Les promoteurs zombies plombent les banques espagnoles

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L’ampleur des sommes nécessaires pour sauver Bankia révèle la gravité de la crise bancaire espagnole. Car l’éclatement de la bulle immobilière a ruiné des milliers de promoteurs qui ne survivent que par la grâce des banques. Des zombies économiques qui menacent de faire éclater tout le système…

En Espagne, les zombies ne se contentent pas d’envahir les écrans. Le concept s’applique aussi à l’économie. Depuis le retournement de la bulle immobilière, de nombreux promoteurs ont passé l’arme à gauche. S’ils bougent encore, c’est grâce aux banques, qui préfèrent renouveler des prêts plutôt que d’enregistrer des pertes supplémentaires, synonymes de sanction sur les marchés. Le problème de ces promoteurs zombies? Ils contaminent les banques, qui semblent aujourd’hui au bord de l’asphyxie.

Tout semblait pourtant sous contrôle. A coup de multiples plans de relance, et de restructurations de ses caisses d’épargne, porteuses de nombreux actifs à risques, l’Espagne paraissait avoir sauvé ses banques. Le mois dernier, le gouvernement avait passé une réforme les obligeant à enregistrer des provisions supplémentaires. Parallèlement, Madrid martelait que l’Espagne n’aurait pas besoin de l’aide de l’Europe pour résoudre le problème. Mais la crédibilité de ce discours vient de voler en éclat avec l’affaire Bankia.

Troisième banque du pays, Bankia a en effet besoin de 23,5 milliards d’euros. Problème: 19 milliards restent encore à trouver. L’Espagne est donc confrontée au sauvetage public le plus cher de son histoire sans en avoir les moyens. Car Bankia cumule trois problèmes, résume un expert sur le site de Boursorama: c’est la banque la plus exposée au secteur immobilier; elle est exposée à 100% à l’économie espagnole, empêtrée dans la crise; et son manque de transparence crée “des doutes sur les bilans présentés”.

Malheureusement, ce bilan sans concession peut s’appliquer à d’autres banques espagnoles. La crise de l’immobilier, en effet, est au coeur des difficultés de la plupart des établissements du pays. Depuis le début de 2007, les prix ont baissé de près de près de 30%, et il n’y a aucun espoir de rebond à court terme. Le stock de logements vides est estimé entre 700.000 et 1 million d’unités, soit entre deux et trois ans de transactions au rythme actuel. Or cet effondrement des prix de l’immobilier a créé une armée de promoteurs zombies et contaminé les banques qui les finançaient.

Des promoteurs zombies

Aujourd’hui, celles-ci ont dans leurs actifs des terrains qui ne valent plus rien ou des parts dans des sociétés immobilières dont l’activité est au point mort. Plutôt que d’enregistrer définitivement des pertes et d’être sanctionnées en Bourse, les banques préfèrent renouveler les prêts à ces sociétés dans l’espoir qu’ils parviennent à les rembourser un jour. Mais elles ne font que masquer l’épidémie. Selon le site Bloomberg, plus de 30.000 promoteurs peuvent être qualifiés de zombies, soit plus de la moitié des sociétés du secteur.

Selon une autre étude, de l’International Institute for Finance, les pertes des banques espagnoles liées à l’éclatement de la bulle immobilière, pourraient atteindre de 218 à 260 milliards d’euros en 2012 et 2013. Un chiffre largement supérieurs aux provisions constituées, estimées à 110 milliards. Au final, les pertes pourraient dépasser largement ce chiffre. En effet, avec l’entrée en récession, ce sont les ménages et les entreprises des autres secteurs qui deviennent désormais insolvables.

Qui va payer la note? Plusieurs options sont sur la table. Un accord pourrait être conclu avec le FMI ou le fonds de secours européen, le FESF, sur une ligne de crédit visant à recapitaliser le système bancaire espagnol. Selon la presse espagnole, la Banque d’Espagne envisagerait la création d’une société immobilière dans laquelle les banques transféreraient leurs actifs fonciers pour une période maximale de 10 ans. Selon le journal El Pais, Madrid pourrait utiliser des obligations publiques pour renflouer Bankia. En échange de ces titres, Bankia serait nationalisée à 90%. Ce serait une manière d’éviter toute aide européenne, comme le souhaite le gouvernement. Mais cela reviendrait aussi à augmenter la dette. Un pas de plus vers un nouve Etat zombie?

Sébastien Julian, L’Expansion.com

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