Patrick Boone (PwC)

« Pour relever les défis liés à l’IA, le CEO doit réunir autour de lui une équipe aux profils variés »

Patrick Boone, président de PwC Belgium © PwC Belgium
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Il y a encore quelques mois, l’intelligence artificielle (IA) donnait souvent des cauchemars aux CEO. Cette nouvelle technologie n’allait-elle pas mettre en danger leurs activités ? Entre-temps, la crainte a cédé la place au pragmatisme, comme le montre l’enquête CEO Survey menée par PwC. Patrick Boone, président de PwC Belgium, nous dévoile sa vision. « L’important est de savoir pourquoi on y a recours et de bien l’expliquer en interne. »

En quelques mois, l’IA a connu un essor considérable au sein des entreprises : on y prête une très grande attention, on l’intègre à de plus en plus de projets … Bref, elle est dans tous les esprits. Aussi dans ceux des CEO.

Cet intérêt apparaît clairement dans les résultats belges de la 28e CEO Survey, une enquête annuelle menée par PwC auprès des chefs d’entreprise, à la fin de l’année dernière. « La très grande majorité des répondants déclarent qu’ils intègrent systématiquement l’IA dans leur stratégie technologique et informatique », indique Patrick Boone, président de PwC Belgium. « En revanche, ils ne sont que quatre sur dix à affirmer que l’IA joue ou jouera un rôle dans les processus de base et dans les flux de travail au sein de leur entreprise. »

Les chiffres montrent que la perception de l’IA a nettement évolué. « Il y a quelques mois, beaucoup de CEO se demandaient s’ils existeraient encore dans quelques années ; maintenant, ils estiment que cela aura un impact très différent selon les secteurs ou les fonctions. Les profils les plus impactés seront incontestablement les data scientists, programmeurs, traducteurs et journalistes. »

Partir de sa propre stratégie d’entreprise

Malheureusement, on continue d’associer essentiellement l’IA à un gain d’efficacité, en tant que moyen de « faire plus avec moins ». Patrick Boone commente : « On est encore très réticent à déployer l’IA pour réinventer les activités existantes ou offrir de nouvelles opportunités. Pour moi, l’évolution actuelle est comparable à l’émergence de centres de services partagés dans les pays où le coût de la main-d’œuvre est moins élevé. Ceux-ci faisaient exactement la même chose que les équipes dans le pays d’origine, mais à un moindre coût. Dans l’intervalle, les centres performants ont réussi à offrir une expertise dont nous ne disposons souvent pas au niveau local. »

Les tenants d’une telle approche de l’IA voient surtout les coûts attachés à cette technologie : l’achat de licences, le temps qu’il faut consacrer à son apprentissage, … C’est pourquoi Patrick Boone préconise de partir de la stratégie d’entreprise lors de l’élaboration de plans en matière de recours à l’IA, afin d’examiner comment celle-ci peut aider à réaliser cette stratégie plus efficacement et plus rapidement. « La première question à se poser est pourquoi. Pourquoi voulons-nous faire usage de l’IA ? La réponse permettra de déterminer le rôle que l’IA jouera dans la stratégie d’entreprise. Lorsque ce cadre de référence est en place, il est beaucoup plus facile de faire adhérer ses collaborateurs aux projets qu’on souhaite lancer.

Former la bonne équipe

Pour s’attaquer correctement à ce problème, il est très important de composer avec soin l’équipe de direction qui planchera sur l’IA. Traditionnellement, on y trouve le CTO et le CIO, mais l’on risque alors de limiter l’IA à un outil pour accroitre les performances.

« Je pense que le Head of Strategy a définitivement sa place autour de la table », souligne Patrick Boone. « Son point de vue aide à déterminer le rôle que l’IA peut jouer dans les activités actuelles et futures de l’entreprise. Le COO apportera également une valeur ajoutée en examinant comment l’entreprise est gérée dans la pratique. Enfin, il ne faut pas non plus oublier d’y associer le CHRO et CEO. »

Ce n’est pas un hasard si Patrick Boone insiste sur ce point. L’adoption réussie de l’IA dépend en grande partie de l’ouverture à l’égard de cette technologie. Il est important de mettre en place une culture d’apprentissage continu. « Si l’on ne parvient pas à enthousiasmer les collaborateurs, il sera très difficile de mettre en œuvre vos projets autour de l’IA et l’on risque en outre de voir partir des salariés », met en garde Patrick Boone. « C’est dire à quel point le discours que l’on adopte est important. »

Dans cette constellation, le CEO doit jouer le rôle de facilitateur et de stimulateur, comme c’est déjà le cas pour tant d’autres processus au sein de l’entreprise. « Comme pour d’autres dossiers, le CEO basera ses décisions sur les informations disponibles », indique Patrick Boone. « Sur ce point, l’IA peut aussi considérablement changer la donne. Il permet en effet d’obtenir beaucoup plus vite des analyses pointues qui permettent au CEO de prendre des décisions plus rapides et plus judicieuses. »

L’échec accéléré ou fail fast est en train de devenir une philosophie incontournable. Cette approche oblige l’entreprise et le CEO à se montrer vulnérables

Attention aux pièges

Cela amène tout naturellement Patrick Boone à évoquer les écueils à éviter lors de la mise en œuvre de l’IA en entreprise. « Outre une trop faible attention portée à la culture interne, un danger est de voir l’IA comme une évolution à laquelle on ne peut plus échapper aujourd’hui. Or, forcer les choses n’est jamais productif. »

« Autre difficulté : nous ne connaissons pas les outils “gagnants”, car le marché est encore en plein développement. Dans les entreprises, nous travaillons sur la planification de scénarios. Si quelque chose ne marche pas, nous avons une autre solution prête à être testée. Mais maintenant, il nous faut tester plusieurs outils en même temps en espérant que le bon se trouve parmi eux. L’échec accéléré, ou « fail fast », devient une philosophie incontournable. »

Un dernier écueil apparaît au détour d’une question sur le changement majeur à opérer par les CEO. Patrick Boone explique : « L’approche fail fast oblige l’entreprise et le CEO à se montrer vulnérables. Ce n’est pas évident pour notre mentalité belge. Il faut oser avouer que l’on se trouve dans une évolution dont l’issue est encore improbable. »

C’est pourquoi il conseille vivement aux chefs d’entreprise de garder les oreilles et les yeux grand ouverts, d’échanger entre eux et de suivre de près l’évolution dans leur propre secteur et dans d’autres. Et de conclure : « Pour le reste, ils doivent tout simplement continuer à mettre en place des projets selon leur façon habituelle de faire, car le cœur de métier reste le même, avec ou sans IA. »

Cet article a été rédigé dans le cadre d’un partenariat avec PwC concernant les opportunités offertes par l’IA. D’autres analyses sont disponibles sur notre plateforme AI innovators.