Vike, un nouvel acteur pub du Web

La régie publicitaire de la RTBF ose la diversification et va bientôt lancer Vike, une plateforme en ligne dédiée à la production audiovisuelle belge. L’objectif : fédérer les énergies, mais aussi se positionner face à la menace grandissante de géants mondiaux comme Netflix.

Un nouveau média est en train de naître dans le paysage médiatique belge… et international. Son nom ? Vike, un mot-valise qui comprime l’expression anglophone “Videos I like” (“Les vidéos que j’aime”). Son concept ? Une plateforme en ligne dédiée principalement à la production audiovisuelle belge et sur laquelle le “mobinaute” pourra visionner toute une série de contenus “noir-jaune-rouge” : fictions, courts-métrages, clips, reportages, documentaires, travaux d’étudiants… Son logo ? Il est exposé ici, en exclusivité, avec un K inversé dans le nom Vike, histoire de souligner graphiquement la possibilité de cliquer à tout moment sur le bouton Play/Pause de la plateforme. Son lancement officiel ? Dans le courant du printemps, même si l’adresse de référence a été officiellement inaugurée et qu’elle n’est, pour l’instant, qu’une simple page d’accueil. Son propriétaire ? La RMB, la régie publicitaire de la RTBF, qui entend faire de Vike une initiative 100 % privée et qui veut, par cette diversification, élargir son portefeuille de revenus en monétisant les contenus disponibles notamment via les pre-rolls, ces fameuses pubs qui précèdent la diffusion de vidéos sur le Net.

“Le lancement de Vike participe à une réflexion globale à la RMB quant à la volonté de s’inscrire davantage dans le monde digital, explique Yves Gérard, general manager de la régie publicitaire de la RTBF et administrateur délégué de cette nouvelle structure. A cela s’ajoute la nécessité de faire face à la demande croissante des annonceurs pour les pre-rolls sur le Net. Cette demande est énorme, mais il n’y a pas assez d’offre de qualité. L’envie, avec Vike, est de combler précisément ce vide.”

Concrètement, la plateforme proposera une “cocktailisation” de formats avec des contenus déjà existants qui se verront ainsi offrir une seconde vie sur le Web, mais aussi des nouveaux contenus produits par des professionnels de l’industrie du spectacle et de l’audiovisuel, sans oublier le très tendance “user generated content“, à savoir les contenus réalisés et importés directement par des amateurs, utilisateurs de la plateforme, sous réserve d’une validation par les gestionnaires du site. “L’idée est de prendre l’internaute par la main pour le guider peu à peu vers les contenus qui l’intéressent personnellement, détaille Jeoffrey Migeot, project manager de Vike. La plateforme sera donc ‘éditorialisée’ et ‘socialisée’ puisqu’il y aura un ‘Facebook Connect’ qui permettra à chacun de partager les vidéos de Vike sur son profil. Et donc, au fil du temps, le contenu de la plateforme sera personnalisé puisqu’il se hiérarchisera naturellement selon les centres d’intérêt de l’utilisateur.”

Un acteur fédérateur

Délibérément inscrite dans le courant actuel visant à promouvoir la production locale, “l’approche éditoriale de Vike entend aussi revitaliser toutes les initiatives belges qui sont dans la nature digitale et qui n’ont pas la visibilité escomptée”, enchaîne Jeoffrey Migeot. Avec une nouvelle plateforme qui se veut fédératrice et qui pourra justement rassembler différents contenus belges à la même adresse, les chances de visibilité seront évidemment augmentées. Ainsi, les concepteurs du projet proposeront sans doute les contenus déjà disponibles sur www.airtvmusic.be, la Web TV de l’actualité musicale en Fédération Wallonie-Bruxelles, ou encore ceux de www.bruxellesmabelle.net dont l’originalité consiste à faire découvrir Bruxelles en musique par l’intermédiaire d’artistes du cru.

De là à intégrer toutes les archives belges existantes et d’absorber, pourquoi pas, la Sonuma qui gère l’impressionnant patrimoine audiovisuel de la RTBF ? “Cela n’aurait aucun sens de mettre in extenso toutes les archives de la Sonuma sur notre plateforme, répond Jeoffrey Migeot. En revanche, on peut très bien imaginer que l’on ‘éditorialise’ le contenu disponible en fonction de l’actualité et donc mettre sur Vike l’une ou l’autre archive de la Sonuma en fonction des opportunités événementielles, que ce soit par exemple le début des commémorations de la Première Guerre mondiale ou la campagne des Diables Rouges au Brésil.”

“Il ne s’agit pas non plus de faire un YouTube à la belge où l’on trouverait tout et n’importe quoi, enchaîne Yves Gérard. Et c’est précisément pour cela que les contributions des internautes amateurs devront être validées avant d’être intégrées à la plateforme, car nous n’avons pas envie de nous retrouver avec des films de communions ou de mariages. Cela dit, nous croyons très fort à une modeste concurrence de Vike par rapport à YouTube car nous voulons apporter un projet qui a du sens et, dans cette logique, nous voulons convaincre les producteurs de contenus belges de glisser de YouTube vers notre plateforme.”

Et l’administrateur délégué de Vike d’ajouter que la RMB est en train de “créer un nouveau média audiovisuel qui n’existe pas encore, du moins en Belgique, et dont le secret repose sur ‘l’éditorialisation’, la personnalisation et la ‘socialisation’ des contenus audiovisuels belges en fonction des préférences de l’utilisateur.”

Affronter Netflix

Si la publicité qui précédera l’accès aux vidéos sera sans doute la principale manne financière de Vike, la nouvelle plateforme belge entend toutefois se positionner également face à la menace grandissante d’autres géants du Web. A l’heure où l’arrivée de Netflix (le service américain de location de films et de séries en ligne à prix concurrentiel) ne cesse d’être annoncée en Belgique, Vike entend également jouer un rôle sur le terrain de la vidéo à la demande avec une offre d’abonnement relativement large. Ainsi, ce nouveau site belge pourrait lui aussi proposer une offre de VOD avec plusieurs milliers de films et pas nécessairement tous belges. Actuellement, les responsables de Vike sont d’ailleurs en négociation avec le distributeur belge indépendant Cinéart, avec la plateforme belge d’Univers Ciné qui propose déjà “le meilleur du cinéma indépendant en VOD” (soit plus de 2.000 films dont de nombreux longs-métrages belges) et avec Plush.be qui commercialise aussi plus de 1.500 films en ligne. L’objectif ? Proposer un seul catalogue commun sous l’appellation Vike afin de contrer la probable offensive du géant Netflix sur le territoire belge.

Partant du principe que l’union fait la force, Vike souhaite également séduire les acteurs du nord du pays encore peu impliqués dans le projet. Essentiellement francophone dans son développement actuel, la plateforme devrait en effet prendre quelques accents flamands dans les mois à venir, histoire de booster quelque peu le business model. Encore timide, le chiffre d’affaires escompté pour 2014 (correspondant à six à huit mois d’activité, donc) devrait tourner autour des 300.000 euros, contre un petit million d’euros pour l’année 2015. “Nous espérons atteindre entre 3 et 4 millions de vues à la fin de cette année, confie le project manager Jeoffrey Migeot, mais tout dépendra évidemment du succès de la plateforme. Il faut d’abord développer la structure d’un point de vue technologique, juridique, éditorial… et bien sûr installer la marque dans le grand public.”

“Un plan média est d’ailleurs prévu pour faire connaître Vike, renchérit l’administrateur délégué Yves Gérard. Les défis sont nombreux, nous avons engagé quatre personnes et investi dans une architecture technologique coûteuse, mais l’objectif est d’être à l’équilibre dès la troisième année.” Très proche des annonceurs, le general manager de la RMB jouera d’ailleurs de son influence pour attirer les marques sur cette nouvelle plateforme dédiée aux contenus belges. “Ouvert à toute forme de créativité, Vike aura aussi un petit côté laboratoire et on pourrait très bien imaginer que ce soit également un endroit de test pour les publicitaires et les annonceurs, conclut Yves Gérard. Pourquoi les agences de pub belges ne viendraient-elles pas aussi y tester leurs nouvelles campagnes originales dans une section spécifique consacrée à la créativité publicitaire ?” La balle est dans le camp des marques…

Frédéric Brébant

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