Christophe De Caevel
Master en médecine : l’éternelle tentation du saupoudrage
La manière dont les deux camps ont argumenté leurs positions à propos de la faculté de médecine de l’UMons est pour le moins affligeante.”
Le monde politique francophone ne sort pas grandi du débat sur l’organisation d’un master en médecine à l’UMons. Non pas que la question des habilitations universitaires ne mérite pas un débat musclé, voire une crise politique. Mais la manière dont les deux camps ont argumenté leurs positions est pour le moins affligeante.
On a ainsi été surpris d’entendre que le manque de médecins en Hainaut proviendrait de l’absence d’un cursus complet en médecine dans la province. A l’heure des programmes Erasmus et des expériences internationales, on ne l’avait vraiment pas vu venir, celle-là. Certes, il y a des frais de kot ou de déplacements mais, dans un Etat bien organisé, cela se règle par des bourses d’études ou des aides au logement, pas par la multiplication des sites d’enseignement.
Cher ? MDR !
Le contre-argument était celui du coût pour la collectivité. Le MR l’estimait à 450.000 euros. Sincèrement, si cela peut freiner la désertification médicale, même une entité aussi désargentée que la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont le déficit dépasse désormais le milliard d’euros, doit pouvoir s’autoriser la dépense. On apprend maintenant qu’il y a en réalité moyen d’offrir ce master sans débourser le moindre euro. On ne demande qu’à y croire et on incite d’ores et déjà les différents gouvernements à dupliquer cette recette miracle à leurs très nombreux projets de dépense…
Dans sa réflexion Odyssée 2068, l’Union wallonne des entreprises (UWE) rêve d’un Wallonia Institute of Technology qui regrouperait les forces et œuvrerait à “ la mise en commun des intérêts, des ressources et des moyens disponibles pour relever les enjeux de la Wallonie ». Le vrai débat est là, sur la recherche de l’excellence et de la taille critique pour en finir avec l’éparpillement sous-régional des moyens, le fameux « saupoudrage » si souvent dénoncé mais jamais vraiment renié.
Une faculté universitaire, c’est bien entendu de l’enseignement mais c’est aussi de la recherche. La plupart des biotechs dont nous parlons régulièrement dans Trends-Tendances sont issues des laboratoires de recherche universitaires. Or, cette recherche est déjà beaucoup trop éparpillée en Wallonie.
Concentrer les moyens
L’UWE, encore elle, appuie régulièrement sur le clou, réclamant une concentration des moyens au lieu de les répartir au sein de pas moins de… 19 centres de recherche agréés. Ceux-ci possèdent une expertise pointue et très précieuse pour l’innovation, y compris dans les entreprises. Le rôle de Materia Nova (tiens, c’est à Mons…) dans l’un des projets de production d’hydrogène vert retenus dans le plan de relance est une magnifique illustration de cette expertise. Le potentiel de ces centres de recherche n’est toutefois pas exploité de façon optimale en raison de la fragmentation du paysage, les petites unités restant souvent en dessous du radar des investisseurs internationaux.
L’un des beaux contre-exemples, c’est l’European Biotech School à Charleroi, qui doit former cette main-d’œuvre dont nos biotechs grandissantes ont besoin. On a misé sur l’excellence, avec un pôle de haut niveau chargé de rayonner sur toute la région et, pourquoi pas, au-delà. Le fait que ce pôle soit situé dans la ville du président du principal parti du gouvernement wallon et du secrétaire d’Etat à la Relance a certainement joué, mais ne boudons pas notre plaisir.
Prenons garde cependant car les vieux réflexes demeurent. « Quand le gouvernement wallon décide de faire une Biotech School à Charleroi, on se dit qu’on a raté une opportunité à Liège, confiait récemment Gaëtan Servais, le patron de l’invest liégeois Noshaq, à L’Echo. Nous aussi nous avons besoin de ce type de projet. » La bataille contre le saupoudrage n’est jamais définitivement gagnée.
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