Olivier Mouton

Le déséquilibre belge

Olivier Mouton Chef news

Bart De Wever, formateur royal, aura passé l’été à tenter de concilier les points de vue au sein d’une possible majorité fédérale baptisée Arizona. A priori, les électeurs ont rebattu les cartes pour permettre une coalition plus cohérente que la défunte Vivaldi avec cinq partis “seulement” : N-VA, MR, Engagés, cd&v et Vooruit. Mais dans notre pays, rien n’est jamais facile. Ce jeudi 22 août en soirée, on saura si le leader nationaliste peut poursuivre sa mission, après un passage au Palais. Mais que ce soit le cas ou pas, l’âpreté des discussions illustre la difficulté de remettre en cause les équilibres belges.

La fiscalité est le cœur nucléaire de la discussion. Le contexte budgétaire difficile – 28 milliards à trouver en sept ans – rend illusoire la promesse de ne pas lever de taxes nouvelles. Les fuites concernant la “super note” de Bart De Wever ont mis à jour la volonté de taxer les plus-values à raison de 10% ou davantage. Les modalités de cette décision ont été la source de tensions entre des socialistes flamands désireux de faire payer “les épaules les plus larges” et des libéraux francophones soucieux d’éviter une “rage taxatoire”. Entre les deux logiques et les deux partis, forcément, cela a frotté.

Dans l’absolu, une taxe sur les plus-values n’est pas scandaleuse. Juridiquement, cela tient la route. En Belgique, le niveau de taxation est cependant l’un des plus élevés d’Europe : comment justifier de taxer davantage encore ? Economiquement, cela pose une autre question : “Pour l’économiste, la plus-value n’est que la somme de revenus passés ou futurs qui sont accumulés et qui seront nécessairement distribués à un certain moment : sa taxation est donc une double imposition”, écrivent l’académicien Bruno Colmant et l’avocat fiscaliste Abdelmajid Roughou, dans une carte blanche.

“Le contexte budgétaire difficile rend illusoire la promesse de ne pas lever de taxe nouvelle.”

L’objectif final reste de baisser la taxation sur le travail. Dans ses recettes, Bart De Wever suggère de toucher à un autre sacro-saint équilibre belge : mobiliser une partie des quelque 250 milliards d’euros qui “dorment” sur les comptes d’épargne. Bien vu. Mais pas gagné. Toute alchimie fiscale se heurte à des équilibres politiques compliqués, mais aussi à un conservatisme bien ancré dans notre société, à des lobbies forcenés et à des niches fiscales qui ne sont pas nées par hasard.

L’équation belgo-belge est épineuse pour trois autres raisons. Premièrement, l’effet “retour” des indispensables réformes en matière de travail et de pension – trop souvent reportées – restera aléatoire, et forcément différé. Deuxièmement, l’effort considérable imposé par l’Europe repose sur l’Etat fédéral, pas sur les Régions et Communautés. En Belgique, pas de coopération budgétaire, alors que les réalités économiques sont très différentes au nord et au sud. Enfin, qu’on le veuille ou non, nous sommes entrés politiquement dans une logique confédérale qui ne dit pas son nom.

La tentative de former une Arizona fédérale fut laborieuse, malgré son apparente simplicité, parce que cette coalition est composée des mêmes majorités qui se mettent en place au niveau des Régions. Le résultat, c’est un parti socialiste flamand (Vooruit) sans son pendant francophone, le PS ayant opté pour l’opposition. Idem pour le MR francophone, présent sans l’Open Vld dont les nouveaux présidents ont confirmé leur refus de participer au pouvoir. C’est peut-être l’écueil le plus sournois : l’absence de partis nationaux fige les positions et aggrave le déséquilibre belge. L’ironie de la situation étant qu’un nationaliste flamand doive démêler les nœuds. En sachant que derrière le socio-économique, il aura aussi des revendications institutionnelles.


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