Sommet européen : les avancées et les zones d’ombre

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Tous les pays européens, à l’exception notable de la Grande-Bretagne, se sont entendus sur un pacte “d’union de stabilité budgétaire”. Mais un certain nombre de points restent flous. Décryptage.

Ce qui est sûr et rassure

Les Etats s’engagent à la discipline budgétaire

C’était l’objectif principal de ce sommet. La quasi-totalité des Etats de l’Union Européenne se sont engagés à ramener leurs déficits dans les clous du Pacte de stabilité (3% de déficit public et 60% du PIB). Si cet objectif n’est pas respecté, des sanctions automatiques s’appliqueront aux Etats contrevenants. Dans un deuxième temps, les Etats s’engagent à inscrire une règle d’or dans leur Constitution. Ils devront alors maintenir leurs déficits en dessous de 0,5% de leur PIB. Sur ce point, la Cour de Justice européenne aura la possibilité de vérifier la mise en place de ces objectifs parmi les Etats signataires de l’accord.

L’Europe ignore la Grande-Bretagne

Seule la Grande-Bretagne refuse de signer le texte. “David Cameron est venu à Bruxelles avec une liste de réclamations sur plusieurs directives à l’étude pour en être exempté”, décrypte Simon Nixon, journaliste au Wall Street Journal. Parmi ces requêtes, Londres souhaitait obtenir une dérogation sur la taxe sur les transactions financière à l’étude. Une question sur laquelle l’Europe ne voulait pas transiger. “Si nous acceptions une dérogation pour le Royaume-Uni, c’est la remise en cause à nos yeux d’une bonne partie du travail qui a été fait au service d’une régulation de la finance, régulation bien nécessaire”, a estimé Nicolas Sarkozy. Mais le refus de Londres n’est peut-être pas une si mauvaise chose que cela pour l’Europe. C’est même “la seule bonne nouvelle de ce sommet”, d’après l’économiste Francesco Saraceno dans cette interview à L’Expansion.com.

Les banques privées sont épargnées

C’est l’une des décisions qui ont rassuré les marchés, les dirigeants européens ont promis que le secteur bancaire ne serait plus mis à contribution en cas de restructuration de la dette d’un Etat, ce qui est notamment arrivé lors du sauvetage de la Grèce. “C’est un élément positif pour les actionnaires privés de dire qu’ils ne seront pas mis à contribution”, estime Catherine Mathieu, économiste à l’OFCE.

Les zones d’ombre

Comment va-t-on aider les Etats dans le besoin ?
Plusieurs mécanismes sont évoqués mais les contours sont encore très flous. D’abord la mise sur pieds du Mécanisme européen de stabilité (MES), destiné à prendre la relève du Fonds européen de stabilité financière (FESF) sera avancée à juillet 2012. Deuxième mécanisme à l’étude : des prêts bilatéraux des Etats européens au FMI – les banques centrales nationales s’en chargeraient selon une source européenne – pour que l’institution prête à son tour aux Etats dans le besoin.

A l’épreuve des calculs, le montage donne le tournis. Si les trois dispositifs étaient mis en commun, le FESF (250 milliards d’euros qui doivent atteindre 750 milliards d’euros avec l’effet de levier décidé lors du précédent sommet), le MES (500 milliards) et le FMI (200 milliards), devraient offrir une force de frappe globale de près de 1.500 milliards d’euros. Mais une source européenne précise que dans l’esprit de Berlin, c’est “le volume maximal de prêts consolidés du FESF et du MES qui doit être de 500 milliards d’euros”. En clair : les 250 milliards du FESF seraient compris dans les 500 milliards du MES… Soit un montant global qui ne serait plus de 1500 milliards mais de 950 milliards d’euros au maximum, en tenant compte de l’effet de levier du FESF. Ce gros point d’interrogation – essentiel pour rassurer les investisseurs – ne devrait pas être tranché lors de ce sommet, les dirigeants européens ont indiqué qu’il ne serait examiné qu’en mars prochain…

Quel que soit son montage, le mécanisme de solidarité européen ne semble en tous cas pas suffisant pour répondre à l’urgence de la crise. Mis à part ses contours encore très flous il semble insuffisant pour agir sur tous les fronts de la crise, dans le cas ou un ou plusieurs Etats seraient menacés de faillite. Un plan de sauvetage de l’Italie et de ses 1.900 milliards d’euros de dette serait par exemple insuffisant. Par ailleurs, selon l’agence Bloomberg, en 2012 les pays européens doivent emprunter 1.100 milliards d’euros sur les marchés pour financer leur dette. “Les marchés ont bien conscience qu’il y a toujours cette faille en Europe et ils pourraient l’exploiter rapidement”, analyse Catherine Mathieu.

Quel rôle pour la Banque centrale européenne? Dans le texte officiel du Conseil européen, les chefs d’Etats et de gouvernements expliquent au point 12 que “nous saluons le fait que la BCE soit prête à agir comme agent pour le FESF lors de ses opérations de marchés”. Sans préciser quelle sera la nature de ses opérations. Par ailleurs, la BCE ferme toujours la porte à une intervention massive sur le marché de la dette pour soutenir le niveau des taux d’intérêt des Etats les plus fragiles. Son président, Mario Draghi, a rappelé jeudi que certes elle rachetait déjà des titres sur le marché secondaire mais qu’il s’agissait d’une action “limitée et temporaire”. Selon Benjamin Carton, économiste au Cepii, si les Etats donnent des gages de bonne conduite budgétaires comme ils le promettent aujourd’hui, “il n’y a pas de raison qu’elle n’intervienne pas”. Mais Catherine Mathieu en doute. “Quand la BCE fait croire qu’il faut d’abord appliquer aux Etats la discipline budgétaires, je pense qu’il faut mettre le “d’abord” entre parenthèses.”

Pas de mention sur la croissance
C’est le grand absent du sommet européen, le texte officiel fait tout juste référence à “une convergence économique et fiscale” entre les Etats. “Aucune référence à la croissance n’est faite dans le communiqué final. On ne parle que de règle budgétaire stricte. Mais avec ces mesures on se dirige tout droit vers une récession très dure. Sur ce point, les marchés saluent le texte aujourd’hui mais rien ne dit qu’ils ne nous sanctionneront pas demain”, s’inquiète Catherine Mathieu.

Ce qui est exclu

Les Euro-obligations
La mutualisation de la dette européenne à été remise aux calendes grecques. Elles faisaient partie du plan d’Herman Van Rompuy mais sont refusées par le couple franco-allemand. “Nous espérons reparler de ce sujet lorsque la tempête sera passée”, a réagi le président du Conseil européen.

Une Europe plus fédérale
Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso le souhaitaient ardemment, Angela Merkel également, mais avec le refus de la Grande-Bretagne, les Etats ne verront leur coopération renforcée qu’au niveau intergouvernemental. Un échec qu’a tout de même relativisé le président de la Commission européenne. “Avec cette voie, cela sera plus rapide, ce qui est également important”, a philosophé José Manuel Barroso.

Trends.be, avec Lexpension.com

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