Taxe sur les assurances-vie en cas de décès: les trois Régions ont accordé leurs violons

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La Région de Bruxelles-Capitale a revu la taxation des contrats d’assurance-vie en cas de décès. La réglementation fiscale en la matière est désormais identique à Bruxelles, en Flandre et en Wallonie.

Une assurance-vie est un produit d’épargne ou de placement coulé dans un contrat d’assurance. Ce type de police est intéressant pour les avantages fiscaux qu’il offre, à savoir: absence de précompte mobilier sur les revenus dans le cas d’une assurance d’investissement de la branche 23 ainsi que sur les revenus d’une assurance d’épargne de la branche 21 si la police ne couvre pas plus de huit ans.

En faisant coïncider taxation et versement effectif du capital, Bruxelles s’aligne sur la Flandre et la Wallonie où c’était déjà le cas.

L’assurance-vie est un moyen fiscalement intéressant de constituer une pension complémentaire, explique Tom Huyghebaert, expert en planification fiscale et familiale de Lemon Consult. Ce type de police est également intéressant comme véhicule de contrôle dans le cadre d’une planification successorale au bénéfice de la génération suivante. Il permet en effet de transmettre, au moment du décès, une partie de son patrimoine aux bénéficiaires désignés dans le contrat.”

“Vous pouvez, par exemple, désigner vos petits-enfants comme bénéficiaires afin de planifier votre succession. Vous sautez ainsi une génération et répartissez votre patrimoine entre plusieurs héritiers tout en bénéficiant des tranches d’imposition les plus favorables des droits de succession à Bruxelles et en Wallonie et de l’erfbelasting en Flandre (la Flandre a changé l’appellation “successierechten”, droits de succession, en “erfbelasting”, impôt sur la succession…, mais sur le fond, c’est la même chose, Ndlr).

Exemple: la police ABC

Il existe de nombreuses possibilités. Dans le cas d’une police ABC par exemple, le preneur d’assurance (A) conclut un contrat d’assurance sur la tête d’un assuré (B), au bénéfice d’un ou plusieurs tiers bénéficiaires (C). Cette construction est utile pour les grands-parents soucieux d’éviter que leurs petits-enfants n’entrent en possession d’une somme importante à un jeune âge.

Illustration avec un cas concret. Alexandre, 70 ans (A), souscrit une police sur la tête de sa fille Belinda, 40 ans (B), au bénéficie de son fils Casper, 10 ans (C). Cette construction permet à Alexandre de transmettre un certain capital à son petit-fils Casper mais celui-ci ne le recevra qu’au décès de Belinda, la fille d’Alexandre (qu’il soit encore en vie ou non au moment de sa disparition).

Alexandre peut également assortir la police de conditions supplémentaires et, par exemple, stipuler que Casper ne percevra le capital qu’à un certain âge – disons 21 ans – que Belinda soit décédée ou non.

Capital disponible plus rapidement

Autre avantage de l’assurance-vie dans le cadre de la planification successorale: les actifs sous-jacents arrivent plus rapidement sur le compte du bénéficiaire en cas de décès. Par contre, les comptes bancaires du défunt sont d’abord gelés et les biens immobiliers ne peuvent être vendus directement après le décès.

“Cette disponibilité accélérée constitue un atout supplémentaire et dépend de la construction concrète de la police qui doit être mûrement réfléchie, explique Tom Huyghebaert de Lemon Consult. La médaille a aussi un revers: la possible liquidation du portefeuille d’investissement de la branche 23 d’une assurance-vie à un mauvais moment. Si l’assuré vient à décéder après une sévère correction sur les marchés financiers par exemple.”

Echéancier d’imposition

En principe, le capital d’une assurance-vie versé après décès est imposé. En Flandre, il est question d’erfbelasting ; à Bruxelles et en Wallonie de droits de succession. Cela revient quasi au même si ce n’est que les taux d’imposition divergent. Ils dépendent entre autres du montant du capital légué, dont les versements, ainsi que du degré de parenté entre le bénéficiaire et le défunt.

“Dans certains cas, le fisc exigeait autrefois des bénéficiaires le payement des droits de succession ou de l’erfbelasting avant même le versement du capital, ce qui donnait parfois lieu à des situations financières problématiques”, explique Tom Huyghebaert.

Reprenons l’exemple proposé ci-dessus. Jusqu’à il y a peu, la situation était la suivante à Bruxelles: si Alexandre décédait avant le 21e anniversaire de Casper, son petits-fils était directement redevable des droits de succession sur le capital assuré, même s’il n’avait pas encore effectivement perçu le capital. Casper devait donc débourser immédiatement un montant (parfois conséquent) alors qu’il n’avait encore rien reçu.

Depuis le 11 août 2022, ce n’est plus le cas dans aucune des trois Régions. Désormais, le contrat d’assurance n’est plus soumis aux droits de succession bruxellois au moment du décès d’Alexandre mais au moment du versement effectif du montant assuré, en principe quand Casper aura 21 ans, ou plus tôt si sa mère Belinda vient à mourir avant son 21e anniversaire.

En faisant coïncider taxation et versement effectif du capital, Bruxelles s’aligne sur la Flandre et la Wallonie où c’était déjà le cas.

Donation d’une assurance-vie

Le deuxième changement récemment opéré à Bruxelles concerne la fiscalité relative à la donation d’une assurance-vie. Illustration: il y a quelques années, Alexandre (A) a investi une partie de son épargne dans une assurance de placement de la branche 23. A la conclusion du contrat (dont il est l’assuré), il a désigné sa fille Belinda (B) comme bénéficiaire en cas de décès.

Pour éviter l’erfbelasting ou les droits de succession au moment de son décès, Alexandre décide de faire don de cette assurance- vie à Belinda. Elle devient ainsi preneuse d’assurance et bénéficiaire du contrat, tandis qu’Alexandre reste l’assuré.

Il faut faire enregistrer la donation par un notaire. Les droits de donation doivent être acquittés dans la foulée mais ils sont moins élevés que l’erfbelasting ou les droits de succession”, explique Tom Huyghebaert. Les droits de donation en droite ligne sont de 3% à Bruxelles et en Flandre, et de 3,3% en Wallonie.

Supposons que la valeur du contrat d’assurance-vie soit estimée à 100.000 euros au moment de la donation. Normalement, le capital assuré continue à grossir. S’il atteint 110.000 euros au décès d’Alexandre, conformément à l’ancienne réglementation, Belinda ne devait pas payer de droits de succession sur la plus-value (10.000 euros) à Bruxelles. Depuis la nouvelle réglementation du 11 août 2022, ce sera le cas à Bruxelles comme en Flandre et en Wallonie.

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