Et maintenant, le résultat des urnes : les 5 enjeux des élections

© getty
Baptiste Lambert

Parfois qualifiée d’atone, la campagne électorale aura surtout tourné en rond. Avec cette impression de revoir à chaque fois le même débat des présidents de parti. Même une pyjama party n’aura pas suffi à déchaîner les passions. Pourtant, la Belgique est à un tournant. Un tournant qui l’amènera (sans doute) jusqu’à son bicentenaire, en 2030. Or, les sondages, qui se plantent rarement en Belgique, redistribuent sérieusement les cartes. Aujourd’hui, c’est l’heure du verdict. Les Belges vont-ils confirmer ces 5 grandes tendances ?

1. De quelle ampleur sera la vague brune ?

Un dimanche noir annoncé. Personne ne pourra se montrer surpris des résultats en Flandre, où les sondages indiquent un seul grand vainqueur : le Vlaams Belang. Les gros titres du lundi matin sont sans doute prêts dans les rédactions, mais il reste à voir l’ampleur de cette vague brune.

Le sondage de Cluster 17, en partenariat avec RTL-Info, place le VB à 27,2% des voix. Mais la toute dernière prise de température de HLN et VTM, vendredi, se montre plus mesurée, plaçant le VB à 25,8%. Sous-estimé ? La parole en Flandre se libère : les Flamands ne sont plus vraiment gênés de dire qu’ils votent pour l’extrême droite. Elle s’est normalisée dans toute l’Europe. Surestimé ? En cette fin de campagne, le droit des LGBTQIA+ s’est invité comme l’un des principaux thèmes en Flandre. Le VB dit ne pas remettre en cause les droits acquis, mais ne veut pas aller plus loin. “Pour moi, Petra De Sutter est biologiquement un homme“, a notamment déclaré dans De Morgen le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, à l’encontre de la vice-première ministre de Groen. Un pas trop loin, même pour le VB ?

Pour la formation d’une coalition fédérale, l’enjeu est plutôt de connaître le score de la N-VA. Cluster 17 voit les nationalistes flamands en dessous des 20%, HLN et VTM prédisent 21%. Chaque siège comptera. Avec le risque de se retrouver avec une coalition hétérogène avec une multitude de partis. La Vivaldi l’aura montré : un gouvernement à sept formations a été un chemin de croix.

Si la N-VA ne devrait pas être arithmétiquement indispensable, les partis francophones peuvent-ils pour autant se passer à nouveau des nationalistes au sein d’une Vivaldi II ? En Flandre, les analystes mettent en garde : c’est peut-être la dernière fois que les partis francophones pourront éviter de devoir parler directement avec le Vlaams Belang. L’avenir du pays est en jeu.

2. Les libéraux seront-ils la première force francophone ?

À Bruxelles, de sondage en sondage, la première place du MR semble acquise. Ce serait une grosse surprise de voir la formation libérale dépassée. La majorité PS-Ecolo-DéFI est en net recul. Seul le PTB fait une réelle percée, mais reste à trois points des libéraux, selon Cluster 17. Les marxistes capitalisent sur le vote des quartiers populaires, dans une campagne qui aura clairement été monopolisée par les thèmes identitaires (abattage, voile, Gaza). À Bruxelles, le MR peut justifier son slogan : seul contre tous, ce qui semble lui profiter.

En Wallonie, c’est plus nuancé. D’abord parce que le PS et le MR sont toujours au coude à coude pour une première place. Ensuite parce que les Engagés, qui se sont replacés au centre droit, y font une incroyable percée. À chaque sondage, les anciens chrétiens-démocrates prennent plusieurs points. De là à les imaginer en tête ? Ce serait une très grosse surprise, mais pas impossible.

Quoi qu’on en dise, le président du MR, qui a dirigé son parti vers une droite plus populaire, reste un personnage clivant pour une partie de l’électorat traditionnel du MR. À combien aurait été la formation libérale en conservant sa ligne de centre droit, avec un Jean-Luc Crucke (Les Engagés) à bord par exemple ? Le score des Engagés sera un élément de réponse. Maxime Prévot est en tout cas déjà rebaptisé Maxime Pivot, car il peut faire de son parti le faiseur de roi.

3. De combien d’étages les Verts vont-ils chuter ?

Une percée tous les dix ans et une claque dans les années finissant en quatre : après 2004, 2014, bientôt 2024 ? La législature n’aura pas épargné les Verts, sur tous les fronts : l’énergie nucléaire et le retour du militarisme au fédéral, Good Move à Bruxelles, le dossier PFAS en Wallonie et le pari risqué du décret paysage en Fédération Wallonie-Bruxelles. Ecolo est crédité de 11,4% à Bruxelles (-10) et de 8% en Wallonie (-6,9%).

De quoi revenir aux fondamentaux durant la campagne ? Pas vraiment. Les coprésidents Jean-Marc Nollet et Rajae Maouane auront eu toutes les peines du monde à imposer les thèmes environnementaux, parfois par choix, préférant aller sur d’autres terrains. Mauvaise législature et mauvaise campagne : on ne prend pas trop de risques en disant que ça risque de faire très mal. Comme pour le cdH, une cure d’opposition et de réflexion s’imposera-t-elle ? L’heure n’est pas encore à l’introspection.

4. Combien de jours de négociation ?

Avec 541 jours et 494 jours lors des deux précédentes élections, il est bien difficile d’être optimiste sur la durée des négociations. Et les gains annoncés des extrêmes, cela a déjà beaucoup été dit, compliquera encore plus le jeu. À moins qu’il ne le rende tellement compliqué que les choix seront finalement très limités ?

Le président de la N-VA, Bart De Wever, a déjà avancé l’idée de former un mini-gouvernement, s’occupant des pouvoirs régaliens et des réformes économiques nécessaires. Sans quoi la situation budgétaire de la Belgique pourrait encore se dégrader, alors que le nouveau carcan budgétaire européen s’imposera début 2025. Ce mini-cabinet pourrait permettre, c’est en tout cas l’idée, de négocier une réforme de l’État, sur le côté, quelle qu’elle soit, sans bloquer les institutions. Le but serait d’y rassembler les coalitions dans chaque Région. Tout pourrait aller très vite, finalement, pour trouver une issue avant les élections communales prévues en octobre.

Sauf qu’il reste un écueil et il est de taille : les complications d’un ménage à trois. Le MR et la N-VA pourraient s’y retrouver sur le plan socio-économique. La N-VA et le PS pourraient s’y retrouver sur le volet communautaire. Mais quand vous combinez les trois, ce qui sera peut-être nécessaire, le puzzle devient encore plus complexe.

5. Une redistribution des cartes européennes

On en oublierait presque le scrutin européen. Mais là aussi se joue un véritable tournant, avec la montée des partis identitaires, un peu partout sur le Vieux continent. Selon les prévisions, la majorité du PPE, des socialistes et des libéraux tiendrait toujours, mais les partis de droite conservatrice et de droite identitaire feraient une sérieuse percée.

Le salut de la majorité se trouve dans la division des nationalistes, entre les conservateurs du CRE et les identitaires de l’ID. Dans le premier groupe, on retrouve notamment la N-VA, Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni, dragée par le PPE, ou encore le Vox espagnol. Dans le second groupe, on retrouve le Vlaams Belang, le Rassemblement national, la Ligua italienne de Salvini et les partis de droite radicale finlandais, danois et autrichien. Un groupe duquel a récemment été exclu l’Afd allemand, suite aux propos embarrassants de son président, Maximilian Krah : « Je ne dirai jamais que quiconque portait un uniforme [de la Schutzstaffel, SS] était automatiquement un criminel. »

Ce qui parait acquis, c’est que les partis anti-européens vont gagner du terrain, compliquant les avancées du projet européen.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content