Olivier Mouton
Supprimons les cabinets ministériels
L’agenda des cabinets, c’est avant tout la popularité du ministre ou la campagne électorale à venir. Pas assez l’intérêt général.
A un an des élections cruciales de 2024, le climat politique est marqué par une série d’affaires ou de soupçons de conflits d’intérêts qui prolongent le marasme démocratique et nourrissent les extrémismes, de droite en Flandre, de gauche en Wallonie et à Bruxelles. Ce “bruit” continu détourne de l’essentiel et des réformes indispensables pour maintenir la Belgique à flot dans un contexte de crises.
Fiscalité, pensions, emploi, énergie…: il reste peu de temps pour agir, dans un environnement budgétaire redevenu préoccupant avec la hausse des taux d’intérêt. Les agences de notation mettent en garde, l’Europe est sur le qui-vive, mais on se préoccupe du sexe des anges. Et les tensions politiques génèrent le blocage.
Ce que cette question illustre, c’est le problème de l’opacité de la composition des cabinets ministériels.
Les cabinets ministériels sont au cœur de polémiques. Deux collaborateurs détachés de bpost au cabinet de la ministre de la Fonction publique et des Entreprises publiques, Petra De Sutter (Groen), ont été forcés de quitter leur place, sous la pression, alors que les révélations se multipliaient au sujet de la gestion quotidienne et du contrat de distribution des journaux.
Au cabinet du vice-Premier ministre Ecolo Georges Gilkinet, on pointe du doigt la présence d’un conseiller de Skeyes, le contrôleur aérien, ou d’un chauffeur payé par la SNCB. Pratiques courantes? Certainement: 400 des 800 membres des cabinets du gouvernement De Croo sont des “détachés”. Mais cette confusion des genres brouille la perception de l’action publique et induit de la méfiance.
“Ce que cette question illustre, c’est le problème de l’opacité de la composition des cabinets ministériels, estime Marie Göransson professeure de management public à l’ULB. Celle-ci est à la discrétion des ministres et la transparence n’est pas toujours de mise. Il y a des cas encore plus problématiques. Une ministre de l’Energie engage des gens de chez Engie, qui prennent congé pour cette période mais retourneront ensuite dans l’entreprise. Un ministre des Pensions en fait de même avec un expert venant d’une compagnie d’assurance privée. Une fois cette période passée, ceux-ci retournent d’où ils viennent avec un bagage potentiellement sensible, quand ils n’ont pas contribué à servir les intérêts de leur entreprise en sachant qu’ils y retourneront.”
Ces experts entourant les ministres sont censés imprimer la dynamique des réformes face à des administrations inertes et apporter une expertise bien nécessaire. Dans la réalité, ils sont devenus des instruments de politisation (en ce compris des administrations où ils sont souvent “recasés”) ainsi que des boussoles induisant trop souvent une vision à court terme. L’agenda des cabinets, c’est avant tout la popularité du ministre ou la campagne électorale à venir. Pas assez l’intérêt général.
C’est la réforme que Guy Verhofstadt (Open Vld) avait initiée au début des années 2000. Une législature plus tard, ces cabinets étaient toujours en vie.
La solution semble simple: supprimer les cabinets ministériels! C’est la réforme que Guy Verhofstadt (Open Vld) avait initiée au début des années 2000. Une législature plus tard, ces cabinets étaient toujours en vie, rebaptisé en “cellules stratégiques” alors que ces dernières auraient dû voir le jour au sein des administrations. Comment, il est vrai, demander à des structures de se saborder?
Il est urgent de se repencher sur cette suppression dans le cadre plus large d’une réflexion sur le renouveau démocratique et sur la juste place des partis dans une Belgique devenue une “particratie” à ciel ouvert. Un récent sondage de la VRT montre que pratiquement un Belge sur deux considère que l’on ne vit plus dans une démocratie. Si ce n’est pas un signal d’alarme…
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