Cinq cents détenteurs belges de certificats Triodos entament deux actions en justice

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Annoncée depuis des mois, cette double action, l’une aux Pays-Bas l’autre en Belgique, est le résultat du mécontentement des actionnaires de la banque éthique qui ont vu la valeur de leurs titres chuter de 65%.

Après l’avoir annoncé déjà fin de l’an dernier c’est fait : les détenteurs de certificats Triodos, mécontents de la manière dont la banque néerlandaise organise le marché secondaire de ces titres qui s’apparentent à des actions sans droit de vote, viennent de lancer ces derniers jours deux procédures. L’une aux Pays-Bas, en déposant officiellement une plainte auprès des autorités de contrôle néerlandaises. L’autre en Belgique, auprès du tribunal de l’entreprise de Bruxelles, pour abus de droit.

Forte chute

Depuis trois ans, un grand nombre de détenteurs de certificats de la banque Triodos (ils sont 43.000 en tout dont 7.000 en Belgique) sont mécontents. Pour le comprendre, il faut se rappeler que la banque éthique néerlandaise a émis jusqu’en 2020 ces titres qui s’apparentent à des actions sans droit de vote, pour financer sa croissance.

Mais alors que les résultats de la banque sont très bons (elle a dégagé en 2023 un bénéfice de plus de 77 millions, contre 49,8 millions en 2022), et alors que la valeur intrinsèque de ces certificats continue d’augmenter (cette valeur est de 91 euros aujourd’hui), les 43.000 « actionnaires » de Triodos ont assisté à une très forte chute de la valeur de revente de leurs titres, qui est la conséquence du changement de système de négociation opéré par la banque.

Changement de système

Dans l’ancien système, la liquidité du marché était assurée par la banque Triodos elle-même, qui avait constitué un tampon, de 3% du capital, pour permettre aux épargnants de vendre leurs titres à la valeur d’inventaire. Mais en mars 2020, à la suite d’un mouvement de vente très important, Triodos gèle les transactions sur ses certificats. La cotation reprend à l’été, puis est à nouveau arrêtée au début de l’année 2021. « Nous n’avons pas été en mesure de continuer ce système qui avait bien fonctionné pendant 40 ans. Nous avons dû l’arrêter en 2021, car il ne fonctionnait plus », observe Lieve Schreurs, responsable de la communication de Triodos Bank Belgium.

« C’est le début d’un long chemin de croix pour ceux qui possèdent des certificats, commente Bernard Poncé, courtier en produits financiers et fondateur de Trioforum, le syndicat de défense des détenteurs belges de certificats. En juillet 2023, après moult rebondissements, la banque relance avec fierté la possibilité de reprendre les transactions en certificats via la société Captin qui propose une plateforme de cotation fermée, aux Pays-Bas ».

Mais ce nouveau système externalisé est bien loin de contenter les porteurs de certificats. Son accès est compliqué (surtout pour les actionnaires non néerlandais), la valeur des titres est décorrélée de la valeur d’inventaire et la fixation des cotations n’est pas transparente.

« Aujourd’hui, le certificat s’échange à 32,5 euros, pour une valeur d’inventaire de 91 euros. Cette diminution de près de 65% de la valeur est entièrement supportée par les détenteurs de certificats, la banque ayant au cours des années engrangé les fonds en vendant ses titres à valeur d’inventaire », constate Bernard Poncé.

« La banque n’a rien fait »

Déjà, l’an dernier, les détenteurs de certificats avaient fait part de leur intention d’aller en justice. Mais si la décision a pris plusieurs mois, c’est parce que nous avons voulu procéder par étape, ajoute Bernard Poncé. Fin de l’année passée, nous avions déposé un avertissement aux autorités de contrôle néerlandaises. Et nous voulions voir comment la banque allait réagir. Elle n’a rien fait. »

Dès lors, les porteurs, qui représentent au sein de Trioforum 362 dossiers soit environ 500 personnes, ont décidé d’agir avec l’aide de l’avocat Laurent Arnauts (SQ Watt Legal). Une double action. D’une part, l’avertissement remis en décembre dernier aux autorités néerlandaises responsables des marchés a été transformé en une plainte officielle qui a été déposée par la société de courtage de Bernard Poncé, Ligne Bleue.

D’autre part, Trioforum, qui regroupe les porteurs mécontents, a déposé une citation devant le tribunal de l’entreprise de Bruxelles. « Compte tenu de l’action en justice, il a été décidé de ne plus accepter de nouveaux membres dans l’action collective à partir du 16 juin », précise Bernard Poncé.

« Nous sommes au courant, nous avions reçu un premier jet du texte d’assignation, mais nous attendons de recevoir les textes officiels et nous réagirons », commente Lieve Schreurs qui ajoute : « 

Nous sommes toujours ouverts à un dialogue constructif et un rapport sur le système de négociation Captin sera présenté à l’assemblée générale de la banque le 17 mai ».

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