Voici comment les Pays-Bas ont déménagé 15 milliards d’euros d’or et d’argent
Les autorités néerlandaises ont déplacé 200 tonnes d’or et des piles entières de billets de banque vers un nouveau site hautement sécurisé près d’Utrecht. Pour se faire, ils ont simplement emprunté l’autoroute. Une opération à haut risque planifiée de façon méticuleuse et en toute discrétion. Qu’en est-il de l’or belge ?
Ces dernières semaines un trésor s’est déplacé sur les routes hollandaises. Ce n’est pas moins de 200 tonnes d’or et de pièces d’or qui ont été déménagées par la Banque centrale hollandaise (DNB). Soit 14 166 lingots d’or de 12,5 kg chacun et 1 006 bacs et caisses de pièces d’or. Le tout pour un total de 10,4 milliards d’euros. Le stock stratégique de billets de banque est évalué à plus de 4,5 milliards d’euros a lui aussi été trimbalé sur les routes. Ce véritable pactole évalué à près de quinze milliards d’euros a été déplacé ces quatre dernières semaines d’un coffre-fort de la DNB à Haarlem (nord-ouest) vers un nouveau centre de trésorerie construit sur un terrain militaire à Zeist (près d’Utrecht), a précisé la DNB dans un communiqué.
Est-ce là tout l’or des Pays-Bas ?
Non. La quantité d’or actuellement à Zeist représente 31 % du stock d’or total de DNB. 31% sont stockés dans les coffres de la Réserve fédérale des États-Unis à New York. Les autres 38 % des réserves d’or se trouvent à Londres et à Ottawa.
Pourquoi déménager ?
En 2020, avaient déjà été transportés du siège social de DNB à Amsterdam vers un ancien imprimeur monétaire à Haarlem, a rappelé la DNB. Si l’or avait à l’époque été bougé, c’est parce que le siège était situé en ville et beaucoup plus difficile à sécuriser. Le coffre-fort de Haarlem n’était qu’une solution temporaire en attente de la finalisation de la construction du site ultra sécurisé de Zeist. La construction du nouveau “Cash Center”, désormais “pleinement opérationnel”, “hautement sécurisé et innovant”, a commencé à l’automne 2019 et s’est achevée en septembre, selon la DNB. C’est dans ce nouveau « Cash Center », que les billets sont désormais contrôlés et triés. La DNB fournit depuis le centre des billets et des pièces aux entreprises de transport de sécurité, qui les emmènent “dans les banques, les distributeurs automatiques de billets et les magasins”. Les billets et les pièces contrefaits y sont également examinés.
La finalisation de ce centre a aussi ouvert la voie à un transfert imminent de la réserve de la DNB. La précipitation n’a visiblement pas été de mise puisque ce n’est que lundi qu’a eu lieu le dernier transport. La radiodiffusion publique néerlandaise NOS a diffusé une vidéo montrant un convoi protégé par les forces de l’ordre. C’était aussi le signal pour rendre l’opération publique puisque jusque là la discrétion était l’un des éléments clés de toute l’opération.
Car pour mener à bien cette opération, la règle d’or a été le silence. Comme le précise le capitaine Stan Verberkt de la police militaire, le succès dépend d’une chose toute simple : « il suffit de se taire ». Probablement un euphémisme puisque l’opération est surtout le fruit d’une préparation méticuleuse de plusieurs mois. Itinéraire, armement, équipement, véhicules… rien n’a été laissé au hasard et toutes sortes de scénarios ont été envisagés.
Et l’or belge ?
La Banque Nationale de Belgique dispose d’une réserve d’or totale de 227 tonnes. Mais il y a peu de chance d’assister à un tel déménagement puisque cet or ne se trouve pas dans notre pays. La majeure partie est stockée à la Banque d’Angleterre à Londres depuis la Seconde Guerre mondiale. Le reste se trouve à la Banque du Canada et à la Banque des règlements internationaux, dans la ville suisse de Bâle.
Plus surprenant, la Belgique a un temps possédé beaucoup plus d’or. Elle disposait en effet de plus de 1.300 tonnes à la fin des années 1980, soit 2.5% des avoirs mondiaux. Une montagne qui va cependant fondre en une décennie sous le mandat du gouverneur Verplaetse. Certains diront que l’écrémage a eu lieu au mauvais moment au regard de l’évolution des cours. Alfons Verplaetse se défend pourtant en 2013 dans l’Echo, “Si l’on voulait rationaliser les avoirs extérieurs de la Belgique, il fallait vendre de l’or contre du dollar. Et c’est ce qu’on a fait”. Pour éviter un effondrement des cours, il décide (en accord avec la Banque centrale sud-africaine, grande exportatrice d’or) d’y ajouter une ou deux tonnes d’or à chaque fois que l’Afrique du Sud mettrait sa marchandise sur le marché londonien. En dix ans, la Belgique va ainsi écouler plus de 1.000 tonnes d’or, « générant d’importantes plus-values qui furent converties en dollars et placées sur un compte de réserves indisponibles. En 1996, la plus-value totale sur l’or atteignait l’équivalent de 230 milliards de francs belges (5,7 milliards d’euros) ».
De quoi faire faire baisser le niveau de sa dette publique et convaincre l’Europe. “Si on n’avait pas utilisé les plus-values sur l’or de la BNB, la Belgique ne serait sans doute pas entrée dans l’euro avec le peloton de tête », selon Verplaetse toujours dans l’Echo. Ou pour le dire autrement si la Belgique avait gardé ses 1.300 tonnes d’or, elle serait aujourd’hui à la tête d’un pactole de plus de 67 milliards, mais ne serait sans doute pas membre de la zone euro.
Depuis l’entrée en vigueur de l’euro, en 1999, les avoirs en or n’ont presque plus bougé. Et contrairement à l’Allemagne et à la Pologne qui ont récupéré une grande partie de leurs réserves d’or à l’étranger il y a quelques années, un rapatriement ne semble pas à l’ordre du jour. Pourtant, le nouveau Cashcenter de Zellik, dans la province du Brabant flamand, pourrait parfaitement stocker ces tonnes d’or.
Tantôt adoré, tantôt détesté
L’histoire de la monnaie est intimement liée à l’or grâce principalement à ses propriétés physiques: fongible, inoxydable, facilement identifiable et rare. Le métal jaune a également marqué notre langage. Si l’on parle d’argent pour la monnaie, c’est bien de l’or que le roi Crésus extrayait de la rivière Pactole en Lydie – dans l’actuelle Turquie. Il est d’ailleurs l’un des premiers à avoir frappé des pièces en or. Près de 2.500 ans plus tard, les grandes puissances décidaient de réinstaurer l’étalon-or lors de la conférence de Gênes de 1922. Et ce n’est qu’en 1971, il y a un peu plus d’un demi-siècle, que le président Richard Nixon annonçait la fin de la convertibilité du dollar. Un très long historique qui a régulièrement valu à l’or des déclarations dithyrambiques du genre « L’eau est le premier des biens et l’or la plus noble entre les richesses. » Pindare, philosophe grec.
Cependant, le métal jaune ne brille pas de la même façon pour tout le monde. Il y a un siècle, le célèbre économiste britannique John Maynard Keynes y voyait déjà « une vieille relique barbare ». Plus d’un a même fait le rapprochement entre le retour de l’étalon-or à partir du milieu des années 1920 et la Grande Dépression ayant débuté en 1929. Plus proche de nous, Warren Buffett est l’un des principaux détracteurs de l’investissement en or. « On l’extrait du sol en Afrique ou ailleurs. Puis on le fait fondre, on creuse un autre trou, on l’enterre à nouveau et on paie des gens pour le garder. Il n’a aucune utilité. » Et son acolyte chez Berkshire Hathaway, Charlie Munger, de rajouter: « les gens civilisés n’achètent pas d’or… ils investissent dans des entreprises productives ».
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