L’iPhone 6S, plus cher et moins performant ?
Alors que le petit dernier d’Apple sort en Belgique ce vendredi, certains fustigent le médiocre rapport qualité/prix du smartphone le plus cher du marché. Si les avis divergent toutefois sur ce point, tous dénoncent les techniques d’Apple qui poussent à dépenser toujours plus.
Les aficionados de la marque à la pomme sont déjà dans les starting-blocks en Belgique pour se procurer, le plus rapidement possible, le nouveau joujou de la gamme iPhone, le 6S. Celui-ci sort ce 9 octobre chez nous, alors que les grands marchés comme les Etats-Unis, la France, l’Angleterre ou la Chine le vendent déjà. Apple a rapidement communiqué, de manière triomphale, sur les premières ventes : 13 millions d’appareils se seraient vendus en à peine trois jours. Mieux que tous les précédents iPhone, s’écrie Apple. Sauf que lors des précédentes sorties, l’iPhone n’avait pas débarqué dès le premier jour en Chine, ce qui fausse un peu la comparaison. Mais qu’importe, cela fait partie de la communication marketing.
Un marketing toujours bien ficelé que déploie la firme de Cupertino et qui suscite le désir chez les fans de technologie, prêts à débourser des fortunes pour s’offrir le précieux iPhone. Et le 6S ne déroge pas à la règle étonnante qui accompagne la sortie de chaque modèle : faire payer le consommateur toujours plus.
En France, où l’iPhone 6S est déjà commercialisé, il en coûte aux férus de technologie pas moins de 749 euros pour le téléphone 16 GB, sans l’abonnement. C’est 50 euros de plus que ce qu’il fallait débourser l’année passée pour acquérir l’iPhone 6 le moins cher. De quoi faire grincer quelques dents. Surtout qu’étrangement, sur papier, le dernier-né de la firme à la pomme n’afficherait pas les performances les plus poussées du marché. C’est ce qu’avance un comparatif mené par le site spécialisé français Meilleurmobile.com à la demande du magazine Capital. L’analyse compare l’iPhone 6S à quatre téléphones haut de gamme : le Samsung Galaxy S6, le LG G4, le Motorola X Style et le Sony Xperia Z3 Plus. Le résultat du comparatif est sans appel : “Les quatre téléphones concurrents sont de 23 à 41 % moins chers que l’iPhone, tout en étant meilleurs sur le plan technique”.
Moins performant ?
D’abord, le comparatif épingle la puissance de l’appareil. Le processeur de l’iPhone 6S n’intègre que deux coeurs. Alors que les autres téléphones du comparatif affichent au moins quatre coeurs, voire huit. L’analyse épingle également la résolution de l’écran qui est, sur papier, inférieure à celle des autres appareils comparés : 326 pixels contre 424 à 576 pixels. A l’ère de la haute définition, c’est forcément dérangeant. Au niveau de l’appareil photo, l’iPhone 6S ne semble pas non plus dépasser la concurrence. “Il n’intègre aucun stabilisateur optique d’image, par exemple, alerte Kévin Brun, social manager du site Meilleurmobile.com et auteur du comparatif. Il s’agit d’une fonctionnalité qui permet de réduire l’effet flou si l’appareil bouge légèrement quand on prend une photo. Pour un téléphone à plus de 700 euros, ne pas disposer de cette fonctionnalité de base est étonnant. Il faut monter sur la phablet 6S Plus, plus chère, pour bénéficier de cette technologie.” Enfin, MeilleurMobile.com pointe la faible autonomie de la batterie : 14 heures allumé… contre de 17 à 24 heures pour les autres appareils du comparatif. “Cela reste vraiment le gros point faible de l’iPhone, commente l’auteur de l’analyse qui, toutefois, prend quelques précautions. Il convient de souligner que la comparaison s’est faite sur base des caractéristiques théoriques telles qu’affichées sur papier par Apple et n’a donc pas été faite sur la base d’un test de l’iPhone 6S. Cela ne tient donc pas compte de certaines optimisations logicielles qui peuvent améliorer les performances. Mais dans l’ensemble, il est évident que l’iPhone n’est pas le meilleur rapport qualité/prix du marché.”.
Pas dans la pratique
D’autres études apportent un éclairage très différent. Ainsi, AnandTech constate après des tests pratiques que l’iPhone 6S offre la plus grande rapidité de surf du marché. Les experts de ce test soulignent, eux, qu’Apple a “parfaitement optimisé Safari et la puce dual-core (deux coeurs) au point d’établir de nouveaux records en mobile”. Seule la tablette pro de Microsoft serait plus puissante. Un exploit ! Le site français 01Net abonde en ce sens : “(grâce à) la nouvelle génération de puces, Apple A9, on observe, dans les meilleurs cas, une multiplication presque par deux des résultats obtenus en matière de performances”. Et une série de tests mettent en avant non pas une innovation révolutionnaire, mais bien les nombreuses “améliorations technologiques et les nouveautés”. Les fans d’Apple affichent en tête la technologie 3D touch qui détecte le niveau de pression que votre doigt exerce sur l’écran. Cela permet, par exemple de voir certains contenus sans devoir les ouvrir. Selon Apple le 3D touch “inaugure une toute nouvelle façon d’interagir avec votre téléphone”.
Reste qu’au-delà de la guerre des caractéristiques techniques, tout le monde s’accorde sur le génie d’Apple pour pousser le consommateur à l’achat. Le prix moyen de ses téléphones a augmenté de 60 dollars en un an. La recette ? Un marketing hyper bien ficelé qui a réussi à faire de l’iPhone un objet haut de gamme et donc de désir. Le smartphone, dégainé plusieurs centaines de fois par jour pour les plus mordus, est devenu un objet que l’on affiche et qui nous caractérise, voire qui nous catégorise. Il y a quelque temps, Horace Dediu, analyste et gourou techno, nous expliquait le phénomène Apple en plaçant la firme à la pomme dans la lignée des marques de luxe : “de la même manière que Gucci ou Louis Vuitton sont capables de vendre des sacs ou des vêtements très chers, Apple est capable de vendre des téléphones plus chers que les équivalents de la concurrence. Peut-être est-il temps de comprendre que le consommateur est prêt à payer plus pour certains produits qui offrent autre chose que simplement les fonctionnalités qu’ils proposent”. L’iPhone permettrait donc bel et bien de montrer son appartenance à une certaine “élite”. Et pour cela, il faut être prêt à accepter de se faire dicter le marketing et la loi d’Apple, et payer encore et toujours plus pour son appareil. Car Apple semble vouloir toujours afficher un prix plus élevé que la concurrence. La firme de Tim Cook a toujours positionné ses appareils sur du haut de gamme et, à l’inverse de son rival Samsung, n’a jamais diversifié son portefeuille de téléphones avec des appareils moyen ou bas de gamme. Et alors que la concurrence opérait des montées en gamme, “Apple a été obligé d’augmenter ses tarifs pour rester plus cher que la concurrence, remarque Kevin Brun. Etre moins cher qu’un appareil Samsung pourrait s’apparenter à un échec pour Apple”. Aussi, la firme à la pomme a mis au point une série d’astuces pour pousser le consommateur à puiser un peu plus dans son portefeuille.
6S Plus… comme “Plus cher”
Tout d’abord, en proposant la version grand format de son téléphone (le 6S Plus), Apple pousse de facto une partie du public à monter en gamme. “Quand une personne achète un iPhone, il y a une question d’image, analyse Kevin Brun. Or, pour montrer qu’on n’a pas un iPhone de base, doper la mémoire ne suffit pas car la capacité de celle-ci ne se voit pas. On doit donc passer à un appareil de taille supérieure pour que cette montée en gamme soit perceptible de l’extérieur.” Et bien sûr, le prix augmente en même temps que les dimensions : le moins cher de la gamme des 6S Plus est à 849 euros pour une version 16 GB. La différence de prix se justifie néanmoins. L’expert de Meilleurmobile.com précise qu’entre un modèle d’iPhone classique et la phablet d’Apple, “il y a une grosse différence technique : la dalle de l’écran est plus grande et il faut augmenter la puissance du processeur et la taille de la batterie. La différence de prix s’explique donc bel et bien”. Mais une fois le pas franchi entre l’iPhone 6S et 6S Plus, on en revient à un nouveau choix : celui de l’espace de stockage. Car la base de 16 GB se révèle rapidement trop faible.
Il faut bien comprendre que la mémoire est l’élément principal sur lequel joue Apple pour faire grimper la note. A l’inverse de la plupart des concurrents, Apple ne permet pas d’utiliser une carte mémoire amovible avec son iPhone. Le consommateur doit donc, dès l’achat, décider de la mémoire définitive qu’embarquera son smartphone. L’iPhone de base est proposé avec 16 GB de mémoire. Ce qui se révèle rapidement trop peu à l’heure actuelle. Surtout quand on sait que sur le dernier-né d’Apple, la caméra filme en 4K, ce qui ne permet pas de filmer plus de 20 minutes avec une mémoire de 16GB (ou de changer manuellement la résolution de l’enregistrement). “De la sorte, Apple force à prendre un 64 GB, puisque la capacité de 32 GB n’est plus proposée”, fait remarquer Kevin Brun. Or, Apple vend son extension de mémoire à prix d’or. Passer d’un 6S 16GB à un iPhone 6S 64 GB vous coûtera 110 euros ! “Apple a construit ses prix de sorte à jouer sur le doute du consommateur qui, prêt à débourser plusieurs centaines d’euros pour son téléphone ne regarde pas toujours à quelques dizaines d’euros de plus, analyse un observateur. A ce niveau de prix, l’acheteur veut être sûr de ne pas faire de mauvais choix et peut facilement être tenté de dépenser un peu plus pour être rassuré.” A regarder la grille tarifaire de l’iPhone 6S, on constate que la marque à la pomme a savamment défini ses prix pour inciter le client à monter progressivement d’un palier. Mais pour certains, acheter un appareil Apple serait aussi une forme d’investissement. “C’est un argument fort en faveur de l’iPhone, avance Kevin Brun. L’iPhone n’enregistre pas de décote. Alors qu’un téléphone Android perd 30 % de sa valeur après six mois, ce n’est pas le cas pour les téléphones d’Apple qui conservent une très bonne valeur de revente même lorsqu’une nouvelle génération sort.”
Bien sûr, cette stratégie est gagnante pour Apple qui aspire toujours l’essentiel de la valeur du marché mondial des smartphones. Selon Canaccord Genuity, avec 20 % de parts de marché environ, la marque à la pomme s’accaparerait 92 % des profits générés par le secteur. Rien de moins. En chiffres, cela donne 49,6 milliards de dollars de revenus sur le seul trimestre achevé en juillet, pour 10,7 milliards de bénéfices.
Comment Apple vous fait dépenser plus:
– Un premier prix toujours plus élevé.
– Prix scrupuleusement définis pour guider le choix du consommateur vers des tarifs plus élevés.
– Suppression de certaines capacités de mémoire intermédiaire.
– Pas de possibilité d’ajouter de carte pour augmenter la mémoire.
– Jamais de promotion sur ses téléphones.
– Une version phablet pour pousser le client à monter en gamme.
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