Pourquoi une sortie de la Grèce de la zone euro est gérable mais pas souhaitable

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Les banques semblent désormais parées en cas de sortie de la Grèce. Attention cependant aux effets de contagion et à la facture pour les Etats créanciers.

La sortie de la Grèce de la zone euro fait moins peur. En tous cas à certains dirigeants. Jean-Claude Juncker, le président de l’Eurogroupe, a affirmé mardi qu’un tel évènement serait “gérable” bien que peu souhaitable. Le Luxembourgeois n’est pas le seul dirigeant européen à soutenir l’idée qu’une sortie de la Grèce est possible sans déstabiliser la zone euro. Fin juillet, le vice-chancelier allemand et ministre de l’Economie Philipp Roesler défendait la même idée. En mai dernier, le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer suggérait la même chose. Est-ce vraiment un événement sans risques? Trends.be fait le point.

Les banques ont réduit les risques

Si le scénario de sortie de la Grèce fait moins peur, c’est parce que le secteur privé, et notamment les banques, ont réduit leur exposition vis-à-vis de la Grèce. Avec le fameux accord d’échange de dette, elles ont fait une croix sur 50% des capitaux prêtés à la Grèce et les intérêts qui vont avec. Ces pertes ont plombé les comptes et fait chuter le cours des banques en Bourse, mais le pire semble désormais passé. Par ailleurs, les banques ont travaillé dans l’ombre ces derniers mois pour se préparer à une sortie de la Grèce et réduire encore davantage leur exposition à la dette du pays, ce qui rassure certains dirigeants européens.
“Je ne connais aucun groupe qui serait mis en difficulté par un scénario extrême sur la Grèce”, expliquait Christian Noyer en mai dernier. Et le patron de l’Autorité de contrôle prudentiel d’ajouter : les banques françaises ont déjà provisionné 75% de leurs titres de dettes grecs. Certes, il y a bien des cas particuliers problématiques. Le Crédit agricole, par exemple, qui a perdu plusieurs milliards d’euros ces dernières années lors des recapitalisations successives de sa filiale grecque Emporiki. Mais le groupe semble aujourd’hui sur le point de s’en débarrasser.
Sur son blog, le spécialiste de la finance Georges Ugeux se montre relativement optimiste. “La sortie de la Grèce de l’Euro n’affecterait pas, contrairement à ce qu’affirment les agences de notation, les banques européennes”, explique-t-il. Et cela pour une raison évidente: le secteur privé avait 100 milliards d’euros de risque lié à la Grèce. L’accord d’échange de dette s’est traduit par une dépréciation de cette dette de 80%. L’encours de tout le système financier privé est donc de… 20 milliards d’euros. Pour environ 400 préteurs, cela fait 50 millions en moyenne. Pas de quoi crier au loup.

Mais des incertitudes demeurent

Mais du coup, si cette arithmétique est exacte, l’Europe peut-elle se permettre de laisser tomber la Grèce ? Ce n’est pas si simple. La sortie d’un pays de la zone euro ne s’est jamais produite. Les économistes ont donc du mal à prédire ce qui se passerait dans un tel scénario. Certains redoutent des effets de contagion incontrôlables sur les marchés, c’est-à-dire une forte remontée des taux longs dans les pays les plus fragiles. D’abord en Espagne, puis en Italie et pourquoi pas, en France. “A partir du moment où l’on montre qu’un pays peut sortir, on s’expose à des risques très élevés”, expliquait l’économiste Elie Cohen il y a quelques mois. Ce diagnostic est toujours valable aujourd’hui. Certes, la BCE pourra, dans quelques temps, épauler le fonds de soutien européen pour racheter de la dette des pays les plus fragiles, ce qui permettra de stabiliser les marchés. Mais ce système mettra du temps à se mettre en place. En attendant, la zone euro reste fragile.

Autre problème en cas de sortie de la Grèce: la facture laissée aux Etats. En effet, la Grèce a sans doute moins de chances de rembourser ses dettes si elle est livrée à elle-même. Or les engagements des pays de la zone euro envers ce pays qui ne représente que 2% du PIB sont loin d’être négligeables. Selon un rapport du Sénat français, “l’effet sur la dette publique de la France des prêts à la Grèce via le FESF serait de l’ordre d’un peu plus de 20 milliards d’euros à terme (soit environ 1 point de PIB). Un chiffre auquel s’ajoutent des prêts bilatéraux décidés en 2010 pour un montant prévu pour la France de 16,8 milliards à l’horizon 2013”. Cette dette devra bien in fine, être remboursée, soit en augmentant les impôts, soit en réduisant les dépenses publiques.

Par Sébastien Julian

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