La panique bancaire, un risque bien identifié par les autorités
La faillite de la banque américaine Silicon Valley Bank (SVB), provoquée par des retraits massifs de la part des clients, a ravivé le spectre d’un “bank run”, ou panique bancaire. Face à ce risque, les banques et autorités sont loin d’être démunies.
Qu’est-ce qu’un “bank run”?
Une banque, malgré la somme phénoménale d’argent qu’elle gère, n’a pas les liquidités nécessaires pour rembourser tous ses clients si ceux-ci décidaient soudainement de retirer tout leur argent. Même si rien ne justifie une panique, il suffit que certaines craintes émergent pour que la machine s’emballe.
C’est peu ou prou le même phénomène que les “achats de précaution” qui peuvent provoquer des pénuries de certains biens, comme l’essence lors du mouvement social dans les raffineries françaises à l’automne, ou le papier toilette au début de la pandémie.
Dans le cas de SVB, la banque avait adopté une stratégie risquée qui a inquiété les clients et les a poussés à retirer leurs avoirs. Les retraits devenant trop importants, SVB a dû vendre en catastrophe des actifs qui avaient perdu beaucoup de valeur, ce qui a occasionné des pertes trop lourdes à absorber.
Une panique bancaire en Europe est-elle possible?
De l’avis de plusieurs spécialistes, c’est peu probable, dans le sens où en Europe, “ce ne sont pas du tout les mêmes +business models+” avec des établissements beaucoup plus diversifiés, explique à l’AFP Thibault Douard, gérant chez Tikehau Capital. En outre, “nous avons des normes de liquidités qui sont plus restrictives qu’aux Etats-Unis“, renchérit Philippe Waechter, directeur de la recherche économique à Ostrum Asset Management.
Pour Julien-Pierre Nouen, directeur des études économiques chez Lazard Frères Gestion, le cas de SVB illustre “la persistance de lacunes en matière de régulation applicable aux établissements bancaires américains de petite taille”. Depuis la crise financière de 2008, les grandes banques ont dû renforcer leurs niveaux minimum de capitaux afin d’éponger d’éventuelles pertes. Cette exigence, ou “ratio de fonds propres durs”, est l’œuvre des travaux du Comité de Bâle, en Suisse, une instance internationale rassemblant des superviseurs de plusieurs pays et qui élabore des règles bancaires communes.
L’Autorité bancaire européenne soumet aussi cinquante grandes banques du continent à des tests de résistance, qui sont aussi menés aux Etats-Unis.
“Je crois vraiment que les Européens ont tiré toutes les leçons de la crise financière de 2008 pour renforcer la protection du système bancaire et des banques européennes, en particulier des banques françaises”, a affirmé mardi le ministre de l’Economie français Bruno Le Maire, précisant avoir réuni le matin même “l’ensemble des dirigeants des banques françaises et le gouverneur de la Banque de France pour faire un point avec eux sur la situation”.
Quels outils face à un “bank run”?
Malgré le renforcement de la régulation, un mouvement de panique ne peut jamais totalement être écarté, d’où les propos se voulant rassurants des autorités ces derniers jours.
Il n’y a ainsi “pas de risque significatif” de contagion en Europe, selon le commissaire européen à l’Economie, Paolo Gentiloni ; les banques françaises ne sont “pas exposées” à SVB, selon la Banque de France, tandis que le président Joe Biden affirmé que les Américains peuvent “avoir confiance” en un système bancaire “solide”, et qu’il ferait “tout ce qui est nécessaire” pour qu’il en reste ainsi.
Interrogée par l’AFP, la Banque de France a signalé avoir “tous les stocks (d’espèces, NDLR) nécessaires pour faire face aux pics de demande“. Et si cela ne suffisait pas à calmer les esprits, les autorités ont “un pouvoir discrétionnaire important”, afin d’éviter un effet domino, souligne M. Waechter.
C’est en ce sens que la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, la banque centrale américaine (Fed) et l’Agence de garantie des dépôts (FDIC) ont décidé dimanche de permettre aux clients de SVB de retirer l’intégralité de leurs dépôts. En outre, la Fed s’est engagée à prêter les fonds nécessaires à d’autres banques qui en auraient besoin pour honorer les demandes de retraits de leurs clients. “Les règles sont faites pour être changées quand il y a un risque systémique en jeu”, souligne M. Douard.