L’Ukraine et ses alliés occidentaux face aux enjeux de son offensive de printemps
Si la nouvelle poussée armée contre la Russie venait à s’embourber, les craintes occidentales d’un conflit prolongé et sans issue n’en seraient que renforcées.
La probable offensive militaire ukrainienne de printemps sera évaluée à l’aune des éventuels gains territoriaux de Kiev face aux forces russes et permettra par ailleurs de jauger l’efficacité de l’aide massive en armement fournie par les pays de l’Otan, estiment plusieurs experts.
“Si l’offensive n’est pas un franc succès, je pense qu’ils seront beaucoup à pointer des doigts accusateurs”, affirme Mark Cancian, un conseiller au cercle de réflexion Center for Strategic and International Studies à Washington, notant ainsi que l’Ukraine pourrait citer l’absence d’armement et de munitions qu’elle avait fortement sollicités comme facteur de cet échec.
Aux Etats-Unis comme en Europe, subsiste cette crainte que la guerre en Ukraine “devienne un conflit perpétuel (…) sans issue claire, entraînant un grand nombre de victimes et coûtant de l’argent”, explique Mark Cancian.
“Résolus”
Mais, pour William Courtney, un chercheur à Washington au cercle de réflexion RAND, le soutien occidental devrait continuer à affluer même si la contre-offensive ukrainienne ne se déroule pas comme espéré.
“L’Europe et les Etats-Unis se sont montrés résolus dans leur soutien à l’Ukraine. Il est improbable que cela change malgré les protestations de certains hommes politiques aux tendances isolationnistes ou pessimistes”, avance-t-il.
L’Ukraine a déjà remporté des gains considérables contre les forces russes, mais hormis les combats acharnés dans et autour de la ville de Bakhmout, une certaine accalmie a été observée sur la ligne de front depuis la reconquête de Kherson par l’armée ukrainienne l’an dernier.
La Russie a utilisé cet intervalle de temps pour renforcer ses lignes de défense que les troupes ukrainiennes devront transpercer pour escompter un succès de leur offensive.
“Les Russes se sont retranchés depuis des mois maintenant et on peut voir qu’ils ont préparé beaucoup de positions”, estime Mark Cancian.
“Les Ukrainiens vont devoir perforer cette ligne de front afin de faire parvenir tout leur nouvel armement blindé au-delà des fortifications en terrain ouvert”, précise-t-il.
Les pays soutiens de l’Ukraine ont réalisé des investissements considérables dans ses forces armées, notamment en fournissant plus de 230 chars blindés.
L’aide militaire internationale à Kiev se chiffre ainsi en dizaines de milliards de dollars, Etats-Unis en tête.
Patience
Outre les blindés et autres véhicules fournis, l’aide à l’Ukraine comprend un certain nombre de systèmes de défense anti-aérienne, des systèmes de lance-roquettes de précision, des pièces d’artillerie, ou encore — entre autres — un large éventail de munitions.
Les Etats-Unis ont également formé 11 bataillons ukrainiens, représentant quelque 6.100 soldats, aux opérations d’armes combinées (air, terre,…) et quelque 4.000 supplémentaires sur des systèmes d’armement.
Une vingtaine d’autres pays ont également entrepris de former des soldats ukrainiens.
Mais au-delà des ressources de défense que les pays occidentaux ont données à l’Ukraine, ils ont “également investi du capital politique”, affirme Gian Gentile, historien à l’organisation RAND. Il note ainsi la présence d’une “puissante et active minorité politique” aux Etats-Unis qui s’oppose au soutien à Kiev.
“Clairement les enjeux sont forts pour les Etats-Unis et l’Otan dans cette probable contre-offensive”, et “il semble que l’Ukraine, particulièrement ses hauts responsables politiques et militaires, comprennent bien l’importance” de celle-ci également, estime Gian Gentile.
Pour l’historien, il faudra user de patience pour tirer au clair les résultats de l’offensive ukrainienne.
Il dit espérer que “les Etats-Unis et l’Otan comprendront que chaque champ de bataille (…) est différent”.
Les contours du “champ de bataille de cette future contre-offensive prendront peut-être des semaines voire des mois à se dévoiler avant d’en connaître l’issue.”
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici