Eddy Caekelberghs

Entre saigneurs des nanos

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Pendant que certains se battent au sol, d’autres mènent la guerre sur les terrains économique, technologique et académique. Et ce n’est pas moins sérieux ni moins dangereux!

Les “nanotechs” supposentde plus en plus de semi-conducteurs performants. C’est d’ailleurs le drame de la Russie qui en est privée par les effets de la guerre en Ukraine et des sanctions. La Russie (dont on ne doit pas sous-estimer le savoir-faire technologique) est en effet incapable de suppléer concrètement à ce manque d’approvisionnement, d’autant que ce secteur des nanos est surtout aux mains des Américains (pas de cadeaux aux Russes! ), des Chinois (je fournis mais à mon prix et mon rythme! ) et au leader du marché: Taiwan. La cible toute désignée…

Les nanos semi-conducteurs constituent déjà ce que d’aucuns affirment être le “nouvel or noir” du 21e siècle. En 2021, ils ont devancé le pétrole comme première importation de la Chine.

La possession de ces petites plaquettes de silicium sur laquelle sont gravées des circuits et intégrés des composants électroniques est devenue l’enjeu majeur du siècle. Elles sont aussi névralgiques pour les technologies civiles que militaires et sont donc la force et le talon d’Achille des nouvelles grandes puissances.

La récente décision du président américain Joe Biden de supprimer les collaborations scientifiques entre USA et Chine est à situer dans ce contexte. Biden a signé un décret qui interdit aux entreprises américaines d’investir librement à l’étranger dans les technologies les plus avancées, dont l’intelligence artificielle ou l’ordinateur quantique, “si cela concerne des pays problématiques comme la Chine”. Pékin s’indigne par la voie diplomatique de ce décret présidentiel.

En fait, le bras de fer de plus en plus patent, de moins en moins feutré, entre Washington et Pékin en termes d’hégémonie commerciale, politique mais aussi stratégique et technologique, passe clairement par ce type de recherches et par les nanos semi-conducteurs. Ceux-ci constituent déjà ce que d’aucuns affirment être le “nouvel or noir” du 21e siècle. En 2021, ils ont devancé le pétrole comme première importation de la Chine. Pékin a déboursé 401 milliards d’euros pour en acquérir. Car ces micro- et nanotechnologies sont partout: téléphones, consoles de jeux, centres de données, panneaux solaires, leds, systèmes de surveillance, avions, voitures, etc. Ce sont les indispensables de nos vies courantes.

De plus, on compte sur elles pour doper la croissance. Celle de l’intelligence artificielle, celle de la 5G, des véhicules électriques et des systèmes d’armement. Et la dépendance militaire et stratégique est, à cet égard, croissante. C’est toute la subtilité (et la dangerosité! ) du jeu géo-économique et stratégique en cours entre Pékin et Washington: l’Amérique veut réduire la puissance économique de la Chine mais ne peut se permettre de l’asphyxier.

Le ralentissement de l’économie chinoise est réel. A la mi-août, Joe Biden a déclaré lors d’un meeting que la Chine est confrontée à des problèmes car sa croissance économique ralentit et que le nombre de personnes en âge d’être pensionnées est supérieur au nombre de personnes en âge de travailler. “Le pays connaît le plus haut taux de chômage. Donc, il a des problèmes. Ce n’est pas bon signe car quand les mauvaises personnes ont des problèmes, elles font de mauvaises choses”, a-t-il conclu, avant de rajouter: “La Chine est une bombe à retardement qui menace le monde”. Sous-entendu d’une récession générale et mondiale.

Qui saura désamorcer ce risque plutôt que d’en jouer? La guerre technologique est une autre façon de se faire la guerre. Ce n’est pas encore le moyen de se promettre la paix.

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