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“L’ouverture de la nouvelle usine Umicore en Pologne illustre crûment les faiblesses de notre économie”

Parfois en économie, le choc des événements est révélateur. Comme si la main d’Adam Smith, tout à coup visible, traçait sur le sol un message à méditer.

Umicore, le leader belge des ” matériaux avancés “, va construire sa nouvelle usine de batteries en Pologne. Parallèlement, Cainiao, la filiale logistique du géant chinois du commerce en ligne Alibaba, est sur le point de développer à proximité de l’aéroport de Bierset un grand centre logistique destiné à couvrir une bonne partie de l’Europe.

De ” bons emplois ” qui s’installent dans des pays à salaires moins élevés. Des emplois à pauvre valeur ajoutée qui sont créés chez nous. Cela semble résumer la malédiction de nos vieilles économies : il se crée encore des emplois, certes, mais ils sont déclassés par rapport à ce que nous avions connu auparavant. L’investissement liégeois d’Alibaba n’est en effet pas un gage de prospérité pour l’avenir. Troquer des usines de pointe et les emplois de techniciens qualifiés qui les accompagnent contre des entrepôts et les emplois de manutentionnaires qu’ils supposent ne permet pas de prédire un taux de croissance mirobolant, ni le développement d’une classe moyenne rayonnante.

Pour peu, nous devrions encore nous réjouir de voir que des investisseurs étrangers s’intéressent toujours à notre pays ! Car en ces temps de guerres commerciales, comme l’indique le dernier rapport sur les investissements mondiaux de la Cnuced, la croissance des flux d’investissements transfrontières est aujourd’hui bien en deçà de la moyenne de ces 10 dernières années. La faute à la politique fiscale des Etats-Unis qui incite les multinationales américaines à rapatrier leur pactole au pays, et au détestable climat de guerre commerciale déclenché par Donald Trump depuis le début de l’année.

Il se crée encore des emplois, certes, mais ils sont déclassés par rapport à ce que nous avions connu auparavant. L’investissement liégeois d’Alibaba n’est en effet pas un gage de prospérité pour l’avenir.

Dans ce contexte compliqué, si Umicore décide de créer une usine en Pologne plutôt qu’à Anvers, offrant de l’emploi à 400 personnes, c’est pour de bonnes raisons. On en citera trois. Primo, Umicore va suivre ses clients qui se trouvent en partie en Europe de l’Est. Secundo, les coûts de la main-d’oeuvre et de l’énergie sont moins chers là-bas. Tertio, il n’y a pas, en Pologne, de pénurie de techniciens et d’ouvriers qualifiés.

Umicore illustre ainsi, crûment, les faiblesses de notre économie : inadéquation de la formation (avec comme corollaire un nombre important d’emplois non pourvus en raison d’un manque de qualification), coût de l’énergie au-dessus de la moyenne, problèmes de transport et de mobilité qui deviennent rédhibitoires, fiscalité incertaine et complexe… Les handicaps belges sont connus et ne se résument pas uniquement à la hauteur du coût salarial. Et ces faiblesses font mal. Selon l’OCDE, cette année et l’an prochain, l’activité progressera de 1,7 % dans notre pays, ce qui est en dessous de la moyenne de la zone euro.

Mais ” no whining “, pas de jérémiades, comme il est écrit sur la porte du bureau du pape François quand il reçoit ses visiteurs. Car on dit aussi que Thunder Power, le Tesla taïwanais, lorgne l’ancien site de Caterpillar Gosselies pour y implanter son usine d’assemblage de voitures électriques, dont les modèles partiraient à l’assaut de l’Europe dans deux ans. L’Europe, la Belgique, la Wallonie ne sont pas condamnées à voir une grande partie de leur jeunesse travailler pour Uber, Deliveroo ou Amazon à des salaires minima.

Toutefois, dans le contexte de concurrence exacerbée entre pays pour attirer les investissements porteurs de valeur ajoutée, il ne suffit plus d’être un élève moyen. Il faut exceller. Et dès lors, si la Wallonie, comme on l’a appris, préserve la manne européenne des fonds structurels pour ces sept prochaines années, il vaudrait mieux l’investir pour améliorer ses infrastructures et son enseignement plutôt que pour rénover à grands frais une grand-place ici ou un pan de rempart là-bas. No whining. No miracle. Dans le monde économique, il n’y a de place ni pour les jérémiades, ni pour les miracles.

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