Pierre-Henri Thomas

Le PIB par habitant en Wallonie est de 30.700 euros, soit un peu moins que celui de la Slovénie

Pierre-Henri Thomas Journaliste

L’Iweps, l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, vient de publier un rapport qui retrace 10 années d’économie wallonne. Il montre qu’à première vue, l’activité dans le sud du pays a évolué grosso modo comme au nord, avec même un léger avantage l’an dernier où la croissance du PIB wallon a atteint 1,7% ; contre 1,5% pour le reste du pays.

A ceux qui s’en réjouissent et qui pointent ce sursaut wallon, on leur dira: “rastrins valet”. Car cette croissance un peu plus forte au sud qu’au nord provient seulement du mélange d’activité de la Région: une Région où les services et l’emploi public et non marchand pèsent plus lourdement qu’ailleurs, et où l’indexation automatique des salaires se fait donc sentir un peu plus fort.

Ce n’est pas une tare en soi, mais quand on décortique les chiffres, on voit que la Wallonie n’a toujours pas rattrapé son retard, non seulement par rapport à la Flandre mais aussi à l’Europe. Ce n’est pas du Wallonia bashing de souligner cette évidence.

“Le PIB par habitant en Wallonie est de 30.700 euros, soit un peu moins que celui de la Slovénie.”

Et si, au vu des derniers chiffres de croissance, les ménages wallons s’en sortent bien, les entreprises, elles, tirent la langue. Leurs coûts ont flambé depuis la crise énergétique et la guerre en Ukraine, la main-d’œuvre n’est pas suffisamment qualifiée, et elles subissent la concurrence des régions ou pays voisins, qui soutiennent leurs entreprises à coup de subsides. Cette fragilité est d’autant plus visible en Wallonie où, comme le souligne l’Iweps, l’énergie est plus chère qu’ailleurs et où les entreprises sont plus faiblement capitalisées qu’en Flandre. Les entreprises wallonnes souffrent de la même chute de productivité que les flamandes, et, ajoute l’Iweps, “elles apparaissent également moins robustes dans l’ensemble puisque le taux de cessation d’activités est plus important en Wallonie alors même que la création brute y est plus faible”.

Une des causes de cette faiblesse wallonne, qui empêche de pousser un cocorico, est que trop souvent la Région s’est reposée sur des politiques de la demande (on soutient, comme en 2023, la consommation des ménages) plutôt que des politiques de l’offre (on soutient l’activité des entreprises et leur capacité concurrentielle). Evidemment, il est plus facile, politiquement, de doper avec quelques chèques le pouvoir d’achat de l’électeur que de bâtir sur du long terme un tissu économique solide et résistant à la concurrence voisine. La tâche n’est pourtant pas impossible : la Wallonie a réussi à créer un écosystème biotech très enviable et la Région abrite quelques pépite high-tech comme Odoo ou i-Care. Mais ce sont encore de trop rares exceptions.

Vous entendez pourtant régulièrement dans les discours électoraux que les marges des entreprises sont confortables. Mais vous entendez moins souvent préciser que le taux de marges n’est pas le bénéfice (il ne tient pas compte des investissements) et surtout qu’il s’agit d’une moyenne, tirée par quelques grandes entreprises. On parle beaucoup du 1% des plus riches, mais cette proportion vaut aussi pour les entreprises. En Belgique, le 1% des entreprises les plus importantes en termes de masse salariale réalise pour plus de la moitié de la valeur ajoutée totale du pays.

Voilà pourquoi, derrière le jeu politique, derrière ces machines électorales telle celle du PTB qui est décortiquée dans notre dossier de couverture, se cache un enjeu majeur pour l’avenir: il consiste à faire de la Région une réelle terre d’accueil pour les entrepreneurs et l’entrepreneuriat. Car la statistique est sans appel : le PIB par habitant en Wallonie est de 30.700 euros, soit un peu moins que celui de la Slovénie.

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