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La faillite de l’économie de services

Une grande partie de la population aime la fiction. Il lui faut sa ration quotidienne d’histoires romancées avec ses héros et méchants stéréotypés. A son intention, on traduit chaque jour le drame de la dette grecque en un récit créatif…

Une grande partie de la population aime la fiction. Il lui faut sa ration quotidienne d’histoires romancées avec ses héros et méchants stéréotypés. A son intention, on traduit chaque jour le drame de la dette grecque en un récit créatif : “La Grèce vivait en paix. C’est alors que des spéculateurs venus de l’Occident se sont sauvagement attaqués à ce pauvre pays. Les Grecs ont demandé aux Teutons de leur venir en aide mais contre toute attente, leur chef Angela a refusé de les secourir. Les agences de notation de crédit ont alors décoché des flèches sur les positions branlantes des assiégés. Les autres Européens ne pouvaient pas faire autre chose que d’envoyer leurs meilleurs soldats en Grèce.” Et dans quelques années, on pourra écrire la fin de cette épopée : “Pas un seul d’entre eux n’est revenu de la lointaine Hellas.”

De la fiction à la réalité

Même en bénéficiant d’un prêt substantiel à un taux bas, la Grèce ne sera pas tirée d’affaires pour autant. Tous les euros prêtés aujourd’hui ne seront que partiellement remboursés en euros ou, dans le pire des cas, en nouvelles drachmes. La raison en est simple : l’économie grecque n’a pas la capacité de faire face à cette énorme montagne de dettes.

Le pays est pourri par des années de corruption, n’a presque pas d’industrie de haute valeur et vit du tourisme ainsi que de la bulle financière de ces dernières années. Il a déjà reçu de l’Europe 4 % de son PIB. C’est en fait l’Europe qui a payé les JO d’Athènes en 2004, où les Grecs se sont surtout illustrés par la fraude de leurs deux grands athlètes Konstantinos Kenteris et Ekaterini Thanou, une affaire qui a ensuite été étouffée de façon experte.

C’était la tactique budgétaire grecque mais au niveau olympique. Le tourisme est un secteur agréable mais ce n’est pas avec des sirtaki et des ouzo qu’on rembourse des dettes en euros. Avec son déficit de 14 % du PIB, ses problèmes bancaires et ses grèves interminables, la Grèce ressemble très fort à l’Argentine de 2002. Depuis 1998, ce pays essayait de suivre à tout prix le dollar mais a fini par faire faillite.

Industrie faible = débiteur faible

La Grèce présente les symptômes d’une économie vidée de son contenu : un petit secteur manufacturier et un secteur de services démesuré. D’autres pays ont les mêmes caractéristiques : le Portugal, les USA, l’Espagne, le Royaume-Uni et la France. La Belgique et l’Italie prestent un tout petit peu mieux mais sont proches de la zone dangereuse.

Les pays dont l’industrie manufacturière est trop petite génèrent trop peu d’exportations. Ils ont une balance commerciale faible et de ce fait, souvent aussi un compte courant faible. Donc une faible capacité de financement. S’ils se retrouvent dans une spirale d’endettement, les options sont limitées. Nous assistons aujourd’hui à la faillite de la doctrine de l’économie de services et hélas aussi à la faillite douloureuse d’un certain nombre d’économies de services…

En résumé, il existe des points communs entre le Portugal, la Grèce, le Royaume-Uni et les Etats-Unis : ces quatre pays ont des dettes trop élevées, un déficit de financement trop important et… une économie de services prépondérante. Ce n’est pas un hasard car il y a aussi un rapport entre ces trois caractéristiques. De tels pays sont fragiles, comme l’a prouvé la Grèce. Les trois autres sont avertis, et le reste du monde aussi.

Réactions : trends@econopolis.be

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