Bras de fer anglo-argentin pour le pétrole des Malouines

© Epa

La compagnie pétrolière britannique Desire Petroleum a démarré lundi ses opérations de forage au large des îles Malouines. De quoi raviver la tension séculaire avec l’Argentine, qui est mal partie pour faire valoir ses droits sur l’archipel tant convoité.

C’est quoi les Malouines ?

Les îles Malouines, ou “Falklands” pour les Britanniques, sont un petit archipel perdu au fin fond de l’Atlantique sud, à 500 km des côtes argentines. Peuplé de 3.000 habitants, 1.000 soldats britanniques, 500.000 moutons et d’impressionnantes colonies d’otaries et de lions de mer, l’archipel tire aujourd’hui 60% de ses revenus de la pêche. Les îles forment un territoire britannique d’outre-mer, mais elles sont encore revendiquées par l’Argentine, malgré sa défaite en 1982 contre les Britanniques.

Voir la Chronologie Malouines, histoire d’un contentieux multiséculaire

Qu’est-ce qui se passe là-bas?

La compagnie pétrolière britannique Desire Petroleum a démarré lundi ses opérations de prospection pétrolière en procédant à un premier forage à 100 km au nord des côtes, dans le bloc de Liz, l’un des quatre forages qu’elle prévoit au minimum cette année. Pour ce faire, les chercheurs d’or noir ont loué à grands frais les services “d’Ocean Guardian”, une plate-forme pétrolière âgée de 25 ans, battant pavillon des îles Marshall, arrivée vendredi dans les Malouines après trois mois de voyage. Sa compatriote Rockhopper prendra le relais, en sondant le bloc de Sea Lion. La plate-forme se déplacera ensuite dans le sud du bassin des Malouines, pour le compte de Falkland Oil & Gas, associée au géant minier anglo-australien BHP Billiton, avant de revenir dans le nord.

Les eaux des Malouines sont-elles riches en pétrole ?

Une première campagne de forages en 1998 avait confirmé la présence de pétrole, mais à l’époque, son exploitation paraissait non rentable. Douze ans après, la multiplication par sept du prix du baril et les progrès techniques changent la donne. Selon la Société de géologie britannique, les réserves autour des Malouines pourraient atteindre 60 milliards de barils, soit l’équivalent du gisement de la mer du Nord qui a contribué à 25 ans de prospérité au Royaume-Uni. Mais, selon un porte-parole de la Desire Petroleum, les quantités commercialisables devraient être très inférieures. Dans tous les cas, seuls les forages permettront de valider ces chiffres. “Il est très difficile de faire des estimations avant les forages. Les spéculations faisant état de 60 milliards de barils semblent exagérément optimistes”, rappelle Juliette Kerr, analyste du cabinet ISH Cera.

Pourquoi les Argentins s’opposent-ils au forage ?

Buenos Aires continue de revendiquer la souveraineté sur les îles. Le Congrès a même adopté le 9 décembre une loi rattachant l’archipel au territoire de la Terre de Feu, une mesure immédiatement rejetée par Londres. Selon le gouvernement argentin, Londres ne tient pas compte de résolutions de l’ONU invitant les deux parties à reprendre leurs négociations sur l’avenir de l’archipel et à s’abstenir d’ici-là de toute modification unilatérale des données en jeu

Depuis quelques semaines, le gouvernement argentin fait tout pour empêcher le forage. Il a notamment publié un décret requérant une autorisation pour les navires traversant ses eaux pour se rendre aux Malouines. L’Argentine n’écarte pas de porter l’affaire devant la Cour internationale de Justice de La Haye.

Qu’en pensent les habitants des Malouines ?

Ce sont pour la plupart des descendants des Britanniques. Les représentants politiques, qui n’ont de cesse de réaffirmer leur droit à l’autodétermination, ne veulent pas être intégrés à l’Argentine, souvent qualifiée par les Argentins eux-même de pays en “voie de sous développement”… De fait, le PIB par tête aux Malouines dépasse celui de l’Argentine.

Les Argentins auront-ils une part du gâteau ?

Pas sûr. Le parlement des Malouines, qui a le pouvoir de faire passer des lois, a annoncé début février que les compagnies pétrolières argentines ne seront pas autorisées à explorer ses eaux.

Pour ne rien arranger, l’ancien président Nestor Kirchner a commis en 2007 l’erreur d’annuler unilatéralement l’accord qui avait été signé en 1995 avec le Royaume-Uni sur l’exploitation du pétrole et de la pêche. “Dans un geste soi-disant patriotique, il a rompu cet accord et ne l’a même pas renégocié, s’indigne l’ancien diplomate argentin, Andrés Cisneros, dans le journal La Nacion. Maintenant, on n’a plus aucun accord, ils vont prendre tout le pétrole, et on aura aucun outil pour le répartir”

Une seconde guerre des Malouines est-elle possible?

A part le président vénézuélien Hugo Chavez, qui a promis à l’Argentine qu’elle “ne sera pas seule” en cas de nouvelle guerre des Malouines, personne n’envisage sérieusement cette éventualité. Certes, la situation actuelle ressemble par certains aspects à celle de 1982 : le Premier ministre britannique Gordon Brown est donné perdant pour les prochaines élections législatives, comme l’était Margaret Thatcher en son temps. Et le gouvernement de Cristina Kircher est en grande difficulté, comme l’était la junte du General Leopoldo Galtieri qui avait décidé d’envahir les Malouines pour faire distraction. Aujourd’hui, inflation et scandales financiers pèsent sur le parti péroniste au pouvoir, qui a perdu la majorité dans les deux chambres aux législatives de juin 2009. L’Argentine doit rembourser 13 milliards de dollars de dette cette année, et son déficit atteint 7 milliards de dollars. Or le thème des Malouines reste un thème fédérateur en Argentine, et Cristina Kirchner est sûre de bénéficier au Congrès d’une union sacrée à ce sujet.

Pour autant, une guerre semble peu probable. La diplomatie argentine a explicitement écarté l’option militaire. Surtout, il y a une différence de taille avec la situation de 1982, explique Michael Codner, directeur des sciences militaires à l’institut Rusi de Londres : “Londres, qui entretenait en 1982 un maigre détachement de Royal Marines aux Falklands dispose aujourd’hui d’une solide garnison dissuasive, dotée de moyens terre-air-mer”,

Trends.be, L’Expansion.com

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