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La tragédie de la dette publique: les citoyens sont amnésiques et les politiques myopes

Dans le dossier grec, il convient souvent d’avoir des positions très tranchées et malheur à vous si vous êtes plus nuancé, car vous êtes aussitôt accusé d’être tiède.

Il y a d’un côté, ceux qui disent que la Grèce est une grande victime et notamment de ses créanciers, voire même des banquiers qui l’ont aidé à trafiquer ses comptes pour entrer dans la zone euro. Ceux-là oublient souvent de dire que si la banque américaine Goldman Sachs a trouvé la solution financière pour enjoliver les comptes publics de la Grèce, cette même banque n’a fait qu’agir en tant que sous-traitant. Le vrai coupable, c’est le gouvernement grec de l’époque qui a fait appel à cette banque pour justement ne pas “laisser Platon en dehors de l’Europe”, comme l’avait dit Giscard D’Estaing à l’époque. Le même Giscard qui aujourd’hui souhaite la sortie de la Grèce de la zone euro !

Prenez également le cas de l’économiste Thomas Piketty. C’est devenu l’économiste le plus célèbre au monde en publiant un gros pavé de presque mille pages sur les inégalités croissantes en ce monde. Des inégalités de patrimoine qu’il souhaite corriger via une sorte d’impôt. Mais ce même Piketty oublie – ou feint d’oublier – que le pays qu’il défend est celui où justement personne ne paie d’impôts et encore moins les riches !

Caliméro donne la réplique à Rambo dans cette tragédie grecque

A contrario, pour reprendre l’expression de l’excellent Philippe Béchade, commentateur avisé de l’actualité boursière, “il y a les Rambos de la pensée financière” – que ce soient des politiques, des économistes ou des hommes d’affaires – pour qui ce dossier grec doit se résoudre par le départ immédiat du cancre. Et surtout, les Grecs doivent assumer d’avoir mis à la tête de leur gouvernement un joueur de flûte lâche qui ne réussira qu’à plonger son pays dans le chaos et à appauvrir encore plus son peuple ! Mais ces mêmes ‘Rambos de la pensée financière’ ont la mémoire courte, nous dit Philippe Béchade: savent-ils que l’Allemagne avait fait défaut en 1948 avant de voir sa dette résiduelle effacée aux deux tiers en 1953 par ses créanciers européens ? Et encore, à l’époque, ces créanciers n’étaient même pas des partenaires et n’avaient donc aucune obligation de solidarité !

Alors, c’est vrai, les Grecs ont voté “non”. Mais lorsque vous demandez à un débiteur s’il préférerait ne pas payer, que voulez-vous qu’il dise d’autre ? En réalité, la vraie tragédie de la Grèce, mais également des autres pays endettés de la zone euro, c’est que les politiciens ont enfreint une règle ancienne: à savoir qu’il n’est pas possible de lever des impôts sans l’assentiment de la population, ce que les Américains appellent “pas de taxation sans représentation” (no taxation without representation).

Au fil du temps, nos politiciens ont évité de se présenter avec l’ardoise devant la population. Ils savaient qu’ils seraient recalés, car on leur poserait des questions sur le pourquoi de ces impôts. Donc, la plupart des politiques se sont fait réélire en promettant la lune et ils l’ont fait via des emprunts, de la dette donc, ce qui permet de faire passer les coûts à une population qui n’a pas de mémoire. Beaucoup de Grecs qui sont endettés aujourd’hui n’étaient même pas nés quand ces dettes ont été accumulées. Et c’est là le vrai drame de la dette publique: quand la facture finit par arriver, les gens – vous et moi – ont déjà oublié qui avait contracté ces dettes et pourquoi.

Au fond, si nous sommes autant endettés, c’est parce que les citoyens sont amnésiques et les politiques myopes (leur vision s’arrête à la prochaine élection). Bref, nous sommes complices involontaires du crime d’endettement !

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