Amid Faljaoui
Nouveau bon d’Etat, marketing du Club Med et suicide bancaire
Notre mémoire est ainsi faite que nous nous souvenons uniquement du premier et du dernier contact. Dans le cas de notre ministre des Finances, ce qui devrait ressortir de son bilan, c’est son échec de la réforme fiscale. Mais, grâce au bon d’Etat, il s’est refait une virginité politique.
Notre ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, est surtout connu en Belgique, et en particulier en Flandre, pour son fameux bon d’Etat qu’il a lancé au nez et à la barbe des banquiers. Il lui a permis de récolter 22 milliards de la part des épargnants belges.
Le point commun de tous ces épargnants, c’est qu’ils estimaient que leur épargne était mal rémunérée par les banquiers belges. Bref, que les taux d’intérêt augmentaient partout sauf sur leur compte d’épargne. Et donc, quand notre ministre des Finances a lancé un bon d’Etat qui offrait du 2.81 % net, ni une ni deux, les Belges ont retiré leur argent de leur banque et se sont rués sur ce bon d’Etat.
On sait que grâce à ça, Vincent Van Peteghem a sauvé sa peau sur le plan politique. Mais, ne soyons pas comme des poissons rouges, n’oublions pas qu’il avait été nommé pour réussir la réforme fiscale et pour apporter plus de justice dans notre taxation. Or, il termine son mandat sur un échec total. Il n’y a pas plus de réforme fiscale en Belgique que de trapéziste au Vatican. Mais, notre ministre est malin, il a tout compris au marketing, et notamment le marketing dit du Club Méditerranée.
La règle est de soigner en particulier le premier jour et le dernier jour. Notre mémoire est en effet ainsi faite que nous nous souvenons uniquement du premier et du dernier contact. Dans le cas de notre ministre des Finances, ce qui devrait ressortir de son bilan, c’est son échec de la réforme fiscale. Mais, grâce au bon d’Etat, il s’est refait une virginité politique. En Flandre, il est au sommet des sondages. Il soigne donc son dernier contact, le souvenir que vous garderez de lui comme pour le Club Med.
Vous m’avez compris, comme les élections ne sont plus très loin, devinez ce qu’il a annoncé ? Eh, oui, en plein dans le mille ! Il va lancer un autre bon d’Etat en décembre. Pourquoi changer une formule qui a bien marché, hein ? Les banquiers, je ne vous le cache pas, ne sont pas contents car ils ont peur que cela entraine une éventuelle crise bancaire provoquée par leur ministre de tutelle. Ils avaient pourtant prévu le coup.
D’ailleurs, si au cours des dernières semaines, toutes les banques belges ont augmenté le rendement de leurs comptes d’épargne, c’était aussi en prévision d’un nouveau bon d’Etat, pour dissuader le ministre. Autrement dit, nos banques ont tout fait pour que les épargnants restent chez elles et ne soient plus attirés par le soleil caressant d’un nouveau bon d’Etat. Pari raté ! Le ministre des Finances n’en fera qu’à sa tête même si les banques et notamment les plus petites ont peur d’une nouvelle hémorragie de liquidités.
Soyons francs, les banquiers – on peut le regretter ou pas – sont tellement peu appréciés que le public se fiche complètement de leur avis ou de leur peur. Au risque d’être très minoritaire – mais j’adore ça, ça doit être un défaut de fabrication – je pense que nos auditeurs doivent regarder plus loin que l’information de base. D’abord, si des banques devaient être déstabilisées par ce nouveau bon d’Etat, ce seront les plus petites. Les patrons des grandes banques se frottent déjà les mains, ils savent que la valorisation des petites banques pourrait s’évaporer comme la banquise et qu’ils pourraient les racheter à bas prix. Et si c’est le cas, la concurrence va encore baisser au sein du secteur bancaire, soit, l’inverse de ce qu’on voulait. Merci qui ? A notre ministre des Finances !
J’ajouterai que les derniers chiffres de la banque KBC confirment que ce sont surtout les ménages les plus aisés qui ont acheté le premier bon d’Etat. Les personnes qui ont moins de 25.000 euros sur leur compte d’épargne étaient moins de 1% à en avoir profité. Donc, oui, si demain les banques sont déstabilisées, ce seront les classes populaires qui les renfloueront avec leurs impôts alors que les ménages les plus aisés profiteront, eux, d’un rendement plus élevé. Les uns seront au balcon pendant que les autres seront en train de ramer avec de longues rames. Bizarre donc la popularité de ce ministre des Finances qui joue au Robin des Bois à l’envers. A croire que l’antipathie à l’égard des banquiers a anesthésié notre bon sens paysan. Je vous laisse méditer sur cette citation : il paraît que “le meurtre parfait, c’est de pousser l’autre au suicide”.
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