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Quel management pour la société de demain ?

Gestion des limites, des liens, des finalités et des transitions. Cela pourrait-il constituer des domaines d’attention cruciaux pour tout manager dans un futur proche ?

Gestion des limites, des liens, des finalités et des transitions. Cela pourrait-il constituer des domaines d’attention cruciaux pour tout manager dans un futur proche ? C’est en tout cas ce qui ressort de la synthèse du cycle de séminaires organisé par l’asbl Philosophie & Management (1). Cette synthèse converge assez bien avec les conclusions du récent rapport d’Ashridge Business School : Developing the global leader of tomorrow (2). Détaillons :

1. “Limites”. Notre système économique actuel n’est-il pas marqué par la démesure ? Comment limiter nos excès, notre désir sans fin de “toujours plus”, qui entraînent l’épuisement de nos ressources (humaines et environnementales) limitées ? La gestion des “limites” ne doit-elle pas inclure la nécessité d’apprendre à limiter notre pulsion de “toujours plus” sur le plan matériel ? Cette pulsion est-elle d’ailleurs inhérente à la nature humaine ou induite par notre système ? Pouvons-nous contribuer, en tant que managers, à promouvoir le désir d’un développement personnel, qui peut être poursuivi sans limites sans présenter de danger environnemental ? Dans quelle mesure cela impliquerait-il de mettre des limites à l’extension, discrète mais dangereuse, de la logique de concurrence à tous les domaines de la vie ? Or cette gestion des “périmètres” (des marchés, des entreprises…) devient de plus en plus difficile. Ainsi, dans le capitalisme cognitif (dans lequel l’échange de connaissances devient le moteur essentiel de la création de valeur), les contours des entreprises ne deviennent-ils pas de plus en plus flous ? Qui sont les travailleurs les plus productifs de Google : ses salariés ou vous et moi ? Quelqu’un est-il capable de dire dans quels secteurs d’activité opèrent réellement Google et Apple, et plus encore les secteurs dans lesquels ils opéreront demain ?

2. “Liens”. Les questions associées à la gestion des “limites” entraînent inévitablement des questions quant aux façons de gérer les interdépendances entre les différents acteurs dont les périmètres sont flous, entre ces parties prenantes ou même ces domaines d’activités humaines dont les logiques peuvent être contradictoires. Comment articuler concurrence et coopération sans tomber dans le réductionnisme de la… “coopétition” ? Comment gérer au mieux les “externalités” positives et négatives de nos activités économiques ? Comment stimuler et se nourrir de réseaux qui créent et innovent à partir de logiques différentes ?

3. “Finalités”. Quel sens apporter à ce que nous faisons ? Comment aller au-delà d’une vision réductrice selon laquelle l’objectif unique du manager est de maximiser la valeur à long terme de l’entreprise pour ses actionnaires sous la contrainte du respect des lois et de la décence commune (Shareholder Value) ? Ne faudrait-il pas plutôt veiller à ce que l’objectif du manager soit de maximiser la contribution de l’entreprise au bien commun, sous la contrainte d’un “return adéquat” pour les actionnaires (appelé FairValue) ? Mais qu’est-ce alors qu’un “return adéquat” ? Comment l’apprécier en fonction des risques pris ? Ces objectifs, apparemment contradictoires, ne peuvent-ils pas converger dans le très long terme ? Si oui, comment l’assurer ?

4. “Transitions”. Si les questions posées jusqu’ici sont pertinentes, la grande question est de savoir comment gérer les défis qu’elles révèlent. Constatant l’échec des révolutions idéologiques du siècle passé et conscient de l’absence actuelle d’un système économique alternatif clairement défini, ne faut-il pas promouvoir et soutenir les expériences et les projets, dans et hors des entreprises, qui pourraient faciliter la transition vers un autre modèle de société ?

Pour faciliter une telle transition et une attention plus grande aux quatre domaines de gestion évoqués dans cet article, plusieurs expériences concrètes ont été discutées lors de notre cycle : la révision de nos systèmes comptables, que ce soit au niveau des nations ou des entreprises, l’introduction de monnaies complémentaires, de “revenus de transition” ou d’un système bi-caméral dans les entreprises… Aucune de ces pistes n’est suffisante en soi. Mais leur combinaison peut stimuler une plus grande prise de conscience de chaque manager de son rôle fondamental dans la construction de la société de demain. Or, il y a encore du travail sur ce plan : alors que 77 % des CEO interviewés par Ashridge soulignent l’importance de prendre conscience du caractère stratégique de se mettre en connexion avec toutes les parties prenantes et de trouver ainsi un équilibre entre les enjeux à court et long terme, seulement 7 % des entreprises et des business schools semblent travailler effectivement à cette prise de conscience.

Et pourtant, au-delà des enjeux business, une telle prise de conscience n’est-elle pas la condition même de toute vie qui se veut réellement humaine ? “Une vie sans examen est-elle digne d’être vécue ?”, demandait déjà Socrate aux leaders de son époque. Socrate serait-il le management guru de demain ?

(1) Disponible sur www.philosophie-management.com

(2) Disponible sur www.ashridge.org.uk

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