Pas facile de se protéger contre un black-out

/ © Reuters

C’est le sujet du moment : la Belgique risque de devoir se passer d’électricité pendant quelques heures cet hiver. Dans une étude, Elia, le gestionnaire du réseau, estime que notre pays pourrait connaître un ” black-out ” (une plongée dans le noir) pendant 49 heures cet hiver, voire plus (116 heures) si l’hiver est très rigoureux.

Lors d’une conférence de presse ce mercredi, le ministre de l’énergie de l’actuel gouvernement en affaires courantes, Melchior Wathelet, a voulu rassurer : il n’y aura pas de black-out général (coupure générale de l’électricité dans tout le pays). Ce qui pourrait arriver, en revanche, “ce sont des tranches de 2 ou 3 heures d’absence d’électricité pour des régions bien définies”, dit-il. Deux types de clientèle seraient épargnés : les régions où se trouvent des entreprises à risques et les grandes villes.

Pourquoi risque-t-on de manquer de courant ?

Lors d’un hiver normal, le pays consomme. Au plus fort de l’hiver, le pays consomme jusqu’à plus de 13.000 MW (mégawatts). Plus même, si l’hiver est très rigoureux comme en 2011. Or, notre parc de centrale électrique ne peut plus aujourd’hui produire que 10.750 MW environ. La raison est connue : la moitié de notre parc de centrale nucléaire est à l’arrêt : d’abord en raison des fissures détectées dans les cuves de deux réacteurs (Doel 3 et Tihange 2) ; puis du sabotage, sur lequel le parquet enquête toujours, de la turbine de Doel 4.

Est-on sûr de se retrouver dans le noir ?

Non. “Ces 49 heures de pénurie signifient 49 heures potentiellement difficiles, pas 49 heures sans aucun mégawatt”, a assuré la secrétaire d’Etat à l’énergie Catherine Fonck dans un entretien à L’Echo. La Belgique dispose en effet d’une réserve stratégique : des centrales de réserve, rapidement mobilisable, qui peuvent fournir 850 MW. Et puis, il y a le surplus de capacité de nos voisins. Les deux mis ensemble devraient pouvoir nous permettre d’arriver à 12.500-13.000 MW. Pour combler le trou (500 à 1.000 MW à trouver si l’hiver est normal, plus si l’hiver est très rigoureux), les autorités planchent sur diverses solutions : réduire la demande (en coupant notamment les éclairages sur les autoroutes, dans les bâtiments publics voire dans les trains…) ; reporter la consommation (en incitant les gens à consommer en dehors des heures critiques, qui sont surtout 17-19 heures) ; mobiliser des groupes électrogènes géants (cela existe, le Japon y a eu recours après Fukushima, mais cela coûte très cher)… Mais comme c’est la première fois que les autorités sont confrontées à ce problème, on ignore si cela sera suffisant. Il y a donc un risque, pas une certitude, de se retrouver dans le noir pendant quelques heures cet hiver, dans certaines régions du pays.

Comment se protéger ?

Bonne question. “Pour les entreprises, ce sera au cas par cas, répond Wauthier Robyns, directeur de la communication d’Assuralia, le lobby des assureurs. La question est à poser au “risk manager” des entreprises, poursuit-il. Pour les particuliers, ajoute Wauthier Robyns, il existe des clauses dans les contrats, comme celles par exemple qui protègent le risque de panne d’un surgélateur.” Mais est-ce que les clauses couvrent ce type de sinistre ? “Il faut regarder chaque type de contrat, afin de voir si ce type de risque est spécifiquement exclu ou pas”, répond Wauthier Robyns. “La plupart des contrats excluent par exemple les risques liés à un accident nucléaire,” dit-il.

Un professionnel de l’assurance abonde : “il n’y a pas ou très peu de couvertures pour ce type de risques, dit-il. Pour deux raisons, ajoute-t-il. D’abord, je parle surtout pour les entreprises, on s’assure toujours contre un événement imprévisible. Ici, il est difficile de dire qu’il ne l’est pas : on en parle depuis des semaines ! Si l’on estime qu’une coupure fait courir un grand risque à l’entreprise, un “bon père de famille” se doit donc d’agir préventivement. Ensuite, les polices souscrites par les entreprises ou les particuliers mentionnent certes les risques liés à une “action de l’électricité” comme un court-circuit, une surtension, …. Mais ici, on parle d’un délestage, d’un black-out. Ce n’est pas la même chose. Aussi, poursuit notre assureur, lorsque 20% des entreprises en Flandre disent être assurées contre ce risque, cela m’étonne très fort”.

Chez Test-Achats, on étudie encore la situation : “Nous restons très prudents pour l’instant, réagit Jean-Philippe Ducart, de l’association de défense des consommateurs. Les mesures annoncées jusqu’ici nous laissent un peu perplexes et c’est une situation à laquelle nous n’avions jamais été confronté auparavant” Test-Achats envisage cependant de lancer bientôt une campagne d’informations et déconseille de contracter aujourd’hui une assurance particulière contre ce risque. “Il existe au niveau régional un système d’indemnisation, à charge du fournisseur. Ce système est activé à partir d’un certain nombre d’heures sans électricité”, ajoute Jean-Philippe Ducart qui précise cependant que “si ce système joue lorsque la situation est normale, on ignore encore si les coupures volontaires (les délestages) qui pourraient avoir lieu cet hiver entrent dans ce cas de figure”. En outre, les modalités d’activation de ce système varient selon les régions (en Région wallonne, il agit à partir de 6 heures sans électricité). Un système contre lequel Test-Achats se bat. L’association, qui brandit les principes du droit civil et la législation sur les produits défectueux, estime que le consommateur doit être remboursé des dommages causés par une coupure de courant dès que celle-ci intervient et non pas après un certain laps de temps.

Pierre-Henri Thomas

Pierre-Henri Thomas

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