Pourquoi la Grèce veut emprunter en dollars

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Athènes prévoit de lancer en avril un emprunt obligataire en dollars, selon le “Financial Times”. Sa nouvelle stratégie : se présenter en tant que pays émergent.

Combien la Grèce veut-elle emprunter ?

Athènes voudrait lever entre 5 et 10 milliards de dollars, alors qu’elle doit emprunter encore 32,5 milliards d’euros avant la fin de l’année, dont 12 milliards d’ici fin mai. L’objectif est de réussir à refinancer sa dette, qui s’élève actuellement à 300 milliards d’euros, sans avoir à recourir aux prêts européens et du FMI, prévus par le plan d’aide mis en place le 25 mars.

Une émission en dollars n’a rien d’exceptionnel pour un pays de la zone euro. La Grèce y avait déjà eu recours en juin 2008, de même que l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, la Belgique et l’Espagne. “En revanche, 10 milliards de dollars est un objectif très ambitieux, remarque Patrick Jacq, stratégiste obligataire à BNP. Elle ne pourra lever qu’une partie de cette somme”. A titre de comparaison, l’Allemagne n’avait émis que 3 milliards d’euros de dette en 2009.

Pourquoi emprunter en dollars ?

Pour accéder aux investisseurs extérieurs à la zone euro pour qui acheter une obligation libellée en dollars plutôt qu’en euros permet de se couvrir contre le risque de change. Il ne s’agit pas pour la Grèce de bénéficier de taux d’emprunt moins élevés, mais seulement d’accéder à un plus grand nombre d’investisseurs. “La Grèce espère ainsi toucher des banques centrales asiatiques et moyen-orientales qui achètent souvent des bons du trésor américains et qui seraient tentés de diversifier leurs portefeuille de dollars avec des obligations grecques, explique un stratégiste parisien, d’autant plus que même les obligations grecques à maturité courte offrent des rendements très élevés par rapport au Treasuries américains”.

A en croire le Financial Times, la Grèce vise également les fonds d’investissement spécialisés dans les dettes des pays émergents. Cela peut paraître étonnant pour un pays de la zone euro, mais après tout, le taux d’intérêt à dix ans sur la dette grecque s’élève à 6,5%, ce qui la place au-dessus de pays comme le Brésil (4,6%), le Mexique (4,8%) ou encore la Pologne (5,5%). Ainsi, Athènes “communiquera sur l’idée qu’elle offre des taux d’intérêt plus élevés pour un risque moindre, vu qu’elle fait partie de la zone euro et que le plan UE-FMI la couvre contre un risque de défaut,” explique le stratégiste.

La Grèce ne peut-elle pas compter uniquement sur les investisseurs européens ?

La demande européenne est de plus en plus faible. La preuve, lors de l’émission obligataire sur 7 ans du 29 mars, le pays a levé 5 milliards d’euros sans faire décoller la demande, limitée à 7 milliards d’euros. Conséquence, la Grèce à dû consentir à des taux d’intérêt de 5,9%, à peine moins élevé que les 6% offerts pour l’emprunt de début mars à dix ans, et ce malgré le dispositif d’aide adopté quelques jours plus tôt. Pourquoi une telle réticence des investisseurs européens ? D’une part, “les gérants de fonds avaient déjà fait le plein en 2009 d’obligations des pays périphériques de la zone euro, explique Patrick Jacq. Il ne reste donc plus de place dans le portefeuille obligataire pour prendre de la nouvelle dette grecque”.

D’autre part, des incertitudes sur le plan de soutien européen demeurent. “Il reste quand même beaucoup de questions, notamment quel taux va être pratiqué, quelle sera la coordination avec le FMI”, constate Laurence Boone, économiste chez Barclays Capital. Pour Jürgen Michels, “comme la définition d’un cas d’urgence est très floue (…) la mise en oeuvre de ces prêts reste très incertaine”. D’autant que les Etats de la zone euro devront donner leur feu vert à l’unanimité, ce qui revient à octroyer un droit de veto à l’Allemagne, très réticente à l’idée de mettre la main au portefeuille. Surtout, une intervention du FMI pourrait impliquer l’adoption de nouvelles “mesures draconiennes” alors que le plan d’austérité budgétaire est déjà dénoncé par les syndicats. C’est pourquoi la Grèce chercherait déjà à “amender” l’accord européen, de manière à se passer de l’aide du FMI, selon l’agence d’informations financières Market News International. Une annonce qui n’aide pas à rassurer les marchés.

Laura Raim, L’Expansion.com

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