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“Les débats sur le fameux tax shift sont étrangement tronqués”

Il n’est jamais question que d’un “glissement” de certains impôts vers d’autres. En clair, on affirme vouloir réduire la charge fiscale et parafiscale pesant sur les revenus professionnels en alourdissant d’autres charges, grevant la consommation (TVA) ou les revenus du patrimoine (taxation de certaines plus-values).

Pourtant, si l’idée est pour l’Etat de renoncer à certaines recettes, il y a en principe deux manières d’équilibrer le budget. La première, celle choisie sans discussion, est de remplacer les recettes “perdues” par de nouvelles recettes. Mais il en existe une seconde, qui résulte du fait que le budget est composé de deux colonnes, les recettes et les dépenses : il est aussi possible de réduire les dépenses d’un montant correspondant à celui des charges sur le travail que l’on entend supprimer. Bien sûr, le gouvernement annonce qu’il fait déjà des “économies”. Il est dans la droite ligne de son prédécesseur, dont les ministres, suivant les partis et les périodes, prétendaient “économiser” tantôt 11 milliards, tantôt 18, voire 22 milliards.

L’on sait qu’en réalité le très dépensier et très taxateur gouvernement précédent n’a jamais cessé d’augmenter très sensiblement les dépenses et n’a rien économisé du tout globalement : si quelques postes de dépenses ont certes été réduits, ils ont été plus que compensés, et très largement, par des augmentations d’autres dépenses.

Les choses ne sont guère différentes pour le gouvernement actuel. Il affirme réduire certains types de dépenses, mais selon le budget lui-même, les “crédits de liquidation”, c’est-à-dire les dépenses effectives de l’Etat fédéral passeront, en 2015, de 98,9 à 104,1 milliards, soit une augmentation de plus de 5 %. En laissant simplement les dépenses au niveau où elles étaient sous le gouvernement précédent, il est donc possible de dépenser environ 5 milliards de moins que ce que le budget prévoit.

Bien sûr, même s’il affecte de ne pas créer de nouveaux impôts, le gouvernement augmente aussi les impôts. La phrase est claire dans son rapport sur le budget : “les recettes fiscales prévues pour 2015 sont estimées à 112.122,5 millions d’euros. Par comparaison aux recettes fiscales probables de 2014, cela représente une augmentation de 3.672,4 millions d’euros, soit 3,6 %”. L’Etat fédéral augmente donc les impôts de 3,6 %, sans le dire ailleurs que dans le budget, et ce taux est impressionnant si on le compare à ceux, malheureusement presque nuls, de la croissance et de l’inflation. Cela veut simplement dire que la part de l’Etat dans l’économie et dans la vie de chacun augmente encore sous ce gouvernement, et ce, après que le gouvernement précédent ait déjà décidé les mesures fiscales les plus contraignantes de l’histoire belge en temps de paix.

L’Etat fédéral augmente donc les impôts de 3,6 %, sans le dire ailleurs que dans le budget, et ce taux est impressionnant si on le compare à ceux, malheureusement presque nuls, de la croissance et de l’inflation.

Ce n’est pas là une exception réservée à un seul exercice fiscal. Le même rapport budgétaire annonce que les 112,1 milliards de recettes fiscales pour 2015 deviendront 116,7 milliards en 2016, 120,5 milliards en 2017 et 124, 6 milliards en 2018. Le cumul des recettes fiscales supplémentaires sur ces quatre exercices est ainsi de… 41,1 milliards d’euros (soit 3,8 milliards en 2015, 8,4 en 2016, 12,4 en 2017 et 16,5 en 2018).

On voit ainsi que pour réduire, sur les quatre prochaines années, de 41 milliards, somme considérable, l’impôt sur les revenus professionnels, il ne faut même pas que le montant total des impôts diminue. Il suffit de les laisser au niveau où ils étaient en 2014, après toutes les augmentations d’impôt décidées par le gouvernement précédent. En fait de tax shift, il suffit simplement que l’Etat cesse d’augmenter les impôts et les dépenses, comme il le fait de manière constante, quelle que soit la couleur politique au pouvoir.

On peut certes se poser la question de savoir comment il se fait que les impôts budgétés continuent à augmenter, alors que le gouvernement n’a – et sur ce point il dit vrai – pas pris de mesure fiscale significative tendant à augmenter les impôts. Cette situation résulte du fait que lorsqu’on annonce à la presse et au public des mesures nouvelles, leur effet budgétaire est toujours comparé, non pas aux recettes et dépenses de l’exercice précédent, mais à celles qui auraient été constatées “à politique inchangée”. On occulte ainsi que notre système est conçu pour que, sans rien décider de nouveau, les recettes et dépenses de l’Etat continuent toujours à augmenter.

Cela veut dire aussi que si l’on veut que cela cesse, il faut “changer de politique”, et que ce gouvernement ne le fait pas, alors que pour réduire réellement l’imposition sur les salaires, il faudrait le faire.

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