Niky Terzakis (Air Belgium) : “On n’en serait pas là si notre compagnie avait été basée à Liège plutôt que Charleroi”

Air Belgium - BELGA PHOTO LAURIE DIEFFEMBACQ
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Une semaine après le feu vert de la justice au transfert de l’activité d’Air Belgium vers un repreneur, le CEO de la compagnie aérienne tire le bilan de ces dernières années. “Je n’ai aucun regret et je pense qu’on a bien fait”, analyse vendredi Niky Terzakis, à la fois fier du parcours accompli et frustré et blessé par les fausses informations qu’il a pu lire et le manque de soutien de certains de ses actionnaires dans les moments difficiles.

La semaine dernière, le tribunal de l’entreprise de Nivelles a approuvé les conditions de reprise du transporteur – pour les seules activités cargo (et non les passagers) – par un consortium de deux sociétés: une néerlandaise, PESO Aviation Management, et une autre britannique, Air One Holding International. Cette dernière affirme gérer la cinquième plus grande flotte cargo d’avions gros porteurs au monde.

La nouvelle structure, appelée Air One Belgium et dont le siège social restera à Mont-Saint-Guibert (Brabant wallon), ne conservera que 197 des 401 collaborateurs actuels (pilotes compris) de la compagnie. Les 204 autres n’ont plus de place “à court terme” dans le nouveau projet.

Après une période de 16 à 18 mois à “devoir ronger son frein sans pouvoir communiquer” tout en lisant des choses qui l’ont blessé, le patron d’Air Belgium a tenu à s’exprimer.

Critiques contre la presse

Il fulmine tout d’abord face aux articles de presse évoquant parfois de fausses informations et qui ont eu un impact direct et significatif sur le chiffre d’affaires de la compagnie. “Un impact qui n’a ensuite été résorbé que bien plus tard…”

La fin d’Air Belgium dans sa forme actuelle, le CEO la vit “comme un échec”, qu’il a du mal à accepter. “Nous avions les clients et la capacité de nous développer…”

Mais les obstacles se sont accumulés sur la route de son entreprise, rappelle-t-il: partenaire chinois défaillant pour la 1ère route lancée, vers Hong Kong; pandémie de coronavirus avec des reprises très partielles et conditionnées des voyages en avion alors que l’entreprise devenait justement rentable; pas d’aide d’Etat de plusieurs centaines de millions d’euros comme d’autres compagnies; guerre en Ukraine et impact sur le prix de l’énergie et sur les routes à emprunter avec la fin du survol de la Russie.

Pas de regrets

Niky Terzakis ne regrette pas de s’être associé à des Chinois, ce que certains lui ont reproché ces derniers temps. “C’est le premier marché mondial”, soutient-il. “Et je signale que Cargolux (entreprise cargo luxembourgeoise, NDLR) a également été sauvée par de l’argent chinois…”

“Est-ce que je changerais donc quelque chose?”, enchaîne le CEO. “J’agirais de la même manière. Avec les mêmes actionnaires et partenaires? Non”, répond-il. “Mais le personnel a par contre été et reste extraordinaire. Je lui dois énormément, lui qui subit la situation actuelle avec beaucoup de dignité.”

Le dirigeant se dit “fier” d’avoir démontré qu'”il y avait un marché, qu’il y avait de la place pour une nouvelle compagnie passagers belge, avec son savoir-faire bien belge”. Il pointe également la diversification des activités dont a réussi à faire preuve l’entreprise en se lançant dans le cargo durant la pandémie de Covid-19, “pendant que d’autres restaient au sol et prenaient l’argent”.

Il ne regrette pas non plus la stratégie régionale d’Air Belgium à ses débuts, elle qui volait dans un premier temps depuis l’aéroport de Charleroi vers Hong Kong puis les Antilles françaises. C’était un endroit “idéal” pour certains marchés. Brussels Airport, où le transporteur s’est ensuite basé, l’était pour d’autres, estime-t-il.

Critiques contre Wallonie Entreprendre

L’un des actionnaires historiques de la compagnie était la Société régionale d’investissement de Wallonie (SRIW), devenue entretemps Wallonie Entreprendre. Le bras financier de la Région wallonne avait imposé que l’entreprise opère au départ d’un aéroport wallon pour y investir. “Il fallait donc que l’on vole en Wallonie alors qu’il n’y avait aucune logique de marché”, résume Niky Terzakis, déplorant la façon “indécente” dont il a été mis au pilori par l’aéroport de Charleroi après l’avoir quitté. Il se dit en outre convaincu qu’Air Belgium “n’en serait pas là si elle avait été basée à Liège, avec 500 emplois à la clé”.

Le soutien de certains actionnaires aurait pu être nettement meilleur, estime-t-il. “Les actionnaires wallons ne voient que l’intérêt de la Wallonie, et c’est quelque part un peu logique. Mais ce n’était pas une compagnie que pour les Wallons. Je pense que, dès le départ, il n’y a pas eu une grande volonté de pousser l’entreprise.”

A l’entendre, la Belgique a beaucoup d’atouts à faire valoir en matière d’aéronautique. “Mais son handicap, ce sont donc les guerres de clochers”, assène le CEO, rappelant aussi les nombreuses critiques venues du nord du pays pour une société opérant au départ depuis la Wallonie. “On est nulle part en matière d’esprit belge par rapport à l’industrie nationale”, développe-t-il. Selon lui, aucun investisseur belge ne s’est manifesté auprès d’Air Belgium durant la période chahutée qui vient de se terminer tandis que certains acceptent par contre d’investir dans des acteurs ou entreprises du secteur étrangers.

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