Philippe Ledent
Moins de gaz russe en Europe? Pari tenu!
Après les vaccins contre le covid, le gaz est la deuxième preuve qu’un dialogue et des politiques coordonnées par la Commission peuvent avoir une réelle valeur ajoutée.
Le gaz naturel est moins sous le feu des projecteurs depuis que son prix est en baisse. Pour le consommateur final, l’important est évidemment que sa chaudière tourne et que sa facture reste décente. Le pourquoi du comment ne l’intéresse pas nécessairement. Et pourtant, obtenir cette énergie essentielle pour l’Union européenne (UE) demeure un défi permanent et les changements structurels dans l’approvisionnement en énergie restent immenses. Surtout, l’Europe a réussi son pari. On aurait en effet eu du mal d’imaginer, il y a un an, être là où l’on en est actuellement.
Des alternatives
Pour rappel, les importations de gaz russe par gazoduc représentaient en moyenne 45% à 50% de l’approvisionnement en gaz de l’UE entre 2015 et 2020. Ces gazoducs étaient donc a priori essentiels pour que l’Europe puisse se chauffer! Or, suite à la guerre en Ukraine et au sabotage de Nordstream, les volumes importés par cette voie ont diminué de 85% par rapport à 2021. Mais des alternatives ont été trouvées en un temps record, principalement par l’importation de gaz naturel liquéfié (GNL). Et il faut souligner que ce sont surtout les Etats-Unis qui ont augmenté drastiquement leurs exportations de GNL vers l’Europe.
Dès lors, la proportion de gaz russe par gazoduc dans le total des importations est tombée à moins de 20% sur l’ensemble de l’année 2022 et à 8% depuis de début de cette année. Quel changement!
Cela dit, la mise en place d’alternatives ne pouvait pas entièrement compenser la perte de l’approvisionnement par les gazoducs russes. Alors comment, dans ces conditions, les prix ont-ils pu baisser au cours de ces derniers mois? La réponse est simple: grâce à notre comportement. La peur d’une facture élevée d’énergie nous a poussés à consommer (gaspiller) moins d’énergie. Et ce changement de comportement a été décisif. La Commission européenne ambitionnait (et le mot est juste) une diminution de l’ordre de 15%. Cet objectif a été dépassé, et un hiver plutôt doux n’en est qu’un élément d’explication. Notre comportement a changé!
Dès lors, sur les trois premiers mois de cette année par exemple, les importations totales de gaz ont diminué de 16% par rapport à la même période de 2022 et même de 21% par rapport à 2021. Cerise sur le gâteau, l’UE termine la saison de chauffage 2022/23 avec des stocks remplis à 56%. C’est presque le double d’il y a un an et bien supérieur à la moyenne des cinq dernières années (34%). Il constitue en fait un niveau record pour la fin de l’hiver. Et cela change tout car dans ces conditions, il sera beaucoup plus facile d’atteindre l’objectif de stocks remplis à 90% d’ici le 1er novembre 2023.
En effet, l’Europe devra procéder à des injections nettes d’environ 34 milliards de m3, contre environ 67 milliards l’année dernière. Cela devrait être gérable. Mais attention, malgré ces chiffres plutôt confortables, l’UE devra continuer à consommer moins. Car dans le même temps, le redémarrage de la Chine risque de mettre le marché du GNL sous pression.
Responsabilité de chacun
Bref, l’Europe a réussi son pari ambitieux de se détacher en grande partie du gaz russe. Il faut le souligner car, après la négociation des vaccins contre le covid, c’est la deuxième preuve qu’un dialogue et des politiques coordonnées par la Commission peuvent avoir une réelle valeur ajoutée.
Mais continuer dans cette voie est aussi de la responsabilité de chacun. Il ne faudrait pas que la baisse récente des prix du gaz et de l’électricité ne nous fasse perdre nos bonnes habitudes, outre le fait qu’elles sont bonnes pour la planète. Pour vous en convaincre, gardez à l’esprit que le prix actuel du gaz reste le double de ce qu’il était autrefois. Et il pourrait grimper en cours d’année.
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