La guerre de l’épargne
Transition énergétique, protection de la biodiversité, financement de la sécurité sociale et du vieillissement démographique…. Aura-t-on assez d’argent pour financer tout cela ? La question se pose surtout aux Etats-Unis.
Aura-t-on assez d’argent pour financer la transition verte, la défense et le vieillissement ? La question peut paraître paradoxale, alors qu’il y a quinze ans, on se plaignait d’un « saving gut », d’un excès d’épargne. L’ancien patron de la Réserve fédérale Ben Bernanke, peu avant la crise de 2008, s’était même inquiété de cette bulle. Avec raison, car cet excès d’épargne a été une des grandes causes (avec le manque de régulation, l’amoralité de certains agents et le retournement du marché immobilier américain) de la crise de 2008 : lorsqu’il y a trop d’épargne, celle-ci est incitée à s’investir n’importe où, même dans les titres toxiques.
Besoin d’épargne
Mais aujourd’hui, la situation a changé. Nous risquons de manquer d’épargne. L’économiste de Natixis Patrick Artus a d’ailleurs publié ce vendredi une petite étude sur le sujet, qu’il intitule : « La guerre pour l’épargne ».
« Le besoin d’investissement pour la transition énergétique, pour la gestion de l’eau, pour la biodiversité est très important, peut-être 4 points de PIB pendant une très longue période », dit-il. Patrick Artus estime que ces investissements devraient s’étendre sur 20 à 30 ans. Patrick Artus ne parle même pas des autres besoins de financement. Mais si, à ces besoins d’investissements verts, on ajoute ceux de la sécurité sociale et de la défense, il faut encore anticiper 2 à 3 points de PIB de financements supplémentaires
« Cela donne un avantage important aux pays qui ont un excédent d’épargne, un excédent de leur balance courante, poursuit-il. Ces pays pourront utiliser leur excédent d’épargne pour financer ce supplément d’investissement, alors que les pays qui ont un déficit d’épargne trouveront de plus en plus difficile d’emprunter auprès des autres pays les montants qui leur seront nécessaires pour financer leur déficit extérieur, accru des besoins nouveaux d’investissement ».
Chine d’un côté
Dans cette nouvelle configuration, les pays les mieux placés sont ceux qui ont donc des excédents importants de leur balance courante. Et comme l’élément principal de la balance courante est la balance commerciale, ce sont donc les pays qui exportent le plus.
A ce titre, la Chine et les pays de l’OPEP sont les mieux placés pour financer cette transition. Ce n’est donc pas un hasard si, par exemple, les investissements dans les énergies renouvelables en Chine dépassent, selon l’Agence Internationale de l’Energie, 500 milliards de dollars par an ou si l’Arabie saoudite vient d’annoncer la construction de la plus grande capacité mondiale de production d’hydrogène vert.
L’Union européenne, le Royaume-Uni, l’Inde et l’Asie du Sud Est, avec des balances proches de l’équilibre, ont aussi les moyens de financer le changement.
USA de l’autre
En revanche, l’Afrique, l’Amérique latine et les Etats-Unis devraient vivre une situation bien plus compliquée. Car avec une balance courante négative, ils doivent aller chercher de l’argent ailleurs. Leur tâche ne sera pas aisée puisque les pays en excédent garderont cet excédent pour leurs propres besoins. « Lorsqu’un pays a aujourd’hui un déficit significatif de sa balance courante, il sera dans une position très difficile pour réaliser des investissements supplémentaires, note Patrick Artus. Les pays déficitaires auront davantage de besoins de financement, alors que l’épargne mondiale disponible, qu’ils peuvent emprunter, sera en baisse ». Et la situation des États-Unis « est de ce point de vue la plus inquiétante », ajoute l’économiste.
Depuis des années, les Etats-Unis affichent un déficit courant entre 3 et 6% du PIB. Pour l’instant, ce n’est pas un problème car ce déficit est financé par le dollar, qui bénéficie de son rôle de devise de réserve mondiale, et par les actifs en dollars, qui attirent les capitaux du monde entier. Mais est-ce que cette situation est durable ? Nombreux sont ceux qui estiment que non et que donc une compétition va s’ouvrir pour attirer l’épargne mondiale.
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