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De nouvelles géographies fiscales

Un par un, les économistes se rangent à l’idée que la crise financière n’a pas exclusivement déclenché la crise économique, mais que l’économie mondiale vit un grave changement de modèle.

Un par un, les économistes se rangent à l’idée que la crise financière n’a pas exclusivement déclenché la crise économique, mais que l’économie mondiale vit un grave changement de modèle. Après une décennie d’expansion économique globalisée, l’Europe traverse un profond retournement de cycle. C’est la fin de ce que les économistes appellent la période NICE (No Inflation, Continuous Expansion).

Par une création de monnaie outrancière et une gestion de crédit peu soigneuse, le secteur financier a conduit à des excès d’endettement. Mais les Etats en ont d’ailleurs aussi bénéficié en se refinançant à long terme et bon compte. En Belgique, par exemple, une grande partie de la baisse de l’endettement, par rapport au PIB, a été obtenue grâce à des taux d’intérêt peu élevés.

Les déséquilibres inhérents à nos économies sont révélés. Mais il y a plus. Cette crise sera un test d’aptitude pour la monnaie unique. Il faudra, en effet, démontrer qu’une monnaie forte d’Etats endettés survivra aux dévaluations concurrentielles du dollar et de certaines devises asiatiques. Plus fondamentalement, il faudra réconcilier une ambiguïté : l’euro est un choix d’économie de marché alors que le poids des Etats augmente, notamment dans le domaine de l’octroi du crédit… c’est-à-dire de la création de monnaie.

Deux défis à surmonter en Belgique

Pour la Belgique, les événements prennent une tournure dramatique, car la rente de richesse du pays a non seulement été consommée : elle a été empruntée. Construite sur l’essor et l’espoir du baby-boom, l’économie déchante sous le poids de ses charges de pensions. L’entrée dans la mondialisation avait été heureuse. Bien candidement, profitant de quelques années euphoriques, le Royaume croyait échapper à la confrontation avec l’économie de marché, mais c’est raté. La Belgique la percute de manière frontale. La prospérité des générations suivantes en est incertaine. Il ne faut pas s’en étonner : les systèmes sociaux ont été bâtis sur une forte croissante et une démographie positive. Ils s’écroulent sous la crise et le vieillissement de la population.

Les pouvoirs publics vont donc devoir surmonter deux défis : la résorption des déficits et la formulation d’un nouveau modèle de croissance. C’est une équation très complexe. Le dernier rapport du Conseil Supérieur des Finances en est d’ailleurs ahurissant, menaçant les finances publiques de “spirale explosive” et d’effet “boule de neige”, car le niveau, extrêmement bas, des taux d’intérêt allège artificiellement le service de la dette.

Faute de pouvoir diminuer les dépenses de l’Etat eu égard aux orientations keynésiennes de notre économie, c’est donc l’impôt et/ou l’inflation qui vont servir à corriger les déficits et à résorber l’endettement public, Et, en fait, ce sera d’abord l’impôt en espérant l’inflation. Le niveau d’endettement existant et prévisible (charges de pensions et de sécurité sociale) rend l’équation presque insoluble. Il faudrait plusieurs générations de surplus primaire pour absorber ces dettes, ce qui rend la piste exclusive de l’impôt hasardeuse.

Fiscalité de la consommation

Que penser, dès lors, du budget 2010 ? C’est un budget de convenance car le véritable ajustement se situe probablement en 2012. Les orientations actuelles relèvent donc d’une gestion de précaution car l’Etat fédéral dispose de marges de man£uvre quasiment nulles. A court terme, il ne faut pas que l’impôt contrarie les stabilisateurs automatiques. Une hausse de la pression fiscale sur les personnes physiques n’est, par exemple, pas souhaitable alors qu’il faut relancer la demande. Une augmentation de l’impôt des sociétés serait, elle aussi, maladroite, dès lors que notre pays doit attirer des entreprises étrangères afin de valoriser son rôle d’économie de transit et ouverte.

Une tendance semble néanmoins se dessiner : c’est la mise en £uvre progressive d’une fiscalité de la consommation (notamment verte) plutôt que des revenus. Les impôts à large assiette, tels les impôts de consommation, permettent une collecte efficace. Un bon exemple de cette tendance est la fiscalité verte et sur l’énergie. Cet impôt est d’ailleurs peu douloureux avec des cours du pétrole et du dollar bas.

Mais il y a un autre intérêt essentiel à taxer la consommation : s’il y a des poussées d’inflation, cela va immédiatement se répercuter sur les prix à la consommation, et donc sur les impôts. Mieux et plus rapidement qu’un prélèvement fiscal sur le revenu, un impôt sur la consommation permet de capturer la taxation de l’inflation. Ne dit-on d’ailleurs pas que l’inflation est un impôt sans barème ?

En résumé, il est intuitif que l’endettement public va, à terme, conduire à des poussées d’inflation. Ce sera donc dans ces directions que l’Etat cherchera ses voies fiscales. Cela pourrait conduire à des impôts accrus sur la consommation et à la désindexation de certains barèmes. C’est à ce niveau que les véritables problèmes de justice sociale se poseront. En effet, l’impôt de consommation, d’autant plus s’il est porté par l’inflation, est un impôt socialement régressif, puisqu’il frappe plus durement les faibles revenus. Il conviendra donc que les pouvoirs publics effectuent des arbitrages politiques.

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