Amid Faljaoui
Viré par ma banque !
Votre compte bancaire est ouvert ? Profitez-en. Car il pourrait bien sauter, sans préavis.
C’est une tendance qui monte, en Belgique comme ailleurs : les banques clôturent de plus en plus de comptes, sans justification apparente ni explication. Vous êtes client depuis 20 ans ? Cela ne change rien. Un jour, vous recevez une lettre : « Nous mettons fin à notre relation bancaire. » Et c’est tout. Pas de rendez-vous, pas d’appel, pas de discussion. Et si vous insistez, on vous répond que la loi autorise cette rupture unilatérale. Ce qui est vrai.
Ce qui l’est aussi, c’est que cette vague d’exclusions n’a rien d’anecdotique. Elle touche des clients parfaitement en règle, y compris ceux ayant régularisé leur situation fiscale par les fameuses DLU (Déclarations Libératoires Uniques). Pendant des années, ces régularisations ont été présentées comme une solution “propre” : vous rapatriez vos fonds, vous payez une amende, et tout repart sur de bonnes bases.
Mais voilà : une circulaire de la Banque Nationale de Belgique, en 2021, est venue jeter le trouble. Elle estime qu’une régularisation partielle n’efface pas tous les soupçons. Résultat : les banques, craignant d’être accusées de blanchiment, préfèrent couper court. Mieux vaut perdre un client que risquer un contrôle.
Et ce réflexe de précaution devient la norme. En 2023, près de 80.000 déclarations de soupçon ont été transmises à la CTIF, parfois simplement parce qu’un client recevait un virement de l’étranger ou avait un profil “atypique”.
Inutile d’espérer des explications : le service “compliance” des banques est hermétique. Votre conseiller ? Il n’est même pas au courant. Impossible de contester, de discuter, de négocier. C’est Kafka sous stéroïdes.
Cette chronique est le fruit d’une enquête approfondie publiée ce jeudi Trends-Tendances. On y découvre que même des personnes ayant fait preuve de transparence fiscale sont traitées comme des suspects potentiels.
Pour ceux qui sont exclus, il reste une solution : après trois refus, ils peuvent se tourner vers le service bancaire de base, un mécanisme public qui oblige une banque à les accueillir. Mais là aussi, le parcours est semé d’embûches : questionnaires sans fin, délais, et parfois une acceptation de façade qui vire à l’obstruction.
Et ce ne sont pas des cas isolés. Des PME, des indépendants, des résidents belges vivant à l’étranger, des héritiers en règle, des entrepreneurs victimes d’un article de presse négatif… tous peuvent être considérés comme “trop risqués”, et donc priés de partir !
Moralité ?
Dans la banque d’aujourd’hui, mieux vaut être simple, rentable, discret et peu questionné. Avoir un dossier clair, une régularisation ancienne, ou des activités internationales peut suffire à vous faire exclure. Et dans ce monde-là, la fidélité n’est plus une valeur. Votre banque vous aime… jusqu’au jour où elle vous trouve un peu trop compliqué.
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