La “guerre” de Trump contre les géants de la tech inquiète… même les conservateurs

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La guerre larvée de Donald Trump contre la Silicon Valley suscite des inquiétudes jusque dans les rangs conservateurs, qui craignent de voir les motivations politiques du président américain menacer la sacro-sainte liberté d’expression.

Si le locataire de la Maison-Blanche n’a jamais caché sa défiance vis-à-vis des groupes technologiques –qui ont pour beaucoup historiquement plutôt affiché des sympathies démocrates– il a récemment multiplié ses attaques, notamment en accusant Google de censurer les voix conservatrices et de favoriser les articles provenant de médias classés à gauche, dans ses résultats de recherche.

Au détour d’un tweet, il a aussi conseillé au géant de Mountain View mais aussi à Facebook ou Twitter, d’être “prudents”…

Illustration concrète: des dirigeants de Facebook et Twitter ont dû s’expliquer longuement la semaine dernière devant le Congrès, notamment sur ce sujet. Google a refusé de participer à ces auditions.

Et le même jour, le ministère de la Justice annonçait son intention de regarder de près si les géants technologiques étouffaient la liberté d’expression et étaient néfastes pour la concurrence.

Face à ces menaces, les entreprises technologiques ne sont pas seules à s’inquiéter: beaucoup de conservateurs s’alarment eux aussi de voir attaqué l’un des secteurs les plus florissants du pays pour des raisons politiques.

Idiot

Ainsi John Samples, vice-président du think tank libertarien (idéologie défendant une conception minimaliste du rôle de l’Etat, au profit de la liberté individuelle) Cato Institute, estime que l’administration Trump interprète mal la notion de liberté d’expression telle que garantie par le Premier amendement à la Constitution.

“Un gouvernement qui harcèle des entreprises privées enfreint la notion de liberté d’expression. Évidemment, le fait que le ministère de la Justice enquête sur ces entreprises ressemble fort à une menace contre (leur) liberté”, explique-t-il.

Quant au Free State Foundation, un think tank qui prône la dérégulation, il souligne le danger qu’il y aurait à voir le gouvernement réguler les algorithmes, comme ceux utilisés par Google.

“Comme les résultats de recherche peuvent être facilement manipulés par ceux qui conçoivent les algorithmes, ce serait idiot de prendre le risque de laisser le gouvernement les contrôler. La tentation pour (ce dernier) d’abuser de son pouvoir pour favoriser ses idées –sa version toute personnelle de ce qui est +pertinent+– est évidente”, écrit son président Randolph May dans une tribune dans le journal conservateur Washington Times.

Antitrust

Mais Donald Trump et son administration disposent d’un autre moyen pour s’attaquer aux géants technologiques, sans avoir l’air de le faire pour des raisons politiques: la législation anti-monopole.

Vu leur taille, il est compréhensible que les autorités de la concurrence s’intéressent de près à ces groupes, explique Eric Goldman, spécialiste du droit dans le secteur technologique à l’Université de Santa Clara, en Californie (ouest).

“Mais ce pourrait être le premier signe d’une vaste tentative du gouvernement de détourner le Premier amendement sous couvert de lutte anti-monopole”, prévient-il.

“Les loi antitrust existent pour le bien des consommateurs américains, pas pour servir les intérêts politiques des gouvernants”, lance David Barnes, du groupe conservateur Americans for Prosperity, créés par les milliardaires David et Charles Koch.

“Le ministère de la Justice ne devrait pas user de son autorité pour choisir de façon subjective les gagnants et les perdants dans le secteur technologique ou pour contrôler la libre expression”, ajoute-t-il.

Dans un autre secteur, ces soupçons de motivation politique ont d’ailleurs largement plané sur le procès antitrust autour de la fusion entre l’opérateur télécoms AT&T et le groupe de médias et divertissement Time Warner, qui s’est déroulé au printemps. Donald Trump a été soupçonné d’avoir poussé les autorités de la concurrence à tenter de bloquer la fusion en justice et ainsi punir Time Warner, propriétaire de CNN, une des bêtes noires du président républicain.

Le juge avait finalement donné son feu vert à l’opération mais le ministère a fait appel.

Autre source d’inquiétude: le régulateur américain du commerce (FTC), qui partage avec le ministère de la Justice le rôle d’autorité de la concurrence, a annoncé en août qu’il allait se lancer dans l’examen de toutes les façons d’appliquer la réglementation antitrust aux groupes “tech”.

Dans le viseur notamment, la notion de “bien du consommateur”, qui suppose peu ou prou que les entreprises ne sont pas poursuivies pour pratiques anticoncurrentielles tant que le consommateur n’est pas lésé.

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