La Grèce, otage de la politique intérieure allemande

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Angela Merkel veut aider la Grèce. Mais elle aimerait repousser toute prise de décision sur ce dossier impopulaire après le 9 mai, date d’élections cruciales pour l’avenir de son gouvernement.

Angela Merkel veut aider la Grèce. Mais elle aimerait repousser toute prise de décision sur ce dossier impopulaire après le 9 mai, date d’élections cruciales pour l’avenir de son gouvernement.

La demande d’aide financière envoyée vendredi dernier par Athènes à Bruxelles a déclenché une petite tempête politique en Allemagne: ” Il y a de l’argent pour tout, pour les banques, pour l’industrie automobile, pour la solidarité européenne, mais pour un allégement fiscal des classes moyennes, il n’y a pas d’argent. Cela ne se passera pas comme ça avec nous “, vitupérait dimanche le chef du parti libéral Guido Westerwelle, ministre allemand des Affaires étrangères et partenaire de Mme Merkel au sein de la coalition gouvernementale.

Angela Merkel mise sous pression par son camp

Les reproches de M. Westerwelle s’adressent directement à la chancelière allemande et à son ministre des finances Wolfgang Schaüble. Celle-ci a en effet donné son accord de principe, le 25 mars dernier, pour que l’Union européenne aide l’Etat grec à éviter la banqueroute. Mais dans le même temps, M. Schaüble, son argentier, refuse de donner suite au ” grand ” projet de baisses d’impôts du parti libéral pour cause de caisses vides. M. Westerwelle a donc choisi de se refaire une santé politique sur le dos de ses ” amis “, en endossant les habits de défenseur des intérêts nationaux et de gardien de l’orthodoxie financière.

Alors qu’il est prévu que l’Allemagne apporte la plus grosse contribution à l’aide attendue par la Grèce, soit 8,4 milliards d’euros sur les 30 milliards promis par l’UE, M. Westerwelle n’a pas été le seul à réagir violemment à la demande grecque. Le parti chrétien social, aile bavaroise du parti conservateur, a ainsi évoqué la possibilité d’exclure la Grèce de la zone euro. L’idée a été catégoriquement écartée par Angela Merkel et Axel Weber, patron de la Bundesbank. Mais elle a jeté le trouble dans les rangs des conservateurs (CDU) qui se demandent comment expliquer à leurs électeurs pourquoi il est important que l’Allemagne, qui doit assumer 80,2 milliards de dettes supplémentaires en 2010, verse des milliards à la Grèce. Quant à l’opposition, sociaux démocrates (SPD) et écologistes, elle est en faveur d’une aide rapide à la Grèce, à condition que cette aide soit exceptionnelle ” et ne constitue pas une rampe de lancement pour d’autres aides à des Etats en difficulté “, a déclaré Mme Petra Merkel (SPD), présidente de la commission parlementaire du budget.

La chancelière veut aider la Grèce…

Face à ces fortes réactions intérieures et à l’incompréhension des partenaires européens devant les réticences allemandes, Angela Merkel a jugé bon, lundi après-midi, d’intervenir publiquement. La chancelière étant plutôt connue pour préférer la discrétion même sur les dossiers chauds, son apparition est un signe évident du trouble qui règne à Berlin. Dans une déclaration de quelques minutes, Mme Merkel a tenté de rassurer : ” L’Allemagne aidera la Grèce “, a-t-elle affirmé. Mais seulement si un plan ” sérieux, solide et durable “ est négocié entre la Grèce, le Fonds Monétaire international et l’Union européenne, a-t-elle expliqué : ” Je crois que l’Allemagne a raison de vouloir un programme sérieux qui garantisse la stabilité de l’euro et donne à la Grèce l’assurance à long terme de se sortir de cette crise “. Contrairement à Nicolas Sarkozy, qui a demandé une intervention rapide pour couper court à la spéculation, Mme Merkel est donc prête à attendre ” le temps qu’il faudra “, pour qu’un plan ” solide “ soit négocié.

…après les élections du 9 mai

Selon la chancelière, qui rencontrera Dominique Strauss-Kahn, président du FMI, mercredi prochain, le programme d’aide pourrait être prêt début mai. Pour elle, on peut dire que la date idéale se situe même très précisément après le dimanche 9 mai. Ce jour là, la Rhénanie du nord -Westphalie, le Land le plus peuplé d’Allemagne renouvellera son Parlement et son président de région. Ce dernier est actuellement Jürgen Rüttgers, membre du parti conservateur (CDU). Or les sondages ne lui sont pas du tout favorables. Et si M. Rüttgers perd la région, Angela Merkel et sa coalition perdront la majorité au Bundesrat, la Chambre des régions, qui vote plus de 60 % des lois allemandes. Pour la Chancelière, cette élection est donc déterminante car sans soutien du Bundesrat, c’est l’immobilisme législatif qui guette son gouvernement. Evidemment, le règlement de la crise grecque n’est pas un dossier très ” rentable ” sur le plan électoral.


Thomas Schnee, Berlin
Trends.be, L’Expansion.com

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