Olivier Mouton

Taxer les plus-values, un symbole dangereux

Olivier Mouton Chef news

Le constat est cinglant, il émane de Geert Noels, CEO d’Econopolis et économiste franchement libéral : “En Belgique, taxer les plus-values est devenu une obsession, alors que ce pays crée de moins en moins de plus-values.” La réponse fuse, émanant d’un autre économiste Bruno Colmant, dont le bleu a pourtant pris des couleurs rouge et verte, ces dernières années : “Geert a totalement raison”.

Vooruit a obtenu son trophée, au bout de la nuit du 29 au 30 juin : un accord politique a été conclu sur une taxation des plus-values, certes limitée pour l’instant à 10%, avec des exemptions pour les petits et moyens investisseurs via une exonération annuelle de 10.000 euros. Champagne ? Georges-Louis Bouchez, président du MR, estime qu’il est “ahurissant” de se réjouir d’une nouvelle taxe. C’est une couleuvre à avaler, nécessaire pour “un gouvernement de réformes”, plaide-t-il. Traduction : c’était la seule façon de maintenir les socialistes flamands à bord.

Le symbole est dangereux. Cette nouvelle taxation envoie un signal maladroit aux détenteurs du capital ou aux investisseurs potentiels, pour un apport modeste de 250 à 500 millions par an. Elle annonce une tuyauterie kafkaïenne pour sa concrétisation. “Cette taxe entre totalement en contradiction avec le principe de simplification administrative, relève l’économiste Étienne de Callataÿ, CEO d’Orcadia Asset Management. Elle est tout sauf simple, tout sauf juste. Quelqu’un qui fait une fois une plus-value de 15.000 euros payera. Un autre qui fait trois fois une plus-value de 9.000 euros ne payera rien.” En un mot comme en cent, elle rate sa cible.

Le manque de vision est évident. La taxation ne fait pas partie, pour l’instant du moins, d’une réforme fiscale plus large, redonnant de l’oxygène au travail ou modifiant les équilibres de répartition. Ce n’est qu’un symbole, une porte ouverte dont la suite est écrite. “La constante de l’histoire, estime Bruno Colmant. C’est toujours la droite qui taxe le capital, car la gauche n’ose pas. Puis la gauche augmente les impôts de la droite que la droite ne baisse jamais. Il fallait simplement augmenter la taxe sur les comptes-titres.” La Belgique avance en cabotant, créant des niches fiscales, perdant de vue la clarté du système pour des comptes d’apothicaires politiques.

La Belgique avance en cabotant, créant des niches fiscales, perdant de vue la clarté du système pour des comptes d’apothicaires politiques.

Quelle bérézina ! Par ailleurs, les réformes sont freinées. La limitation des allocations de chômage dans le temps avait déjà dû être échelonnée en raison de l’incapacité des administrations concernées à être prêtes dans les temps. Au Parlement, une flibusterie a renvoyé le texte au Conseil d’État avec un vote simultané du PS, d’Ecolo, de DéFi et… du Vlaams Belang. Pas de rupture du cordon sanitaire, mais une rencontre d’intérêts divergents : les partis francophones s’inquiètent surtout de l’impact de cette réforme en Wallonie et à Bruxelles. En oubliant le but : remettre les gens au travail.

Cela témoigne d’un mal plus profond, inquiétant : en Belgique, un nombre croissant de citoyens et influenceurs peinent à comprendre que pour maintenir un système social solide et répartir la prospérité, il faut en première instance créer de la richesse dans un monde fortement concurrentiel. En la pointant du doigt avec une mesure mal calibrée, l’Arizona avance à reculons et contredit son propre discours visant à soutenir l’initiative et l’entrepreneuriat. Elle donne du grain à moudre à cette ritournelle omniprésente : les efforts à réaliser pourront toujours être supportés par “les épaules les plus larges”. Après nous, le déluge. 

Suivez Trends-Tendances sur Facebook, Instagram, LinkedIn et Bluesky pour rester informé(e) des dernières tendances économiques, financières et entrepreneuriales.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content