À quoi ressemblera la banque du futur ?

image d'illustration © Getty Images/iStockphoto

Nouveaux acteurs, nouvelles technologies, nouveaux métiers… La digitalisation de l’économie n’en finit plus de bousculer la “banque de papa”. Après les crises de 2008 et 2011, le déluge de réglementations et les plans d’économie, l’heure est maintenant à la transformation en profondeur des “business models”.

Taux bas qui pèsent sur les marges, révolution digitale qui accélère la baisse de fréquentation des agences, comportement du client qui change extrêmement vite,challengers qui viennent contester leur monopole, poids des réglementations qui ne cesse d’augmenter, ouverture du marché des paiements, gestion et protection des données, essor de l’intelligence artificielle et des robots…Les facteurs qui conduisent les banques à repenser leur modèle ne manquent pas en cette fin d’année 2017.

Non seulement la faiblesse des taux d’intérêt met le coeur de métier sous pression (marge issue de la transformation des dépôts en crédits), mais d’autres poches de rentabilité sont également menacées (paiements, conseil en investissement, etc.). Par les fintechs, bien sûr, ces start-up qui allient technologie et finance pour proposer des services innovants ; par les géants de la Silicon Valley, les fameux Gafa (Google, Apple, Facebook et Amazon) ; par des opérateurs télécoms comme Orange en France ; etc. Quant aux clients, ils poussent les banques à s’ouvrir pour intégrer le mouvement.

Le modèle de plateforme numérique

” Le comportement des consommateurs a en effet évolué rapidement au cours des dernières années, principalement en raison de la percée du smartphone et de la technologie numérique, situe Olivier de Groote, partner et financial services industry leader chez Deloitte Belgique. Dans tous les secteurs apparaissent des plateformes numériques et des nouveaux écosystèmes (groupes d’acteurs qui se retrouvent autour d’une thématique commune utilisant les nouvelles technologies, Ndlr). Les clients sont servis de manière conviviale, rapide et à moindre coût. Les institutions financières réfléchissent au rôle qu’elles veulent jouer dans ce nouveau monde, avec quels produits et services, et avec quels partenaires, et c’est une bonne chose. ”

Les banques sont bien placées pour continuer à jouer un rôle de premier plan car, 10 ans après la crise financière, les clients ont à nouveau confiance en elles.

La tendance est là, en effet. Bien là. La transformation digitale va désormais beaucoup plus loin que la simple version numérique des services existants. Le smartphone devient une vraie agence bancaire et révolutionne complètement l’approche des banques qui pendant des décennies se sont contentées de proposer des produits et des services de manière unilatérale au client (un compte d’épargne, un crédit-logement, une assurance, etc.). ” Les écosystèmes deviennent la norme, poursuit Olivier de Groote. C’est clairement une nouvelle donne pour les banques. Dans une économie toujours plus ouverte, de plus en plus connectée et alimentée par les données, chaque banque devra trouver sa place. De quel écosystème voudra-t-elle faire partie ? Quel sera son rôle dans cet écosystème ? Une banque doit-elle développer sa propre plateforme ou se greffer sur une plateforme existante ? ” Autant de questions qui taraudent aujourd’hui les banquiers. Car le mouvement s’amplifie avec l’arrivée en 2018 de la deuxième directive européenne sur les services de paiement. Baptisée PSD2, cette dernière vise à corriger le marché unique des paiements, trop peu concurrentiel car réservé jusqu’ici aux banques. Dès 2018, PSD2 obligera en effet les banques à donner accès à des tiers aux comptes de leurs clients. Ce faisant, elle ouvrira la porte à des acteurs non bancaires comme des Ahold-Delhaize, Google, Amazon, Facebook, qui pourraient proposer leurs propres services de paiement.

Des banques “ouvertes”

À quoi ressemblera la banque du futur ?
© F. VERDICKT

Mais ce n’est pas tout. Car avec PSD2, d’autres services pourraient également apparaître. On pense notamment aux agrégateurs de comptes, ces applis qui réunissent tous vos comptes bancaires ouverts auprès de différentes institutions financières. Merci les API, ces applications programming interfaces, devenues également un sujet de préoccupation dans le monde bancaire. Pourquoi ? Parce qu’elles sont au coeur de ce que les spécialistes appellent l’open banking, modèle qui repose sur l’ouverture des systèmes d’information des banques et le partage des données de leurs clients avec des tiers. Les API permettent en effet de se greffer sur les systèmes d’information des banques et d’accéder ainsi aux données des comptes bancaires des clients (achats, placements, etc.). Elles sont la clé d’un monde interconnecté dans lequel, toute société peut ouvrir ses métiers à d’autres. ” C’est tout l’enjeu de l’open banking qui, en donnant à d’autres le moyen de bâtir des services à partir des leurs, met les banques en position de devenir des plateformes numériques distribuant toutes sortes d’application via leur propre AppStore “, explique Olivier de Groote.

Qu’en sera-t-il dès lors à l’avenir des agences et des conseillers ? Sont-ils voués à disparaître au profit d’applications mobiles, de robots et d’hologrammes ? A quoi, au juste, ressemblera la banque de demain ? Pour répondre à ces toutes questions, chaque institution doit partir de ses propres forces, préconise Olivier de Groote. ” Cela veut dire qu’il n’y a pas de réponse ni de modèle unique, explique le consultant de Deloitte. Une banque locale fera d’autres choix qu’un groupe international. Les banques moyennes ou les banques spécialisées auront également une position différente de celle des grandes banques généralistes. ” Bill Gates a-t-il dès lors raison quand il dit que ” nous n’avons pas besoin de banques mais de services bancaires ” ? ” Non, répond Olivier de Groote. Le secteur bancaire doit jouer le premier rôle en matière de services financiers, certainement à l’avenir de façon plus ouverte avec d’autres acteurs économiques. ”

Le facteur humain

Telle sont les conclusions de l’étude européenne réalisée par Deloitte sur l’avenir des banques (Bank of the Future) et dont nous avons pu prendre connaissance en exclusivité. Olivier de Groote est en effet intimement convaincu que ” la technologie va à l’avenir jouer un rôle prédominant dans le secteur bancaire mais le facteur humain fera la différence “. ” Seules les banques technologiques survivront, mais les grandes gagnantes de la transformation digitale seront celles qui sauront jouer au mieux la carte du facteur humain, que ce soit au niveau managérial ou sur le plan de la relation avec le client “, précise encore l’expert.

Dans une économie toujours plus ouverte, de plus en plus connectée et alimentée par les données, chaque banque devra trouver sa place.” – Olivier De Groote

Pour mieux appréhender ces tendances qui vont dans les années à venir redessiner le paysage bancaire belge (et européen), nous les avons confrontées dans les pages qui suivent à la vision de sept CEO de banques belges, à savoir Max Jadot (BNP Paribas Fortis), Marc Raisière (Belfius), Erik Van Den Eynden (ING Belgique), Daniel Falque (KBC Belgique), Philippe Voisin (Crelan), Marc Lauwers (Argenta) et Philippe Masset (Degroof Petercam). De même que nous les avons également soumises à Thierry Geerts, patron de Google pour la Belgique.

Innover ensemble

En définitive, il ressort de ces entretiens que les banques sont bien placées pour continuer à jouer un rôle de premier plan à l’avenir, notamment parce que, comme le souligne Marc Raisière, les clients ont, 10 ans après la crise financière, à nouveau confiance dans leur banque lorsqu’on parle d’argent (lire la suite du dossier ” La banque du futur vue par sept banquiers belges “). Un avis que partage Olivier de Groote qui insiste par ailleurs sur l’innovation : ” Les acteurs bancaires belges ont tout intérêt à innover ensemble, comme ils ont prouvé savoir le faire par le passé avec Bancontact et Isabel. Tout comme ils ont intérêt à s’ouvrir aux partenariats avec d’autres acteurs. Bref, les choix que poseront chacun d’entre-eux seront cruciaux pour leur futur : quel que soit le modèle choisi, les banques devront fournir une valeur ajoutée de premier plan avec une expérience client à la fois excellente et personnalisée. ” Car comme le résume Erik Van Den Eynden, CEO d’ING Belgique, ” les plateformes digitales deviennent dominantes. Des entreprises comme Alibaba ou Amazon créent des places de marché qui fonctionnent totalement autour du consommateur. Nous devons éviter que les géants de la technologie ne s’intercalent avec leurs plateformes entre nous et le client, repoussant ainsi les banques à l’arrière-plan.

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