Christophe De Caevel
Le Robert Oppenheimer du climat
Pour le climat, il n’y aura pas une arme ultime, comme la bombe atomique en 1945, mais une addition de milliers d’initiatives.
Vous avez peut-être vu “Oppenheimer”, ce film du réalisateur Christopher Nolan qui raconte la vie du père de la bombe atomique. Ou plutôt d’un des pères (et des très rares mères) de la bombe atomique. Robert Oppenheimer dirigeait en effet le “Projet Manhattan”, une équipe internationale de physiciens de haut vol réunis à Los Alamos, au Nouveau-Mexique, afin de concevoir l’arme suprême qui devait permettre aux forces alliées de vaincre les nazis. L’Allemagne ayant capitulé peu avant la fin des travaux de l’équipe d’Oppenheimer, la bombe fut finalement utilisée contre un autre adversaire, le Japon.
Ce film ouvre la porte à mille débats de conscience. Retenons celui-ci : pourrions-nous aujourd’hui réunir les plus grands scientifiques de la planète, avec un budget illimité, pour trouver des solutions technologiques urgentes à un péril planétaire d’un tout autre type, à savoir le réchauffement climatique ? Cette question, voilà déjà plus de 30 ans qu’on évite de se la poser.
Le Giec a été créé en 1988 et depuis, de rapport en rapport, les scientifiques du monde entier (oui, ils se réunissent) constatent le réchauffement, ses causes et ses effets. Mais leurs conclusions et leurs suggestions de remèdes restent, hélas, sans suite ou presque.
Nous avons certes changé quelques règles, modifié quelques habitudes, intégré quelques innovations, mais trop peu, beaucoup trop peu, pour parvenir à ralentir le processus de dérèglement climatique.
Les instances internationales ad hoc existent déjà.
Cette apathie est d’autant plus ahurissante que des réponses, au moins partielles, existent. La fondation Solar Impulse de Bertrand Piccard a labellisé plus de 1.500 solutions « propres, efficientes et rentables » initiées par des entreprises du monde entier, dont 80 viennent de Belgique. Elles peuvent sans doute être encore améliorées par de futures innovations technologiques mais elles sont d’ores et déjà opérationnelles.
Elles n’ont pas besoin d’une mobilisation scientifique de type « Projet Manhattan » pour se déployer mais d’appuis réglementaires et financiers. Et pour cela, les instances internationales ad hoc existent déjà.
Pourquoi ne mettons-nous pas cela en œuvre, alors que nous voyons les effets concrets du réchauffement, alors que les ressources naturelles s’épuisent (nous avons consommé en sept mois ce que la planète peut régénérer en un an, selon les calculs de l’ONG Global Footprint Network) ?
De nombreuses entreprises ont indiqué la voie à suivre.
L’une des explications est pour le moins paradoxale : à cause, justement, de ce foisonnement de solutions à activer. Il n’y aura pas une arme ultime, comme la bombe atomique en 1945, mais une addition d’initiatives (bien plus que les 1.500 aujourd’hui recensées par Solar Impulse) tirant dans les mêmes directions. Chacune d’entre elles peut dès lors paraître individuellement dérisoire et reportée à plus tard.
C’est d’autant plus vrai que même cumulées, ces innovations technologiques ne seront pas suffisantes pour arrêter rapidement nos émissions de gaz à effet de serre et limiter le réchauffement. Nous devrons également modifier nos manières de nous déplacer, de nous chauffer, de nous loger, de nous alimenter. Bref, notre manière de vivre et de consommer. De nombreuses entreprises ont indiqué la voie en investissant dans la recherche afin de changer leurs produits, leurs modes de fabrication et d’expédition.
C’est grâce à cela que nous avons désormais un tel panel de solutions possibles. Mais il nous manque encore le courage de concevoir le « Projet Manhattan » pour les déployer à grande échelle sur toute la planète.
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