La guerre des antivirus informatiques

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Symantec domine le marché des logiciels de sécurité depuis près de 30 ans. Mais une jeune pousse russe, Kaspersky, bouscule désormais la suprématie du “leader” nord-américain.

Kaspersky

l Quatrième éditeur mondial d’antivirus

l Date de création : 1997

l Chiffre d’affaires 2008 de l’activité logiciels : 360 millions de dollars

l Répartition des ventes : 65 % grand public, 35 % entreprises

l Présence internationale : 27 pays

l Nombre de salariés : 1.700

Symantec

l Premier éditeur mondial d’antivirus

l Date de création : 1982

l Chiffre d’affaires 2008 de l’activité logiciels : 5,7 milliards de dollars

l Répartition des ventes : 30 % grand public, 70 % entreprises

l Présence internationale : 40 pays

l Nombre de salariés : 18.000

Il est encore des secteurs où la domination américaine impose le respect. En matière de logiciels de sécurité informatique, par exemple. Le leader, l’américain Symantec, détient 43 % du marché mondial, loin devant ses deux principaux challengers, l’américain McAfee et le japonais Trend Micro. Car l’éditeur du logiciel Norton domine le secteur de la tête et des épaules. Contrairement à ses concurrents, il est bien implanté sur tous les continents, sur le marché grand public comme chez les professionnels, si bien qu’il est difficile de voir qui pourrait le faire chuter de son piédestal.

Depuis quelques années, cependant, Kaspersky, un éditeur russe qui porte le nom de son fondateur et P.D.G. – un expert en cryptographie qui a fait ses armes dans un labo de l’Armée rouge -, ne cache pas son ambition : faire jeu égal avec la multinationale américaine, et même la détrôner. L’entreprise ne dépasse pas les 5 % de part de marché, selon les données du cabinet Gartner, mais affiche des taux de croissance à la soviétique : entre 2007 et 2008, Kaspersky a presque triplé son chiffre d’affaires. Le russe est désormais n°4 mondial.

1 Expertise en matière de détection virale avantage Kaspersky

Il y a quelques semaines, des étudiants de l’Ecole supérieure d’informatique, électronique, automatique de Laval (France) ont fait subir un traitement de choc aux principales suites de sécurité du marché. Les meilleures n’ont pas résisté plus d’une vingtaine de minutes. Plusieurs éditeurs, Kaspersky en tête, ont vertement critiqué la méthodologie utilisée. Les produits de l’entreprise moscovite, vendus autour de 70 euros, n’étaient pourtant pas parmi les plus vulnérables, mais toute remise en cause technique est un casus belli pour Kaspersky. “Il y a en Russie de très bonnes filières de formation en mathématiques et en informatique. Cela fait partie de l’héritage de la période soviétique”, aime à répéter Evgueni Kasperski, le père fondateur, en soulignant que son entreprise investit “près du tiers de son chiffre d’affaires en recherche et développement”. De son côté, Symantec investit 15 % de ses revenus – beaucoup plus importants – en R&D. La stratégie du russe lui a cependant permis de se forger une solide réputation en matière de détection virale.

2 Dynamismeentrepreneurial avantage Kaspersky

“Quand on est leader, comme Symantec, le premier objectif n’est pas de gagner des parts de marché, mais de garder sa place”, note Ruggero Contu, analyste du cabinet Gartner. Or la branche grand public de l’éditeur américain a été bousculée ces dernières années. Les versions 2005-2006 de la suite Norton ont essuyé pas mal de critiques, le produit phare de Symantec ralentissant les machines sur lesquelles il était installé. Le concurrent russe a surfé sur la vague de mécontentement pour grappiller des parts de marché. Kaspersky s’est également bien positionné en matière de prix et s’appuie sur les revendeurs locaux pour doper ses ventes. Signe de cette réussite : il est passé de moins de 200 salariés au début des années 2000 à 1.700 aujourd’hui. L’an dernier, il a intégré le Top 100 des entreprises de logiciels établi par l’organisation indépendante Top 100 Research Foundation, atteignant la quatrième position pour les antivirus. Symantec, n°4 dans le logiciel et leader des antivirus, est encore loin devant, mais la menace se précise : l’entreprise moscovite a été classée deuxième société de logiciels à plus forte croissance, juste derrière Google.

3 Force de frappe commerciale avantage Symantec

Pour le moment, Kaspersky a réussi à s’implanter en Europe, où il réalise 45 % de ses ventes. Dans certains pays, comme la France et l’Allemagne, il est au coude à coude avec Symantec sur le marché grand public. Si le russe commence à faire parler de lui aux Etats-Unis, où il est présent depuis 2006, il doit encore gagner la confiance des consommateurs dans la zone Asie-Pacifique. De son côté, Symantec est bien implanté dans plus de 40 pays dans le monde, notamment grâce à des partenariats avec les grands du PC, comme Asus, Dell, HP ou Lenovo : les machines sont équipées en série d’une version d’essai gratuite de Norton. Pour rivaliser, Kaspersky a créé des directions régionales pour coordonner l’action de ses 27 bureaux locaux. L’éditeur russe a aussi recruté des cadres aguerris afin d’améliorer son marketing, sa distribution, et ses services aux clients. Un travail de structuration déjà mené par Symantec depuis longtemps.

4 Présence sur le marchéprofessionnel avantage Symantec

Leader sur le marché grand public, Symantec l’est aussi dans le monde de l’entreprise, avec une part de marché de près de 32 % en 2008, contre moins de 3 % pour Kaspersky. La firme américaine, qui tire les deux tiers de ses revenus de son activité business to business (B2B), a des contrats avec de nombreux grands comptes. Ce n’est pas le cas de l’éditeur russe, qui a concentré ses efforts sur les PME et ne réalise qu’un tiers de ses ventes sur le marché professionnel. Cependant, Kaspersky a créé il y a deux ans un département B2B et propose un contrat de niveau de service applicable dans le monde entier, condition sine qua non pour espérer remporter de gros marchés. Kaspersky a aussi prévu d’élargir son champ d’activité, à l’instar de ce que fait Symantec. L’éditeur américain propose une panoplie de services aux entreprises : des suites de sécurité pour protéger les postes de travail, bien sûr, mais aussi des solutions de contrôle d’accès, de sauvegarde des données, etc. “C’est un atout indéniable, note Jonathan Penn, analyste pour le cabinet Forrester Research, d’autant que les entreprises ont de plus en plus tendance à réduire le nombre de leurs fournisseurs.”

5 Diversificationdes activités avantage Symantec

Les menaces cybercriminelles sont en pleine expansion. De quoi ravir les éditeurs de solutions de sécurité. Mais l’expansion des antivirus gratuits, qui représentent près de 40 % du marché, les inquiète. Kaspersky, ayant fondé tout son développement sur la détection virale, prend la menace très au sérieux. Pour continuer son expansion, l’entreprise russe doit trouver des relais de croissance. Elle table notamment sur le développement de solutions de sécurité pour les smartphones et les terminaux nomades. Symantec, de son côté, a anticipé la menace en investissant massivement dans des activités de services, de manière à diversifier ses revenus. Le leader américain a acheté en 2005 Veritas, n°1 des solutions de stockage de données pour les entreprises. Deux ans plus tard, il a récidivé en annexant Altiris, spécialiste de la gestion des ressources informatiques.

Nicolas Reynaud

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