Olivier Mouton
Faire réussir Bart De Wever
Maxime Prévot, président des Engagés, a reçu une mission de médiation de dix jours pour tenter de sauver l’Arizona fédérale, cette coalition réunissant N-VA, MR, Engagés, cd&v et Vooruit. Une mission impossible, digne de Tom Cruise ?
Non, mais il devra jouer serré. Le fossé fiscal entre libéraux francophones et socialistes flamands est béant, autour de la taxe sur la plus-value, et teinté d’irrationnel. La psychologie des deux présidents, Georges-Louis Bouchez et Conner Rousseau, demandera bien du tact au médiateur, d’autant que la proximité des élections communales du 13 octobre complique la tâche.
Economiquement, est-ce grave docteur ? La situation budgétaire est préoccupante, mais des signaux sont déjà envoyés pour dire que l’on peut trouver un accord avec l’Europe pour retarder l’échéance, entend-on. La perspective de réformes structurelles suffit. Sautons le 13 octobre, il sera toujours temps d’avoir un gouvernement. Oui, mais ce fatalisme est coupable. Et porte en lui les germes d’une crise plus profonde.
Dans le camp francophone, une préoccupation domine : comment ancrer Bart De Wever, formateur déçu, dans une logique strictement économique. L’échec du président de la N-VA risque, si on ne le remet pas rapidement en selle, de radicaliser sa position communautaire. Il pourrait se replier sous sa tente flamande ou privilégier son maïorat anversois, et tant pis pour un Etat fédéral dont il n’est pas un amoureux romantique. Le leader nationaliste, dit-on, a un ego important. Il a affirmé que son échec (momentané) à devenir Premier ministre était “la plus grosse déception” de sa carrière. En prenant ses fonctions, Maxime Prévot n’a cessé de jeter des compliments sur son “écoute” et son “empathie”. C’est clair : il faut sauver le soldat De Wever. Aussi vite que possible.
L’échec du président de la N-VA risque de radicaliser sa position communautaire.
L’Arizona doit être un “gouvernement de relance socio-économique”. Elle aura pour mission de prendre à bras-le-corps les dossiers trop longtemps reportés des pensions, du travail ou de la fiscalité. Sans tabous, elle doit s’attaquer aux menaces réelles pesant sur notre compétitivité : productivité du travail, taux d’emploi, indexation des salaires, approvisionnement énergétique… C’est indispensable ! Il serait irresponsable de faire échouer la formation pour une raison symbolique ou pour des “dramas” – le terme vient du président libéral, qui n’est pas en reste – étalés dans la presse.
La réussite de Maxime Prévot consisterait à relancer Bart De Wever sur le chemin du 16, rue de la Loi. “Il est même de l’intérêt des Francophones, aussi paradoxal que cela puisse sembler, que Bart De Wever continue un rôle de formation parce qu’alors, il est amené naturellement à faire des efforts pour trouver des compromis”, soulignait le président des Engagés. Voilà le système belge poussé au bout de sa logique : les partis démocrates ont tout intérêt à ce qu’un nationaliste flamand dirige le pays car, derrière lui, il n’y a désormais plus que l’ombre menaçante du Vlaams Belang.
Faire réussir Bart De Wever, c’est aussi dans l’intérêt… de la Wallonie. Pierre-Yves Jeholet (MR), ministre de l’Economie et de l’Emploi, nous dit combien le gouvernement MR-Engagés entend mettre en place un “changement des mentalités” au sud du pays. Pour y arriver, en matière d’accompagnement des chômeurs ou des malades de longue durée, il inscrit son action dans une réforme qui doit être initiée au fédéral. C’est dit : la période actuelle doit jeter les fondations de cinq années décisives pour le pays. Pour y arriver, une attente énorme repose… sur les épaules de la N-VA. Quel paradoxe !
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