Marc De Vos

“Le programme de Magnette est une hallucination idéologique et un hold-up fiscal pour la Flandre”

Marc De Vos Doyen de la faculté de droit à la Macquarie University de Sydney

“Au radicalisme institutionnel de De Wever s’oppose le radicalisme idéologique de Magnette”, explique le professeur Marc de Vos, directeur fondateur et chercheur invité d’Itinera.

Quiconque a voyagé, dans notre pays ou de par le monde, a déjà vu ces belles publicités sur la Wallonie, terre d’investissement et pays d’accueil pour les entreprises au coeur de l’Europe. Ces slogans me reviennent en mémoire, depuis que le nom du président du PS, Paul Magnette, également bourgmestre de Charleroi et ancien premier ministre wallon, est sorti comme candidat au poste de premier ministre après les élections de 2024.

Paul Magnette a un jour incarné la modernisation tant attendue du socialisme wallon. Universitaire à lunettes, il s’est fait remarquer en tant que ministre du Climat et de l’Energie lors du déclin du troisième gouvernement Verhofstadt. C’était en 2007. Fin 2022, Magnette publie “La vie large” : un nouveau manifeste politique dans lequel il se réinvente en tant qu'”éco-socialiste”. Si ce manifeste n’a été que peu remarqué et n’a suscité aucune polémique en Flandre, cela mérite l’attention car il s’agit de la vision de la société, avec laquelle le plus grand homme politique francophone de Belgique veut accéder au 16 rue de la Loi.

Au premier plan, on trouve une forte politisation du développement économique. Et cela ne signifie pas seulement l’établissement d’un planning économique à part entière, comme pour l’énergie, le climat et la biodiversité. Magnette veut également réduire la “logique de marché” en interdisant la production, la consommation, la vente et la publicité politiquement indésirables. Les secteurs clés de l’économie – notamment celui des industries fossiles – seraient à nouveau “redémocratisés” grâce à la propriété collective. La gestion des entreprises suivrait un “système économique bicaméral”, avec la chambre des représentants des travailleurs contrebalançant la chambre du capital.

Magnette adhère également au mouvement de limitation de la croissance car ce n’est pas tant la croissance économique que la croissance immatérielle qui devrait être le leitmotiv, à encadrer par le politique bien sûr. Il souhaite passer du choix privé des consommateurs à un “choix collectif”, avec des biens et des services gratuits pour tous. La redistribution du travail, les garanties d’emploi et, sous une certaine forme, une allocation universelle de base pour chaque jeune sont des droits fondamentaux. Tout cela sera financé en taxant les inégalités, notamment par un plafonnement des salaires les plus hauts, des impôts sur la fortune, de nouvelles taxes sur le climat et un écrémage important de tous les bénéfices des entreprises au profit de fonds d’investissement sectoriels.

Il s’agit d’une attaque stupéfiante menée de front contre l’esprit d’entreprendre, l’économie de marché, la liberté des consommateurs, la propriété et la richesse – un mélange de collectivisation, de politisation et d’appauvrissement en l’honneur d’un voeu idéologique pieux. Magnette aggrave l’étatisme, qui domine déjà 70 % de l’économie en déclin chronique de la Wallonie, selon la Banque nationale. Comment relier cette surenchère à son ambition de devenir champion de Belgique ?

De deux choses l’une. Soit le manifeste de Paul Magnette est une pirouette intellectuelle. Si c’est le cas, il y a un problème majeur de confiance et de crédibilité. Soit sous sa direction, le PS aspire, de facto, à une OPA à la fois sur le PTB marxiste et sur les Ecolos. Ensuite, il y a un problème majeur de radicalisation dans la politique des partis wallons. Dans les deux cas, la gouvernance de notre pays au niveau fédéral est fortement hypothéquée. Pour la Flandre, le programme de Magnette est une hallucination idéologique et un hold-up fiscal. A l’exception du PVDA (Partij van de Arbeid van België), presque toutes ses prescriptions semblent lettres mortes pour les partis flamands.

Le président de la N-VA, Bart De Wever, a récemment fait sensation en plaidant pour une révolution confédérale “extralégale” avec une autonomie régionale maximale. Au radicalisme institutionnel du principal politicien flamand s’oppose le radicalisme idéologique du principal politicien wallon. Il faut peu d’imagination pour les voir comme des alliés objectifs dans cette affaire. Et pour régler l’addition? Les enjeux de 2024 sont déjà clairs.

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