Gilles Moëc (Axa) sur les taux d’intérêt: “Nous sommes de l’autre côté de la montagne”

Gilles Moëc, chef économiste du groupe Axa. © D.R.
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Le chef économiste du groupe Axa s’attend à une baisse rapide et importante des taux de la Fed et de la BCE en 2024 et 2025.

Économiste en chef du groupe Axa, Gilles Moëc était ce mercredi de passage à Bruxelles pour livrer ses perspectives sur les politiques monétaires et budgétaires en zone euro et aux Etats-Unis. D’après lui, les banques centrales (Fed et BCE) sont sorties de la course-poursuite engagée avec l’inflation. Dans le débat sur la forme à donner à la trajectoire des taux d’intérêt tournant autour d’une analogie entre le pic du Cervin et la “Table Mountain” (en français, la Montagne de la Table, qui surplombe la ville du Cap en Afrique du Sud), qui s’élève très abruptement et se prolonge par un long plateau horizontal pour ensuite redescendre, il propose en effet d’ajouter à la liste le mont Snowdon (la plus haute montagne d’Angleterre) ou le Plomb du Cantal en France : des montagnes difficiles à gravir mais relativement basses et dont la descente peut être rapide.

En clair, nous avons vraiment tourné la page en matière d’inflation, expose l’économiste d’Axa. Il ne faut jamais oublier que le choc d’inflation tire son origine dans un choc de l’offre suite à la réouverture de nos économies après la pandémie. Or, ce choc d’offre est en cours d’absorption totale. Les délais de livraison dans l’industrie sont aujourd’hui complètement normalisés. En outre, deuxième élément important, la Chine est de nouveau en déflation. Elle s’est remise à exporter de la déflation vers le reste du monde. Ce ralentissement chinois, pour lequel on a plutôt tendance à se focaliser sur ses effets nocifs sur les exportations allemandes, a tout de même un effet très bénéfique pour nous, à un moment où l’inflation est notre problème principal.” Et donc, “les banques centrales, la Fed et la BCE, sont au bout de leur processus de hausse des taux”, juge Gilles Moëc.

Banques centrales traumatisées

Dans ce contexte marqué une désinflation des deux côtés de l’Atlantique, le scénario de Gilles Moëc est en effet un scénario de baisse des taux relativement rapide. “La Fed devrait être assez agressive et baisser ses taux assez brutalement en 2024 et puis en 2025 : le marché s’attend aujourd’hui à une baisse de plus de 100 points de base des taux de la Fed d’ici 2024.” Côté européen, poursuit-il “le marché envisage maintenant à peu près la même trajectoire pour la BCE que pour la Fed avec des baisses de taux très rapides et assez importantes en 2024 et 2025.”  Il est vrai que même Isabelle Schnabel, membre du directoire de la BCE, qui fait partie des faucons de la gardienne de l’euro, dit aujourd’hui qu’elle ne pense plus que des hausses de taux soient nécessaires. 

A cet égard, Gilles Moëc souligne que la première baisse de taux est même attendue par le marché pour le mois de mars. “Il est clair que nous sommes aujourd’hui de l’autre côté de la montagne. Le ralentissement de l’inflation est tellement rapide et la conjoncture se dégrade tellement vite, qu’on pourrait y arriver”. Mais voilà : “Les banques centrales sont un peu traumatisées par le retard à réagir au début de la phase d’inflation, ajoute l’économiste d’Axa. Elles ont tendance à sur-corriger l’erreur, entre guillemets, de prévision de 2021 et 2022. Je ne leur jette pas la pierre. Tout le monde à l’époque a cru que l’inflation allait être transitoire. Ce retard à la réaction les rend extrêmement prudentes dans la phase actuelle. Elles veulent éviter un emballement des marchés. Raison pour laquelle je m’attends plutôt à un début de baisse des taux pour la BCE à partir du mois de juin, et ce via trois baisses de 25 points de base d’ici fin 2024, ce qui devrait amener ses taux directeurs autour de 3,25 % fin de l’année prochaine.” 

Croissance médiocre en Europe

Mais comme toujours en économie, il n’y a jamais de repas gratuit. Il y a toujours quelque part un prix à payer. “Ce prix à payer, en termes de croissance, sera malheureusement plus élevé du côté européen qu’américain, dit Gilles Moëc. La récession attendue aux Etats-Unis en 2023 ne s’est pas produite. Cette croissance de l’économie américaine est un peu surprenante. Mais on échappe également à la récession en 2024, avec une croissance de 1,1 % pour l’économie américaine. Une croissance molle, avec des standards qui sont bas pour l’économie américaine, mais une croissance tout de même. En revanche, dans la zone euro, le risque de récession est beaucoup plus élevé, avec une croissance qui se limitera à 0,2 % en 2024. Donc, à peine en territoire positif.” Mais, comme le dit Gilles Moëc, soyons optimistes : le gros de l’inflation est géré et l’ambiance de marché est plus sereine. Bref, “ce n’est pas le paradis compte tenu de la crise au Moyen-Orient, mais le pire est derrière nous”, conclut-il.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content