Alors que la Flandre renforce son contrôle public sur l’aéroport de Bruxelles-National, la Wallonie semble prendre le virage opposé. Une divergence stratégique qui provoque l’ire du Parti socialiste, inquiet de voir les infrastructures régionales tomber entre des mains privées.
Depuis le 10 juin 2025, la Flandre est devenue l’actionnaire de référence de Brussels Airport, en acquérant près de 40% des parts. Avec la participation résiduelle de l’État fédéral via la Société Fédérale de Participations et d’Investissement (SFPI), l’aéroport redevient majoritairement public. Ce choix marque, selon le PS, une prise de position claire : les aéroports sont des leviers économiques, sociaux et environnementaux stratégiques.
Ce mouvement contraste fortement avec la nouvelle orientation du gouvernement wallon, menée par la coalition MR-Les Engagés. Dans sa Déclaration de Politique Régionale, l’exécutif wallon affiche son intention de « travailler au renforcement éventuel de l’ancrage des actionnaires privés dans les sociétés de gestion des aéroports wallons ». Une formulation qui laisse peu de place au doute sur la volonté d’ouvrir davantage le capital des infrastructures aéroportuaires aux acteurs privés.
Un choix assumé
Interrogé sur les velléités flamandes dans le cadre de notre Trends-Talk, le ministre-président Wallon Adrien Dolimont (MR) assumait pleinement le chemin emprunté par la Wallonie : “Je n’ai pas compris la stratégie du gouvernement flamand. Nous, en Wallonie, notre stratégie consiste plutôt à ouvrir le capital de nos aéroports au privé. On a eu notre rôle de catalyseur, on a permis de construire deux fleurons à Charleroi et Liège, le public a joué son rôle et peut se désengager progressivement.”
Un jour plus tôt, son président de parti, Georges-Louis Bouchez, expliquait aussi à la Chambre, devant les caméras de Villa Politica, que la Flandre était sans doute “trop à gauche” dans ce dossier, repoussant, dans le même temps, les accusations de “flamandisation” de l’économie belge. “Au niveau fédéral, nous avions le choix de renforcer notre position au sein de Brussels Airport, mais nous ne l’avons pas fait, car j’y suis opposé”, a ajouté le libéral.
Le cas de Charleroi comme révélateur
Ce changement de cap wallon se concrétise notamment dans le dossier de l’aéroport de Charleroi (BSCA), où la ministre Neven pilote une étude sur une possible montée en puissance majoritaire du groupe privé italien SAVE, déjà actionnaire. L’hypothèse d’un contrôle majoritaire par un acteur privé suscite de vives réactions, chez les socialistes.
Pour le PS, cette orientation est une erreur stratégique. « Ce qui est stratégique pour la Flandre le serait-il moins pour la Wallonie ? », interroge Thomas Dermine, bourgmestre de Charleroi, qui dénonce une mise en danger de l’autonomie économique wallonne. Selon lui, céder aujourd’hui ces infrastructures revient à brader des outils financés pendant des années à grands renforts d’argent public, alors même qu’ils atteignent leur pleine maturité.
Un risque de perte de contrôle public
La crainte exprimée par les socialistes est claire : en perdant la main sur ses aéroports, la Wallonie s’expose à une perte de contrôle sur des enjeux cruciaux tels que l’emploi, l’attractivité internationale, la régulation des nuisances sonores ou encore la gouvernance des investissements publics.
Christie Morreale, cheffe de groupe PS au Parlement wallon, va plus loin : « La Flandre montre la voie : elle protège l’intérêt général. En Wallonie, au contraire, la majorité MR-Engagés envisage de se retirer d’un secteur pourtant essentiel. Il y a là une incohérence majeure, que nous combattrons avec force. »
Le PS demande au gouvernement wallon de clarifier sa position et d’assurer un maintien d’un contrôle public majoritaire sur les sociétés de gestion aéroportuaires. Pour les socialistes, la privatisation des aéroports ne peut être envisagée sans un débat démocratique approfondi sur l’intérêt général et les conséquences à long terme.