Arabie saoudite: la révolution Mohammed Ben Salmane survivra-t-elle à 2018 ?

Mohammed ben Salmane © AFP

Agé de 32 ans, le prince héritier Mohammed ben Salmane, qui accédera au trône en 2018, bouscule son pays en matière d’économie, de culture ou des droits des femmes.

L’événement ressemble à n’importe quel événement se tenant à Riyad, la capitale d’Arabie Saoudite. Des hommes en longue robe blanche sur des canapés dorés mangent des dattes. Certains prient en direction de la Mecque. Aucune femme n’est présente. Il n’y a pas non plus d’alcool, lequel est interdit dans ce royaume conservateur. Mais quand les hommes s’assoient, quelque chose d’inhabituel se passe. Alors qu’il n’y a pas eu un seul concert à Riyad depuis près de 30 ans, en mai 2017, Toby Keith, star de la country américaine, a chanté pour le public.

L’Arabie Saoudite est en train de changer – et elle continuera de changer en 2018. Le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS de son surnom) secoue le cocotier sur le plan social, politique et économique. Son ascension est en elle-même une rupture avec la tradition. Son père, le roi Salmane ben Abdelaziz Al-Saoud, est le sixième fils du monarque fondateur du royaume à s’asseoir sur le trône. En 2015, il a court-circuité ses autres frères en nommant son neveu prince héritier. Mais en 2017, il l’a destitué et a promu son fils à la place, concentrant ainsi le pouvoir dans une branche de la dynastie.

Aramco, le géant pétrolier

MBS nourrit de grandes ambitions de réforme. Ces ambitions commencent par l’économie. Son projet, baptisé Vision 2030, vise à sevrer l’Arabie Saoudite des revenus du pétrole, qui assure depuis longtemps de généreux bénéfices et de confortables emplois gouvernementaux. Cette économie n’est plus durable. Aussi le prince entend-il réduire les subventions et diversifier l’économie.

En 2017, face au mécontentement de la population, il a dû faire marche arrière et revenir sur certaines mesures d’austérité. Mais ce sera la vente de 5 % de Saudi Aramco, le géant pétrolier national, qui constituera le vrai grand test de sa volonté de réformer. La vente, prévue pour 2018, sera repoussée. Du reste, l’évaluation d’Aramco sera bien plus faible que les 2.000 milliards de dollars qu’escompte MBS, notamment parce que son ingérence dans les affaires de la société inquiète les investisseurs. Certains analystes pensent que le gouvernement pourrait revenir sur les réductions d’impôt accordées à Aramco pour donner un coup de pouce à ses revenus ou bien continuer à offrir une énergie bon marché aux Saoudiens, aux dépens des profits du géant pétrolier.

La police religieuse est bridée

Les autorités, cependant, cherchent d’autres façons d’amadouer la population – dont 70 % a moins de 30 ans. La nouvelle Autorité pour le divertissement (GEA) a organisé plusieurs milliers d’événements en 2017 – contre quelques centaines l’année d’avant. Il y en aura encore plus en 2018, le gouvernement s’attaquant aux restrictions imposées par le code social islamique strict du royaume. Tout cela inquiète le clergé conservateur. Mais Ahmed Al-Khatib, le président de la GEA, est déterminé. ” Notre société est en train de s’ouvrir “, dit-il.

Le gouvernement étouffe les voix conservatrices et bride le pouvoir de la muttawa (la police religieuse). En 2017, le roi Salmane a ordonné aux agences du gouvernement de ne plus empêcher arbitrairement les femmes d’accéder aux divers services quand elles ne possèdent pas l’autorisation d’un gardien masculin. Mais il n’a pas complètement tiré un trait sur le système des gardiens qui impose aux femmes de disposer de l’agrément d’un homme pour se marier et se rendre à l’étranger.

Les femmes au volant

D’autres progrès auront lieu en 2018. En juin, les femmes auront le droit de conduire (l’Arabie Saoudite est le seul pays à interdire la conduite aux femmes) grâce à la pression croissante que subit le gouvernement et parce qu’elles sont de plus en plus nombreuses à devoir aller travailler.

Tous ces changements n’agacent pas seulement les religieux. La famille royale s’irrite de cette rapide ascension de MBS, qui place d’autres jeunes princes à des postes importants. Le prince héritier attise leurs inquiétudes avec ses imprudentes interventions à l’étranger, comme la désastreuse guerre au Yémen et l’isolement du Qatar. La rancoeur est telle que des observateurs pensent que le roi et son fils pourraient être destitués. Mais selon un scénario plus probable, le roi Salmane, qui décline, abdiquera en faveur de son fils. Et le roi Mohammed continuera de changer son royaume.

Par Roger McShane.

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