Pourquoi la Bourse a enterré Nokia

© Bloomberg

L’action Nokia a encore été attaquée mercredi après avoir perdu déjà 17,5% mardi. Sa valeur revient ainsi à son niveau de 1998, l’année où le groupe est devenu n°1 mondial des portables. Et la chute ne devrait pas s’arrêter là. Les raisons d’un massacre.

Mais pourquoi les marchés s’acharnent-ils sur Nokia ? Mardi, un avertissement sur ses résultats à venir du deuxième trimestre et son incapacité à faire la moindre prévision pour l’ensemble de l’année avaient conduit les investisseurs à faire chuter le titre de 17,5% sur la séance. Une raclée boursière qui aurait pu amener certains d’entre eux à estimer que l’action était devenue enfin bon marché, car la chute dure déjà depuis des mois.

La correction était bien partie pour se poursuivre mercredi en fin de matinée avec un nouveau recul de 7,6%, jusqu’à ce que la rumeur d’un rachat par Microsoft entraîne un rebond, limitant la baisse à moins de 1% en clôture. L’action n’en est pas moins ramenée à son plus bas niveau depuis 1998. Autrement dit, l’année qui l’a vu devenir le premier fabricant de téléphones portables au monde. Explications.

Ses parts de marché s’effondrent

Au premier trimestre, Nokia a produit 25,1% des téléphones vendus dans le monde, avec 107,6 millions d’unités, contre encore 30,6% il y a un an, selon Gartner. Un recul déjà inquiétant mais qui ne reflète pas l’ampleur de la catastrophe industrielle qui se joue. Car ces chiffres englobent à la fois ceux des téléphones mobiles “classiques” et ceux des smartphones, sur lequel le retard de Nokia est le plus flagrant. Or ce sont les appareils les plus rentables. Son système d’exploitation pour smartphones, Symbian, a d’ailleurs plongé en un an de 44,2% à 27,6% de parts de marché. Il a d’ailleurs été détrôné par la plateforme Android de Google, qui s’est envolée en un an de 9,6% à 36%.

Sa valeur a chuté en dessous de celle de HTC

Le taïwanais HTC n’est peut être que le 7ème fabricant mondial, avec 2,3% de parts du marché des téléphones portables, mais il est le premier fabricant de smartphones utilisant les systèmes d’exploitation de Google et de Microsoft. Ce qui plaît beaucoup à la Bourse. Il a d’ailleurs dépassé Nokia en capitalisation boursière. La correction des derniers jours a encore accentué les choses : HTC étant valorisé à 35 milliards de dollars contre 25,6 milliards à peine pour le finlandais.

Ses ventes sont inférieures à celles d’Apple en valeur

A première vue la part de marché d’Apple n’est pas impressionnante : 3,9%. Soit 18,6 millions d’appareils vendus au premier trimestre. C’est six fois moins que Nokia. Mais Apple a dégagé un chiffre d’affaires de 11,9 milliards de dollars contre 9,4 milliards de dollars pour Nokia, selon une étude du cabinet Strategy Analytics. Autrement dit, le finlandais a déjà perdu sa couronne mondiale sur le marché des portables en valeur.

Son alliance avec Microsoft ne convainc pas

Conscient de ses faiblesses dans les smartphones, Nokia a choisi en février de s’allier avec Microsoft pour faire du système d’exploitation Windows 7 la plateforme privilégiée pour ses appareils haut de gamme. Quitte à sacrifier pour cela ses systèmes maison complètement dépassés, Symbian et Meego. Le problème, c’est que Microsoft est lui-même en difficulté dans le domaine des smartphones. Le partenariat a donc été présenté comme celui de deux “perdants”. Pas de quoi enthousiasmer les investisseurs. Au soir de l’annonce, le titre Nokia avait d’ailleurs décroché de 14%.

Les smartphones de sa relance se font attendre

Les effets positifs potentiels de l’alliance ne sont pas attendus avant plusieurs mois. Pourtant, les deux partenaires essaient de mettre les bouchées doubles. La semaine dernière, Microsoft a même dévoilé une nouvelle version de son OS, baptisée Mango, en indiquant qu’elle pourrait équiper les premiers smartphones Nokia à l’automne. Mais ce “calendrier préliminaire” est jugé “pas assez” précis par un analyste qui regrette en plus de ne pas savoir “quelle est l’échelle des coûts, quel système d’ensemble ce sera et comment les consommateurs vont l’accepter”. Ces derniers ne se sont d’ailleurs pas rués sur les premiers téléphones Windows Phone 7 sortis sous d’autres marques : 1,3 million d’unités au premier trimestre selon Microsoft.

Même ses suppressions de postes font un flop

C’est un signe, Nokia a eu beau annoncer qu’il allait sabrer 7000 postes, afin de réduire ses coûts opérationnels de 1 milliard d’euros par an d’ici 2013, cette mesure d’économie vigoureuse n’a pas eu d’impact sensible sur son cours de bourse.

Son nouveau patron est déjà inaudible

Appelé en septembre dernier pour redresser l’entreprise, Stephen Elop, recruté chez Microsoft, n’a pas hésité à évoquer l’image d’une “plateforme en feu” pour décrire la situation du groupe et l’obliger à une vaste autocritique. Pourtant, lors de la dernière assemblée générale du groupe, il aurait donné l’impression aux actionnaires de n’avoir pas conscience de l’ampleur des difficultés. Pas sûr que cela soit vrai mais le divorce avec les actionnaires n’en est pas moins inquiétant. De même, le matraquage actuel de l’action ne semble pas s’appuyer sur des éléments fondamentalement nouveaux. Il traduit au moins pour une part l’impatience habituelle des marchés. Commentant au mois de février l’alliance passée avec Microsoft, Morgan Stanley estimait en effet à deux ans le temps nécessaire à la transition. En attendant, ajoutait la banque, le titre Nokia risque de continuer à chuter, de même que les parts de marché. CQFD.

Yves Adaken, L’Expansion.com

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content