout facilement accessibles au grand public. Plus besoin donc d’être un expert pour pouvoir les utiliser.
Astuces pour repérer une fausse image
Si les derniers clichés qui circulent sont encore trop gros que pour être vraiment crédibles, il existe des créations plus subtiles qui sont plus difficilement repérables. Des clichés qui peuvent plus facilement induire le doute, voire passer pour de vraies photos.
De quoi mettre encore plus en doute la véracité de ce qu’on peut croiser sur le net. Dès lors, comment vérifier ?
1) Scruter et analyser l’image
La première chose à faire est de bien scruter l’image qui n’est souvent pas si parfaite qu’au premier regard.
En zoomant sur une photo, les détails étranges sautent souvent aux yeux. Soit des incohérences visuelles. Par exemple des doigts ou des dents en trop ou encore des objets étranges et un grain inhabituel.
L’intelligence artificielle n’est pas encore très au point quand il s’agit d’écrire dans une image. C’est pourquoi souvent logos, textes sur des panneaux ou encore sur des vêtements sont du grand n’importe quoi. Un charabia qui n’a que l’apparence d’un texte cohérent.
Un autre moyen est de scruter l’arrière-plan. C’est là qu’on a le plus de chance de repérer des erreurs comme une échelle de grandeur fantaisiste, une architecture bancale ou une mauvaise perspective .
Et puis il y a ce qu’on appelle un filigrane, soit un signe distinctif qui a tout d’une signature. Pour DALL-E, c’est un petit bandeau multicolore en bas à droite de l’image, pour Craiyon c’est un pictogramme en forme de crayon rouge au même endroit. Pour Midjourney par contre il n’y a rien qui le signale.
2) Vérifier la source (par qui et où le cliché a été publié)
Vous pouvez vérifier l’identité numérique d’un cliché en regardant ses métadonnées. Pour cela il suffit de faire un clic droit pour trouver les propriétés. Cliquez ensuite sur détail. Pour les Mac un simple clic droit vous permet d’accéder à « lire les informations ». Cela ne marche cependant pas sur les clichés qui deviennent viraux puisque les réseaux sociaux comme Twitter, Facebook et WhatsApp effacent ces informations.
Sachez encore que le fait que cette image soit sur des comptes certifiés n’est pas une garantie qu’elle soit vraie. Enfin, si l’image vient d’un compte créé une heure avant, c’est mauvais signe.
3) Voir d’où vient la photo
On peut aussi faire une recherche d’image inversée. Soit retrouver les infos à partir de l’image. Et ce, simplement en la glissant dans un moteur de recherche.
Cela permet notamment de retrouver les occurrences, et dans le meilleur des cas, remonter à la source. Mais aussi au cliché dans sa version originale. Une version qui n’aurait pas été rognée ou trafiquée.
Ensuite une image créée par une IA peut être détectée par une autre IA. Pour cela il existe des programmes comme Mayachitra ou Illuminarty capables de chercher des éléments répétitifs ou absents des réalisations humaines. Ils ne sont par contre pas infaillibles et, les logiciels allant en se perfectionnant, les signes seront de plus en plus difficiles à détecter à l’œil nu.
C’est pour cela qu’il existe encore quelque chose de formidable qu’on appelle l’esprit critique. Soit le fait de ne pas prendre tout ce que l’on voit pour argent comptant.
La bataille des droits d’auteurs
Face aux intelligences artificielles qui moulinent leurs œuvres pour générer du contenu, les auteurs ripostent déjà avec de premières plaintes. Mais leur bataille sera rude: en Europe comme en Amérique du Nord, le droit penche pour les IA.
Les juristes considèrent que l’IA n’est ni propriétaire, ni auteur, ni responsable. En Europe, une directive européenne de 2019, transposée dans 22 Etats, dont la France, autorise ce « droit de fouille » (data mining), y compris sur des contenus sous droit d’auteur, s’ils sont publiquement accessibles. Sauf si le titulaire des droits s’y est opposé expressément. Une exception du droit d’auteur qui semble conçue sur mesure pour permettre l’essor de ces technologies. Pour les contenus générés, le statut juridique est plus épineux surtout si l’utilisateur de l’IA a requis une production « à la manière de ». Car « ni un genre, ni un style, ni une idée ne sont protégeables par le droit d’auteur », fait remarquer maître Eric Barbry, du cabinet Racine. En revanche, si on reconnaît clairement la source dans l’image générée, la question se pose. En Europe, une notion pourrait protéger des artistes copiés par des IA: celle de « parasitisme », qui sanctionne le « pillage » des efforts d’autrui. Cette jurisprudence française ouvre le droit à dédommagement si un manque à gagner est prouvé.
Reste le sujet du droit d’auteur. Le droit français et européen précisent qu’une œuvre ne peut en bénéficier que si elle est originale et exprime la personnalité de l’auteur. « Cela induit que l’auteur est une personne physique », selon maître Bouffier. « Ce sera compliqué pour les utilisateurs d’IA de se présenter comme auteur à part entière », confirme maître Barbry. Aucun tribunal en Europe n’a encore tranché, mais aux Etats-Unis l’Office du copyright vient de refuser le droit d’auteur à une BD générée par IA. Il est aussi possible que les productions par IA suivraient ainsi le chemin de la photographie, considérée comme un produit d’outil et non une œuvre jusqu’à un arrêt de la Cour de justice de l’UE de 2011 qui a reconnu aux photographes des « choix créatifs ».
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