Les entrepreneurs seraient plus sujets aux maladies mentales
Dépression, bipolarité, hyperactivité : d’après une équipe de chercheurs américains, les entrepreneurs seraient plus touchés par ces troubles que le reste de la population. Explications.
A l’origine de l’étude, il y a un certain Michael A. Freeman. Professeur à l’université de Californie de San Francisco, il a longtemps côtoyé des entrepreneurs. Pendant dix ans, il a ainsi travaillé avec eux, les a coachés. À l’époque, il se plaît à faire quelques petites estimations, et soupçonne qu’un tiers de ces hommes et femmes souffriraient de troubles mentaux. Il y a peu, il a décidé de vérifier cette hypothèse, avec l’aide d’un professeur en psychologie de Berkeley, Sheri Johnson.
49% des entrepreneurs souffriraient de troubles mentaux
En effet, Michael A. Freeman constate qu'”alors qu’on en sait beaucoup sur les traits de personnalités des entrepreneurs à succès, on en sait peu sur les caractéristiques de santé mentale qui peuvent être associés aux succès ou échecs de l’entreprenariat“. Épaulé par son acolyte, il décide de former deux groupes d’étude. Le premier est composé de 242 entrepreneurs, d’âges et origines sociales et ethniques différentes. Le second, servant de “groupe témoin” comporte 93 élèves d’universités, qui se sont portés volontaires. Tous ont dû répondre à une enquête, sur leurs propres troubles mentaux, et ceux dont souffrent éventuellement leurs proches.
Les résultats sont pour le moins édifiants. Parmi les entrepreneurs, 72% se disent directement ou indirectement affectés par de tels troubles, contre 48% chez le groupe témoin. D’abord, ils sont plus nombreux à en souffrir eux-mêmes : 49%, alors que les étudiants ne sont que 32%. Ils auraient aussi une tendance à l’accumulation de ces pathologies. Presque un tiers d’entre eux dit ainsi avoir au moins deux troubles différents, 18% au moins trois troubles, parmi lesquels on trouve l’hyperactivité, la dépression, la prise de substances, l’anxiété.
Ensuite, les chercheurs ont aussi remarqué que les proches au premier degré des entrepreneurs étaient aussi plus sujets à de tels symptômes. 24% ont une famille asymptomatique, alors qu’ils sont 51% chez le groupe témoin. Parmi les entrepreneurs qui se disent sans trouble mental, la moitié s’identifie comme venant d’une famille avec des problèmes de ce type.
Seul un trouble semble à l’abri de cette différenciation, c’est l’anxiété, qui affiche des scores presque similaires entre les deux échantillons.
Un trouble mental peut rendre un entrepreneur meilleur
Si ces chiffres sont intéressants d’après Freeman, c’est que l’on pourrait en retirer quelques enseignements essentiels. D’un point de vue pratique d’abord. D’après le chercheur, cela montre que les pays qui souhaitent favoriser le développement économique et l’innovation doivent impérativement se doter de structures de santé adéquates, c’est-à-dire au service des entrepreneurs.
Les résultats de son étude ont aussi amené le professeur à une conclusion plus étonnante. D’après lui, avoir un trouble mental n’est non seulement pas incompatible avec le fait de créer et gérer une entreprise, mais cela pourrait même lui être bénéfique. Il l’explique par le fait que ces “faiblesses” s’accompagnent toujours de forces que les personnes “en bonne santé” n’auraient pas. Par exemple, la dépression conduirait celui qui en souffre à développer une empathie qui permet de mieux comprendre les besoins du client, et une créativité, indispensable à l’avènement d’une start-up. Ceux qui sont en proie à des troubles de l’attention seraient plus indépendants, plus créatifs, et prendraient des décisions plus vite. Ils seraient poussés vers l’entreprenariat grâce au fait qu’ils n’aiment pas travailler pour quelqu’un d’autre. Pour les bipolaires, cela viendrait du fait d’une prise de risque accrue. De quoi booster la création d’entreprise… et d’emplois.
Il convient toutefois de relativiser l’étude, qui n’a été conduite que sur un échantillon relativement restreint. Le chercheur alerte aussi lui-même sur le fait que les résultats obtenus dans le groupe témoin pourraient avoir été influencés par le fait que seuls des étudiants en grandes écoles ont été interrogés.
Perrine Signoret
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